Scouts d'Europe © Vatican Media

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Scouts d'Europe : "la liberté se conquiert en marchant", affirme le pape

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« Arrêter de subir la vie et descendre sur le terrain »

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« La liberté se conquiert en marchant », pas « en étant enfermés dans une chambre avec son téléphone », a affirmé le pape François devant les jeunes scouts participant à l’Euromoot, qu’il a rencontrés le 3 août 2019.
Dans la Salle Paul VI du Vatican, où l’attendaient des milliers de jeunes de 16 à 21 ans provenant de 20 nations de l’Union internationale des Guides et des Scouts d’Europe (UISGE), le pape a donné « cinq mots » traçant « une route claire » : « Donnez et l’on vous donnera. »
« Avant tout, donnez, a-t-il insisté devant les scouts qui venaient de parcourir des routes italiennes historiques. Aujourd’hui l’on pense tout de suite à avoir. Beaucoup vivent avec le seul but de posséder ce dont ils ont envie. Mais ils ne sont jamais satisfaits… il n’y a pas de rassasiement dans la possession. Avoir plus provoque plus de faim, plus de volonté d’avoir, sans trouver ce qui fait du bien au cœur. »
En effet, a expliqué le pape, « le cœur ne s’entraîne pas avec l’avoir, mais avec le don. Avoir engraisse le cœur, le rend lourd, le rend mondain. Le don le rend léger… Donner veut dire se lever de son fauteuil, des conforts qui replient sur soi, et se mettre en chemin. Donner veut dire arrêter de subir la vie et descendre sur le terrain pour offrir au monde un peu de bien. S’il vous plaît, ne laissez pas la vie sur la table de nuit, ne vous contentez pas de la voir défiler à la télévision, ne croyez pas que c’est la prochaine appli à télécharger qui vous rendra heureux ».
« Le dernier smartphone, la voiture la plus rapide ou le vêtement plus à la mode, en plus de ne jamais suffire, ne te donneront jamais la joie de te sentir aimé et aussi la joie d’aimer, a-t-il aussi averti. Et c’est cela la vraie joie : te sentir aimé et aimer. »
Le pape a assuré aux jeunes : « Pour l’Eglise vous êtes précieux, pour moi vous êtes précieux. Je voudrais le dire à chacun de vous : pour moi tu es précieux. Pour Dieu tu es précieux. »
Voici notre traduction de son discours.
Discours du pape François
Chers amis, bonjour et bienvenue,
Je remercie le cardinal Angelo Bagnasco pour ses paroles et je vous remercie aussi tous parce que vous êtes ici, et parce que vous avez accompli un long chemin pour y arriver ! Vous avez fait tant de route. Vous êtes un peu épuisés, certainement. Je suis sûr d’une chose : qu’en vous, vous vous sentez plus libres qu’avant. Je suis sûr de cela. Et que nous dit cela ? Que la liberté se conquiert en chemin, elle ne s’achète pas au supermarché. Elle se conquiert en marchant. La liberté n’arrive pas en étant enfermés dans une chambre avec le téléphone et ni en planant un peu pour fuir la réalité. Non, la liberté arrive en chemin, pas après pas, avec les autres, jamais seuls.
Dans votre chemin, vous avez eu cinq étapes, cinq rencontres avec de grands saints qui à diverses époques ont parcouru l’Europe : Paul de Tarse, Benoît de Nursie, Cyrille et Méthode, François d’Assise, Catherine de Sienne. Ces gens, ces saints, qu’ont-ils eu en commun ? Ils n’ont pas attendu quelque chose de la vie ou des autres, mais ils ont fait confiance à Dieu et ils ont risqué, ils se sont mis en jeu, en chemin, pour réaliser de si grands rêves que des siècles plus tard ils nous font aussi du bien à nous, à vous, à tout le monde. Ils ont donné leur vie, ils ne l’ont pas gardée pour eux. Alors, après ces rencontres, je voudrais vous laisser cinq mots. Vous avez eu cinq rencontres, je voudrais vous laisser cinq mots. Pas les miens, mais ceux de l’Evangile qui vous a accompagnés sur votre trajet et que je vous invite à garder toujours avec vous, comme votre GPS – l’Evangile est le vrai GPS pour le chemin de la vie – et à l’ouvrir chaque jour, parce que l’Evangile est la carte de la vie. Voici les cinq paroles de Jésus, ce sont cinq mots dont il est facile de se souvenir : « Donnez et l’on vous donnera » (Lc 6,38). Cinq mots, mais tout un message, un programme de vie. Des mots simples, qui tracent une route claire. Donnez et l’on vous donnera.
