CITE DU VATICAN, Vendredi 8 juin 2001 (ZENIT.org) – » La vie de la première Sainte libanaise reflète celle de sa communauté maronite, caractérisée par la souffrance et la douleur, et nous invite à surmonter les difficultés actuelles « . Fides rapporte ce propos du Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir (81 ans), Patriarche d’Antioche des Maronites, à la veille de la canonisation de la Bienheureuse Rafqa Pietra Choboq Ar Rayès. Voici l´entretien accordé par le cardinal à Fides.
–Quel enseignement offre aux chrétiens libanais l’expérience de la nouvelle Sainte ?
–La vie de Rafqa reflète celle de sa communauté maronite. Elle est en effet la Sainte de la souffrance et de la douleur. Les Libanais, qui nourrissent une vénération particulière pour sainte Rita, ont trouvé en elle les mêmes valeurs, c’est-à-dire un exemple de la découverte de la valeur salvifique de la souffrance partagée avec le Christ, par une créature fragile. Rafqa a connu de nombreuses tribulations dans sa vie, comme par exemple, sa présence aux massacres du Chouf en 1860, et a souffert à plusieurs reprises de l’exode forcé d’une région à une autre. Ce sont là des expériences que les Libanais ont vécues au cours des dernières années : et cela les pousse à trouver dans la sainteté de Rafqa un encouragement pour surmonter avec confiance les conditions difficiles de vie, selon l’invitation faite par saint Paul à offrir, à l’exemple du Christ, nos souffrances pour le salut du monde.
–Il y a quatre ans, le Pape a remis son Exhortation post-synodale » Une espérance nouvelle pour le Liban « . A quel point en est l’Eglise du Liban dans son application ?
–Le fait même de consacrer un Synode spécial au Liban reflète une sollicitude particulière du Pape envers notre Pays. A l’instar de tout autre Synode, il faut du temps pour parvenir à l’application de toutes les indications fournies par l’Exhortation. Durant les travaux du Synode déjà, l’Eglise avait étudié avec une grande profondeur les différentes questions, qui vont des questions pastorales aux questions sociales et politiques. Dans l’Eglise maronite, une Commission spécifique formée de quatre Evêques et de deux Supérieurs généraux est actuellement chargée de donner régulièrement des informations sur l’application de l’Exhortation, et de fournir, par l’intermédiaire d’un bulletin, les conseils et les orientations à tous les Evêques et supérieurs généraux, et en y faisant entrer également les autres communautés catholiques du Liban.
–Et comment ces conseils se sont-ils traduits dans la pratique ?
–Avant tout dans un changement de mentalité. Depuis les plus hautes autorités religieuses jusqu’aux laïcs. L’Eglise est par exemple occupée actuellement à soulager les difficultés pratiques rencontrées par les fidèles, avec des donations de terrains pour la construction de nouveaux appartements qui soient à la portée des jeunes couples. Au plan pastoral, la participation des fidèles est très étendue ; toutes les homélies, toutes les réunions des prêtres et toutes les rencontres bibliques ont été centrées, ces quatre dernières années, sur des questions traitées dans l’Exhortation. Je comprends que les gens veulent arriver, et tout de suite, à l’application intégrale, et qu’ils attendent des changements au plan social, au plan des hôpitaux et des écoles ; mais il faudra encore du temps. Notre Pays traverse une période particulièrement difficile de son histoire, au plan socio-économique, mais surtout au plan politique.
–Le retrait, il y a un an, de l’armée israélienne du Sud du Liban n’a pas apporté une détente dans la situation intérieure. Comment voyez-vous l’avenir des chrétiens du Liban ?
-Il est hors de doute que le Liban n’appartient pas à une seule communauté religieuse, mais à tous ses enfants. La situation au Liban est étroitement liée à celle du Moyen-Orient, et, en conséquence, nous ne pourrons jamais concevoir une paix parfaite au Liban sans voir régner tout d’abord la paix dans toute la région. Un exemple de cette interdépendance est bien le problème des réfugiés palestiniens qui résident en partie sur le territoire du Liban.
–Ces derniers mois, vous avez adopté une position dure vis-à-vis de la présence de l’armée syrienne au Liban…
-Nous avons tout simplement demandé l’application d’un Accord qui fait partie de la Constitution libanaise. Nous sommes toujours favorables à l’instauration de relations équilibrées et de très grande collaboration entre le Liban et la Syrie ; mais cela suppose que chacun soit tout d’abord souverain chez lui. L’Eglise n’a aucune intention de se substituer aux hommes politiques. Le problème, c’est que nous avons une classe politique qui a renoncé à ses propres devoirs en confiant à des tiers les rênes du pays.