Soeur Veronica, rencontre sur la protection des mineurs, 23 février 2019 © Vatican Media

Soeur Veronica, rencontre sur la protection des mineurs, 23 février 2019 © Vatican Media

Protection des mineurs : "des entretiens face à face, transparents et courageux, avec les victimes et les agresseurs"

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Intervention de Sœur Veronica Openibo (Texte intégral)

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« Une meilleure gestion des cas est nécessaire, à travers des entretiens face à face, transparents et courageux, avec les victimes et les agresseurs », a affirmé Sœur Veronica Openibo, devant les présidents des Conférences épiscopales réunis au Vatican sur le thème de la protection des mineurs, ce 23 février 2019. « Le cœur lourd et triste, a-t-elle confié, je pense à toutes les atrocités que nous avons commises en tant que membres de l’Eglise… Nous devons reconnaître que notre médiocrité, hypocrisie et complaisance nous ont conduits dans cette situation honteuse et scandaleuse. »
Dans son discours au matin du troisième jour de ce Sommet, la responsable de la Congrégation des Sœurs du Saint Enfant Jésus a insisté : « Ne cachons plus ces événements par peur de commettre des erreurs. Trop souvent, nous voulons garder le silence jusqu’à ce que la tempête passe ! Cette tempête ne passera pas. Notre crédibilité est en jeu. »
Dans son intervention intitulée « L’ouverture au monde comme conséquence de la mission ecclésiale », Soeur Veronica a souligné l’urgence d’affronter la question des abus sexuels « de façon plus directe, transparente et courageuse en tant qu’Eglise » : « Ayons le courage de parler plutôt que de nous taire pour éviter de commettre une erreur. Nous pouvons commettre des erreurs mais… la postérité nous jugera pour notre manque d’action. »
Sœur Veronica a formulé des suggestions de stratégies, parmi lesquelles « rendre public ce qui a été fait depuis l’époque du pape Jean-Paul II pour résoudre la situation… cela montrera que l’Eglise n’a pas été totalement silencieuse ». Mais aussi ne plus accepter aucune couverture, y compris lorsque l’agresseur est âgé : « Le prétexte selon lequel on devrait faire preuve de respect à l’égard de certains prêtres en raison de leur grand âge et de leur position hiérarchique est inacceptable. »
Elle a invité à « former suffisamment de personnes sensibles et compatissantes » pour écouter et offrir « un soutien psychologique et spirituel » aux victimes, dans tous les pays. Et qu’il y ait dans chaque diocèse une commission d’hommes et de femmes « d’une grande intégrité », « échangeant leurs connaissances sur les procédures et les protocoles des documents, les implications juridiques et financières des allégations et les réseaux nécessaires de responsabilité ».
Sœur Veronica a également plaidé pour « une éducation et une formation claires et équilibrées sur la sexualité et de ses limites » dans les maisons de formation, dénonçant au passage le cléricalisme : « Cela me préoccupe quand je vois à Rome, ou ailleurs, les tout jeunes séminaristes être traités comme si ils étaient plus spéciaux que n’importe qui d’autre, ce qui les encourage à avoir, dès le début de leur formation, une conception glorifiée de leur statut. »
Enfin, en conclusion, la religieuse a évoqué la gestion des cas des évêques chiliens par le pape François, « de la négation des accusations à la colère, à cause de la tromperie et de la couverture, à l’acceptation de la démission de trois des évêques » : « Je t’admire, frère François, d’avoir pris le temps, en tant que vrai jésuite, de discerner et d’avoir assez été humble pour changer d’avis, t’excuser et prendre des mesures – un exemple pour nous tous. Merci, Pape François, de nous offrir cette occasion de constater là où nous nous sommes comportés de façon étrange, ignorante, secrète et complaisante. »
Et de souligner également le rôle des femmes, qui « ont acquis des expériences utiles dans ce domaine et ont déjà fait beaucoup pour soutenir les victimes et aussi pour travailler de façon créative sur leur propre usage du pouvoir et de l’autorité ».