Avant tout, donnez. Aujourd’hui l’on pense tout de suite à avoir. Beaucoup vivent avec le seul but de posséder ce dont ils ont envie. Mais ils ne sont jamais satisfaits, parce que quand tu as une chose tu en veux une autre et puis une autre encore et on continue, sans fin. Il n’y a pas de rassasiement dans la possession. Avoir plus provoque plus de faim, plus de volonté d’avoir, sans trouver ce qui fait du bien au cœur. Le cœur ne s’entraîne pas avec l’avoir, mais avec le don. Avoir engraisse le cœur, le rend lourd, le rend mondain. Le don le rend léger. C’est un entraînement de tous les jours. C’est pourquoi Jésus fixe comme point de départ non pas l’avoir, mais le don : donnez, c’est-à-dire commencez à mettre en jeu la vie ! Donner veut dire se lever de son fauteuil, des conforts qui replient sur soi, et se mettre en chemin. Donner veut dire arrêter de subir la vie et descendre sur le terrain pour offrir au monde un peu de bien. S’il vous plaît, ne laissez pas la vie sur la table de nuit, ne vous contentez pas de la voir défiler à la télévision, ne croyez pas que c’est la prochaine appli à télécharger qui vous rendra heureux. « Les plus beaux rêves se conquièrent avec espérance, patience et engagement, en renonçant à la précipitation » (Exort. ap. post syn. Christus vivit, 142). Dieu vous accompagne sur ce chemin et est votre supporter, pour que vous donniez le meilleur. Il y a autre chose dans la volonté d’avoir : l’aliénation. Tu perds ton originalité et tu deviens une photocopie. Mais Dieu a créé chacun original, avec son nom. Ne faisons pas de notre originalité – comme le disait ce jeune de 16 ans Carlo Acutis – une photocopie. Combien de jeunes aujourd’hui, c’est triste, sont une photocopie, ils ont perdu leur originalité et ils copient l’identité d’une quelconque autre originalité. Tu dis : “Ça va, je donne le meilleur de moi, mais partout il y a tant de je-m’en-foutisme, beaucoup pensent seulement à eux. Es-ce qu’en donnant je ne deviens pas un naïf dont tout le monde se rie ?”. Je voudrais te dire : fais confiance à Jésus. Après avoir dit donnez, il ajoute : et l’on vous donnera. Dieu est Père et il vous donnera plus que ce que vous imaginez. Dieu ne nous laisse pas les mains vides. Quand on dirait qu’il t’enlève quelque chose, c’est seulement pour faire de la place et te donner plus et mieux, pour te faire avancer sur le chemin. Il te libère des fausses promesses des consommations pour te rendre libre de l’intérieur. Jésus te rend heureux de l’intérieur, pas de l’extérieur. Jésus ne te maquille pas, non : il fait une réalité à l’intérieur, il te rend beau de l’intérieur, il te rend belle de l’intérieur ! Pas de l’extérieur. Il te donne ce que personne ne peut te donner ; parce que le dernier smartphone, la voiture la plus rapide ou le vêtement plus à la mode, en plus de ne jamais suffire, ne te donneront jamais la joie de te sentir aimé et aussi la joie d’aimer. Et c’est cela la vraie joie : te sentir aimé et aimer.