AK
Intervention de Sœur Veronica
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur ». (Luc 4, 18-19)
Synthèse
Comme conséquence de la conscience qu’elle a de sa mission dans le monde aujourd’hui, l’Eglise doit actualiser et créer de nouveaux systèmes et pratiques qui promeuvent l’action sans crainte de commettre des erreurs. Les abus sexuels de la part du clergé représentent une crise qui a miné la crédibilité de l’Eglise, alors que la transparence devrait être la caractéristique de la mission en tant que fidèles de Jésus Christ. Le fait que de nombreuses personnes accusent aujourd’hui l’Eglise catholique de négligence est inquiétant. L’Eglise doit faire tout le possible pour protéger ses membres jeunes et vulnérables. L’attention doit être concentrée non pas sur la crainte ou la honte, mais plutôt sur la mission de l’Eglise qui consiste à servir avec intégrité et justice.
Introduction
La mission de l’Eglise découle directement de notre compréhension la plus profonde de l’Incarnation. Le christianisme catholique est enraciné dans la croyance en un Dieu qui a choisi d’être un avec le monde humain. La conscience que l’Eglise a de sa mission doit être une manifestation du Christ que nous savons être tant humain que divin. La mission tout entière du Christ a été de révéler qui est Dieu et qui nous pouvons devenir. Cela implique une acceptation totale de tout ce qui est humain et de tout ce que la puissance de la grâce de Dieu fait pour nous transformer en témoins du divin. Notre vision du monde, si elle est chrétienne, doit être fondée sur le respect et la dignité de chaque être humain.
Nous vivons actuellement une situation de crise et de honte. Nous avons gravement offusqué la grâce de la mission du Christ. Est-il possible pour nous de passer de la peur du scandale à la vérité ? Comment éliminons-nous les masques qui cachent notre négligence coupable ? Quels politiques, programmes et procédures nous conduiront à un nouveau point de départ revitalisé, caractérisé par une transparence qui illumine le monde avec l’espérance de Dieu pour nous dans l’édification du Royaume de Dieu ?
Pendant tout le temps où j’écrivais mon intervention, mon regard était trouble et je me demandais ce que cela pouvait signifier. Puis, je me suis rappelé la première fois que j’ai vu le film Spotlight, le drame biographique américain de 2015 sur l’enquête que mena le Boston Globe sur des cas répandus et généralisés d’abus sexuels dans la région de Boston de la part de nombreux prêtres et leur couverture présumée de la part des autorités ecclésiales.
A la fin du film s’affiche une longue liste de cas et des diocèses où ils ont eu lieu et en lisant le nombre d’enfants concernés (et en voyant plus tard les vastes sommes d’argent dépensées en dommages et intérêts), j’ai versé des larmes de tristesse. Comment l’Eglise a-t-elle pu garder le secret, en couvrant ces atrocités ? Le silence, les secrets gardés dans le cœur de ceux qui avaient perpétré les abus, la durée des abus et les transferts constants de ces personnes sont inimaginables. On peut penser qu’il y a eu des signes importants dans le confessionnal et dans la direction spirituelle. Le cœur lourd et triste, je pense à toutes les atrocités que nous avons commises en tant que membres de l’Eglise. La Constitution de ma propre congrégation me rappelle : « Dans le Christ, nous nous unissons à toute l’humanité, en particulier les pauvres et ceux qui souffrent. Nous acceptons notre part de responsabilité pour les péchés du monde et ainsi, nous vivons pour que son amour puisse prévaloir » (Constitutions SHCJ n.6). Nous devons reconnaître que notre médiocrité, hypocrisie et complaisance nous ont conduits dans cette situation honteuse et scandaleuse dans laquelle nous nous trouvons en tant qu’Eglise. Nous nous arrêtons pour prier Seigneur aie pitié de nous !
Dans Gaudete et Exsultate (164), nous lisons que « Ceux qui ont le sentiment qu’ils ne commettent pas de fautes graves contre la Loi de Dieu peuvent tomber dans une sorte d’étourdissement ou de torpeur. Comme ils ne trouvent rien de grave à se reprocher, ils ne perçoivent pas cette tiédeur qui peu à peu s’empare de leur vie spirituelle et ils finissent par se débiliter et se corrompre ». Tant d’aspects de cette affirmation du Pape François ressortent pour moi sur la question des abus d’enfants, de même que ces phrases du Document préparatoire PCB : « Une Eglise qui est fermée/repliée sur soi n’est plus Eglise. Sa mission serait contrariée. Le but n’est pas de renoncer aux principes et de séculariser l’Eglise, mais de vivre de façon visible et perceptible ce que l’on affirme être, ou ce que l’on est et tel que l’on est vraiment ».
Nous proclamons les Dix Commandements et « nous vantons » d’être les gardiens de normes/valeurs morales et du bon comportement en société. Parfois hypocrites ? Oui ! Pourquoi avons-nous gardé le silence si longtemps ? Comment pouvons-nous transformer cela en une occasion d’évangéliser, d’enseigner, et d’éduquer tous les membres de l’Eglise, y compris le clergé et les religieux ? Est-il vrai que la plupart des évêques n’ont rien fait à propos des abus sexuels d’enfants ? Certains ont agi et d’autres pas, par crainte ou pour couvrir ces cas.
Nous pourrions dire que l’Eglise prend actuellement des mesures pour mettre un terme à cette situation, mais également pour être plus transparente à propos de toutes les mesures qu’elle a prises de façon privée pendant plus de deux décennies, telles que rencontrer les victimes d’abus sexuels, dénoncer les cas aux autorités civiles compétentes et instituer des commissions. La question aujourd’hui est comment affronter la question des abus sexuels des mineurs de façon plus directe, transparente et courageuse en tant qu’Eglise. La structure et les systèmes hiérarchiques dans l’Eglise devraient être providentiels pour toucher le monde entier à travers des mécanismes très clairs en vue d’affronter cette question et beaucoup d’autres. Pourquoi cela n’a-t-il pas été suffisamment le cas ? Pourquoi d’autres questions concernant la sexualité n’ont-elles pas été suffisamment affrontées, par exemple, l’abus de pouvoir, l’argent, le cléricalisme, la discrimination de genre, le rôle des femmes et les laïcs en général ? Est-ce parce que les structures hiérarchiques et les longs protocoles qui ont affecté de façon négative la rapidité des actions se sont concentrés davantage sur la réaction des médias ?
Réflexion
Je voudrais offrir quelques réflexions sur la base de mon expérience en tant que religieuse africaine. J’habite à Rome depuis quinze ans et j’ai étudié en Amérique pendant trois ans. Je connais donc bien ces problèmes du Nord du monde. Probablement comme beaucoup d’entre vous, j’ai entendu certains Africains et Asiatiques dire que « ce n’est pas un problème que nous avons dans les pays en Afrique et en Asie, c’est un problème en Europe, aux Amériques, au Canada et en Australie ». Toutefois, pendant neuf ans, j’ai travaillé partout au Nigéria dans le domaine de l’éducation sexuelle et j’ai écouté de nombreux récits et apporté une aide psychologique à de nombreuses personnes. J’ai compris combien les questions étaient et sont encore graves et je voudrais parler de certaines de mes expériences personnelles pour souligner ce fait. Au début des années 90, un prêtre m’a dit qu’il y avait des abus sexuels dans les couvents et les maisons de formation et que en tant que présidente de la Conférence des religieuses du Nigéria, je devrais faire faire quelque chose pour affronter le problème. Un autre prêtre au début des années 2000 m’a dit qu’un groupe ethnique spécifique pratiquait beaucoup l’inceste mais j’ai dit que, d’après mon expérience personnelle, l’inceste est un problème mondial. Un vieil homme sur son lit de mort m’a révélé qu’il avait des troubles du comportements à cause des abus sexuels dont il a été victime adolescent de la part des prêtres dans son école. Une fillette agressée par un prêtre à l’âge de treize ans l’a rencontré 25 ans plus tard et il ne l’a pas reconnue…
Transparence
 Ne cachons plus ces événements par peur de commettre des erreurs. Trop souvent, nous voulons garder le silence jusqu’à ce que la tempête passe ! Cette tempête ne passera pas. Notre crédibilité est en jeu. Jésus nous a dit, « Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient, il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être jeté à la mer » (Mc 9, 42). Nous devons affronter ce problème et chercher à guérir les victimes d’abus. Le processus normal pour le clergé – par le passé et aujourd’hui encore dans certains endroits – était/est d’apporter notre soutien à l’« un des nôtres », pour éviter de faire éclater le scandale et discréditer l’Eglise. Tous les agresseurs, quel que soit leur état clérical, qui sont jugés coupables devraient recevoir la même peine pour l’abus de mineurs.