Donc, la première chose, donner. C’est le secret de la vie. Vous savez pourquoi ? Parce que la vie est une réalité spéciale : “Je veux posséder la vie, posséder ma vie. Comment dois-je faire ?” La vie se possède seulement en la donnant, en la donnant. Ainsi tu posséderas ta vie ! Mais tu peux dire: “Même si je donne le meilleur de moi, la réalité ne changera pas en mieux”. Ce n’est pas vrai. Tu sais pourquoi ? Parce que tu es unique. Parce que personne au monde ne peut donner au monde ce que tu es appelé à donner toi-même. Quelqu’un disait la même chose à Mère Teresa de Calcutta: “Mais vous ma sœur, vous faites ces choses avec les pauvres, avec les agonisants… vous faites tant de belles choses… Mais qu’est-ce que cela fait dans un monde si païen, si athée, si mauvais, avec tant de guerres ?”. Et elle disait : “Une goutte de plus dans la mer. Si je ne la donne pas personne ne la donnera”. Personne ne peut donner ce que moi seul je peux donner. Personne au monde ne peut donner ce que tu es appelé à donner toi ! Chacun de vous est unique et – s’il vous plaît, ne l’oubliez jamais – est précieux aux yeux de Dieu. Pour l’Eglise vous êtes précieux, pour moi vous êtes précieux. Je voudrais le dire à chacun de vous : pour moi tu es précieux. Pour Dieu tu es précieux. Il serait beau que vous vous disiez cela du fond du cœur chaque fois que vous êtes ensemble : “Tu es précieux, tu es précieux … ”. C’est le don. L’invitation donnez et l’on vous donnera de Jésus vaut aussi à l’égard des autres. J’aime penser à ce qu’en jargon scout vous appelez Départ, c’est-à-dire au moment où vous choisissez de faire du service votre style de vie. S’ouvrir à l’autre, vivre pour faire du bien à l’autre, vivre – pour reprendre vos mots – la fraternité scoute : si vous vivez comme cela, il vous sera donné. Oui, parce que si vous construisez des ponts vers les autres, vous verrez les autres parcourir ces ponts vers vous. Quand au contraire l’on reste seuls à regarder en l’air, en se perdant dans son imagination, l’on vit dans une bulle de savon. Mais une vie qui vagabonde dans les airs s’évapore plutôt que d’avancer. Regardez vos mains, faites pour construire, pour servir, pour donner aux autres…
Donnez et l’on vous donnera vaut aussi à l’égard de la création. Si nous continuons à l’exploiter, elle nous donnera une terrible leçon. Nous la vivons déjà. Si nous en prenons soin, nous aurons une maison aussi demain. Dans votre chemin vous êtes immergés dans la nature. C’est beau ! Vous avez remarqué que la création n’a pas de frontière ? La création n’a pas de frontière: elle est de tous et pour tous. Les plantes, les bois, les animaux grandissent sans frontière, sans douane. La création est un livre ouvert qui nous donne un enseignement précieux : nous sommes au monde pour rencontrer les autres, pour créer de la communion, parce que nous sommes tous liés. La création est faite pour nous lier à Dieu et entre nous, c’est le réseau social de Dieu. Mais si nous partons de préjugés sur les autres, d’idées préétablies, nous verrons toujours des limites et des barrières. Si au contraire nous commençons à rencontrer l’autre, avec son histoire, avec sa réalité, nous découvrirons un frère avec lequel habiter la maison commune, habiter la création qui n’a pas de frontière.
Chers amis, vous avez marché jusqu’ici en suivant la devise Parate viam Domini (Préparez la voie du Seigneur). Je vous encourage à préparer le chemin du Seigneur où que vous vous trouviez. Le chemin du Seigneur est facile à reconnaître : c’est celui qui a le don comme sens de la marche, qui fait avancer le monde ; pas la possession, qui fait reculer. N’oubliez pas : la possession est comme cela. Il faut donner. La possession te fait reculer. Le don te fait avancer. En choisissant le chemin du don, on devient citoyens actifs, comme le disait votre fondateur Baden Powell. C’est si important, aujourd’hui : le Seigneur ne cherche pas seulement des gens biens – pas seulement ça – mais le Seigneur cherche des gens qui font le bien ! L’amour pour l’Europe aussi, qui vous rapproche, ne demande pas seulement des observateurs attentifs, mais des constructeurs actifs : des constructeurs de société réconciliées et intégrées, qui donnent vie à une Europe renouvelée ; non pas protectrice des lieux, mais génératrice de rencontres. L’Europe a besoin de se rencontrer. Vous, routiers et éclaireurs de toute l’Europe, vous avez ce devoir historique. Par votre chemin et vos rêves, vous forgez déjà l’esprit européen. L’insigne de tous les scouts est un lis. C’est le symbole qui indique le nord sur les boussoles et sur les vieilles cartes de navigation. Il rappelle que le scoutisme veut former des hommes et des femmes qui ouvrent des chemins vers le Haut et qui gardent la juste route, celle du bien. N’oubliez pas : donnez, toujours ainsi, de l’avant ; non pas avec la volonté de posséder qui conduit toujours en arrière. “Donnez et l’on vous donnera”. C’est le don qui comblera l’envie. Je vous souhaite, chers scouts et routiers d’Europe, de frayer des chemins sur la voie du don. Donnez et l’on vous donnera. Je vous remercie, je vous demande de prier pour moi et je vous souhaite une bonne route !
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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