 Ayons le courage de parler plutôt que de nous taire pour éviter de commettre une erreur. Nous pouvons commettre des erreurs mais nous ne sommes pas
créés pour être une erreur et la postérité nous jugera pour notre manque d’action. Le premier pas vers la véritable transparence est d’admettre les fautes et ensuite de rendre public ce qui a été fait depuis l’époque du Pape Jean-Paul II pour résoudre la situation. Cela n’est peut-être pas suffisant aux yeux de nombreuses personnes, mais cela montrera que l’Eglise n’a pas été totalement silencieuse.
 Nous devons créer des processus plus efficaces et efficients, fondés sur la recherche dans le développement humain, ainsi que sur le droit civil et canonique, pour la protection des mineurs. Ensuite, des politiques de protection et des lignes d’orientation claires et exhaustives devraient être affichées de façon visible dans les divers bureaux paroissiaux et publiées sur internet. Une meilleure gestion des cas est nécessaire, à travers des entretiens face à face, transparents et courageux, avec les victimes et les agresseurs, ainsi qu’avec des groupes d’enquête. Dans certaines parties du monde, y compris les pays d’Afrique et d’Asie, ne rien dire est une terrible erreur, comme nous l’avons vu dans de nombreux pays. Le fait qu’il y ait d’importants problèmes de pauvreté, de maladie, de guerre et de violence dans certains pays du sud du monde ne signifie pas que la question des abus sexuels doit être minimisée ou ignorée. L’Eglise doit l’affronter de façon proactive.
 Le prétexte selon lequel on devrait faire preuve de respect à l’égard de certains prêtres en raison de leur grand âge et de leur position hiérarchique est inacceptable. Selon cet argument, un grand nombre d’agresseurs seraient âgés, certains ne seraient plus en vie, et nous ne devrions pas leur porter atteinte, à eux ou à leur réputation, en les privant de leur sacerdoce à un âge avancé. Nous pouvons éprouver une certaine tristesse pour ceux qui, lorsqu’ils étaient jeunes, ont commis des offenses qui sont maintenant rendues publiques. Mais mon cœur souffre pour les nombreuses victimes qui ont vécu avec la honte et la culpabilité déplacée à cause de violations répétées pendant des années. Dans certains de ces cas, les coupables ne considéraient même pas ces victimes comme des personnes, mais comme des objets.
 Il est vrai que, en tant qu’Eglise, nous croyons dans le repentir du pécheur, dans la conversion des cœurs et dans la grâce de la transformation, « Va, désormais ne pèche plus » (Jn 8, 1-11). Cela peut faire naître un profond dilemme chez certaines personnes, en particulier quand nous savons que ceux qui se rendent coupables d’abus ont souvent été des victimes eux-mêmes. Avons-nous besoin de nous interroger profondément sur ce que veut dire la justice avec la compassion ? Comment pouvons-nous créer un environnement pour la prière et le discernement pour que la grâce de Dieu nous illumine sur le chemin de la justice, afin que la conversion et la guérison puissent être possibles à la fois pour les victimes et pour les agresseurs ? Nous devrions chercher à savoir quels sont les lieux dans le monde (pas seulement dans les pays les plus riches) où les meilleures pratiques à cet égard sont développées et comment nous pouvons les mettre en place ? Un grand nombre d’entre elles se trouvent dans l’Eglise.
 En publiant les noms des coupables, pouvons-nous publier une liste complète d’informations sur ces situations ?
Stratégie pour l’avenir
 Il devient évident que pour de nombreuses victimes, être écoutées et recevoir un soutien psychologique et spirituel a été le début d’un processus de guérison. Pouvons-nous former suffisamment de personnes sensibles et compatissantes pour offrir ce service dans tous les pays, y compris les endroits où les gens ne mangent pas toujours à leur faim ? Existe-t-il des façons d’aider les paroisses à guérir les victimes en utilisant leur sagesse traditionnelle ? Utilisons-nous la prédication et d’autres moyens de répondre aux problèmes sexuels dans la société ? Comment les diocèses peuvent-ils partager leur stratégie pour fournir des programmes d’éducation et des programmes de formation sensibles aux cultures ? De telles informations, qui respectent la dignité des personnes humaines et qui soulignent les comportements inacceptables, pourraient être utilisées dans les paroisses et les écoles, les hôpitaux et d’autres lieux du ministère pastoral.
 Comment pouvons-nous continuer d’affronter de façons très concrètes les questions de la prostitution et de la traite sur une très vaste échelle ainsi que
l’infidélité personnelle et la promiscuité dans le monde ? Il doit y avoir des catholiques, ainsi que d’autres personnes animés de principes semblables, dans des positions d’influence, dans, par exemple, l’industrie du cinéma, la télévision et la publicité. On pourrait les encourager à se réunir et à réfléchir sur leur rôle en vue de promouvoir une meilleure vision de la personne humaine. Il faut souligner le tort fait par la société aux hommes dans toute culture patriarcale dans le domaine de la sexualité. Cherchons les moyens de mieux utiliser les médias sociaux pour éduquer les personnes dans le domaine de la sexualité et des relations humaines.
 Une éducation et une formation claires et équilibrées sur la sexualité et de ses limites sont de toute évidence nécessaires dans les maisons de formation ; dans la formation permanente des prêtres, des religieux et des religieuses et des évêques. Cela me préoccupe quand je vois à Rome, ou ailleurs, les tout jeunes séminaristes être traités comme si ils étaient plus spéciaux que n’importe qui d’autre, ce qui les encourage à avoir, dès le début de leur formation, une conception glorifiée de leur statut. L’étude du développement humain doit donner lieu à une interrogation sérieuse sur l’existence des petits séminaires. La formation des jeunes religieuses également, peut souvent conduire à un faux sentiment de supériorité sur leur frères et sœurs laïcs, et à penser qu’elles ont reçu un appel « plus élevé ». Quels dommages cette façon de pensée a-t-elle provoqués pour la mission de l’Eglise ? Avons-nous oublié le rappel par Vatican II dans Gaudium et spes de l’appel universel à la sainteté ? De plus, nous devons demander à des laïcs et des religieuses responsables et sensibles de donner une réelle et honnête évaluation des candidats aux charges épiscopales.
 Pourrait-on demander à chaque diocèse de réunir des hommes et des femmes d’une grande intégrité – laïcs, religieux, et membres du clergé – pour former une commission conjointe, échangeant leurs connaissances sur les procédures et les protocoles des documents, les implications juridiques et financières des allégations et les réseaux nécessaires de responsabilité ? Une personne qualifiée – les laïcs, les religieux ou les prêtres – pourrait être le président idéal pour de tels groupes. De plus, ils doivent comprendre comment gérer au mieux les graves cas d’abus sexuels qui ont déjà éclaté dans certains pays asiatiques et africains comme cela a eu lieu ailleurs. Un grand nombre de personnes qui ont été victimes d’abus sexuels de la part de prêtres ou d’autres personnes occupant des positions pastorales souffriront quand des souvenirs traumatisants seront évoqués. On rappellera à certaines personnes qu’elles pourraient être exposées comme auteurs passés ou présents d’abus ou accusées de couvrir ces faits. De nombreuses personnes, dans les diverses formes de ministère, rencontreront des personnes, des parents, des adultes et/ou des enfants, qui ont été ou qui sont victimes d’abus et doivent savoir comment répondre de façon appropriée. Certaines allégations seront fausses, ce qui provoquera une souffrance d’un autre type. L’impact de la foi entachée dans l’Eglise ne peut pas être sous-estimée car un grand nombre de catholiques sont et seront en colère et confus. Les personnes ayant une position d’autorité doivent également savoir quoi dire et quoi faire en termes de réponse quand ces faits arrivent aux médias.
Conclusion
Nous savons que la question la plus importante est la proclamation de l’Evangile d’une façon qui touchera les cœurs des jeunes et des personnes âgées. Nous sommes appelés à proclamer la Bonne Nouvelle mais nous devons ETRE une bonne nouvelle pour les personnes que nous servons aujourd’hui. Ce n’est pas étonnant que le Pape François ait déclaré le mois d’octobre 2019 Mois missionnaire extraordinaire.
L’Eglise, dans la mission qu’elle a reçue de Jésus Christ, doit être ouverte à une plus grande transparence parce que nous sommes envoyés au monde localement et mondialement. Tout notre être ne consiste pas seulement à être le gardien de la foi, mais à vivre de façon visible et claire ce que nous affirmons être.
Nous sommes appelés comme Jésus dans sa déclaration de mission : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur ». (Lc 4, 18-19).
En conclusion, je souligne ce qui suit : L’Esprit du Seigneur est sur chacun de nous ici ; il a consacré par l’onction chacun de nous ;
pour porter la bonne nouvelle aux pauvres : les personnes vulnérables, protégeant en particulier les enfants vulnérables, en cherchant la justice pour les victimes d’abus et en prenant des mesures afin d’éviter que ces abus ne se répètent ;
annoncer aux captifs la délivrance : les agresseurs ont besoin de délivrance, de conversion et de transformation ;
aux aveugles le retour à la vue : ceux qui ne voient pas les problèmes, ou qui se concentrent sur la protection « des nôtres », ou qui gardent le silence ou qui
couvrent ces cas, ont besoin de recouvrir la vue ;
renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur en prenant les mesures nécessaires et en maintenant une tolérance zéro à l’égard des abus sexuels, nous renverrons en liberté les opprimés. C’est notre année de grâce, assumons la responsabilité courageuse d’être véritablement transparents et responsables.
En revenant au titre de cette conférence, un autre passage concernant la conscience que l’Eglise a d’elle-même est tiré de Matthieu 5, 14-16. « Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d’un mont. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire, où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ».
J’ai lu avec un grand intérêt de nombreux articles sur les réactions du Pape François dans les cas des évêques chiliens – de la négation des accusations à la colère, à cause de la tromperie et de la couverture, à l’acceptation de la démission de trois des évêques. Je t’admire, frère François, d’avoir pris le temps, en tant que vrai jésuite, de discerner et d’avoir assez été humble pour changer d’avis, t’excuser et prendre des mesures – un exemple pour nous tous.
Merci, Pape François, de nous offrir cette occasion de constater là où nous nous sommes comportés de façon étrange, ignorante, secrète et complaisante. Je pense que nous changerons, avec une profonde détermination, notre approche tout entière sur la façon de dénoncer les abus, soutenir les victimes, faire en sorte que les personnes adaptées guident et soutiennent les victimes et surtout, faire tout notre possible pour protéger les mineurs et les adultes vulnérables de toute forme d’abus. Merci également de donner aux religieuses, à travers la direction de l’Union des supérieures générales (UISG) l’occasion de participer à cette conférence. Les femmes ont acquis des expériences utiles dans ce domaine et ont déjà fait beaucoup pour soutenir les victimes et aussi pour travailler de façon créative sur leur propre usage du pouvoir et de l’autorité.
Je forme le vœu et des prières pour qu’au terme de cette conférence, nous choisissions délibérément de briser toute culture du silence et du secret parmi nous, de faire entrer davantage de lumière dans notre Eglise. Reconnaissons notre vulnérabilité ; soyons proactifs, pas réactifs dans la lutte contre les défis qui se présentent dans le monde des jeunes et des personnes vulnérables, et affrontons sans crainte les autres cas d’abus dans l’Eglise et la société.
Permettez-moi de rappeler à tous les paroles du Pape François : Un chrétien qui ne marche pas, qui ne va pas de l’avant « est malade dans son identité »…
L’Evangile est clair : le Seigneur les envoya, « allez, allez de l’avant ! ». Le chrétien chemine, s’il y a des difficultés, il va au-delà pour annoncer que le Royaume de Dieu est proche.
Merci.
Traduction du Vatican

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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