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Mgr Bernardito Auza, UNTV capture

ONU: le Saint-Siège défend les exclus et fustige la corruption (traduction complète)

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Intervention de Mgr Auza sur l’état de droit

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Le Saint-Siège plaide à l’ONU pour les sans voix qui n’ont pas accès aux instruments de la justice et il souligne, entre autres, le lien entre « l’état de droit et la liberté d’opinion et d’expression », niée de fait par  « l’emprisonnement et le meurtre de journalistes, de chercheurs ou de militants ».
Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU, à New York (EEUU) est intervenu devant la sixième commission de la 71ème session de l’Assemblée générale, le 6 octobre 2016. Les débats portaient sur l’Article 84 : « L’état de droit à l’échelle nationale et internationale ».
Le représentant du Saint-Siège a notamment parlé au nom de exclus qui n’ont pas accès aux structures juridiques pour se défendre, invitant à examiner si, dans une société donnée, concrètement, les laissés-pour-compte se trouvent « en mesure d’exercer leurs droits fondamentaux et procéduraux en vertu de la loi, s’ils sont en mesure de comprendre et de naviguer dans le système juridique, s’ils sont en mesure de lui faire confiance et de compter sur lui et enfin s’ils y trouvent de la justice et de la compassion ».
Il a aussi tenu à « souligner le lien entre l’état de droit et la liberté d’opinion et d’expression », en s’appuyant sur l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dénonçant « l’emprisonnement et le meurtre de journalistes, de chercheurs ou de militants » comme « un signal que quelque intérêt puissant tente de se soustraire à la responsabilité, ce qui est contraire à la primauté du droit ».
Il a plaidé pour « l’indépendance appropriée du pouvoir judiciaire », notamment face à la corruption: « Encourageant ceux qui soulignent la nécessité d’une liberté responsable dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le pape François a déclaré que « s’il lui manque cette liberté, la justice d’un pays est corrompue et corruptrice ». Un système judiciaire captif est corrompu, pour reprendre l’expression de François, parce que les facteurs politiques sont illégitimement pesés sur la balance de la justice ; un système judiciaire captif est corrupteur parce que ses décisions, qui manquent de la légitimité d’une application objective et impartiale de la loi, infectent le corps de la loi avec des principes malsains, mettant ainsi en péril la justice et le bien commun. Avec un système judiciaire corrompu et corrupteur, la primauté du droit donne finalement place à la primauté de la force. »
Voici notre traduction complète de l’intervention de Mgr Auza.
AB
Allocution de Mgr Auza
Monsieur le Président,
Je vous félicite ainsi que les autres membres de votre Bureau pour votre élection, et je vous assure de la collaboration continue de ma délégation.
Le rapport du Secrétaire général, « Renforcer et coordonner les activités des Nations Unies relatives à l’état de droit », décrit les efforts déployés par l’Organisation des Nations Unies pour appuyer la mise en œuvre nationale des traités multilatéraux. Le Saint-Siège note avec satisfaction que ces efforts sont finalement destinés à « faciliter l’accès à la justice pour tous, y compris les plus pauvres et les plus vulnérables ».
Ainsi ma délégation se félicite, en particulier, des initiatives qui fournissent des ressources pratiques et des évaluations sur le terrain axées sur l’accès à la justice pour les personnes en situation de vulnérabilité, y compris les détenus, les personnes indigentes, les réfugiés et autres personnes déplacées. Le souci pour les plus démunis n’est pas seulement un impératif moral ; il est devenu l’aune à laquelle mesurer le succès ou l’échec de l’Agenda 2030 pour le développement durable, dont l’objectif principal est de ne laisser personne en arrière. La primauté du droit est destinée à jouer un rôle au-delà du maintien de l’harmonie et de l’ordre ; elle est également censée être un enseignant exemplaire. Dans ce cas, elle devrait être l’expression de la capacité de la société à élever les pauvres et les exclus, les infirmes et les détenus.
A cet égard, tout en reconnaissant le rôle fondamental des juges, des procureurs, des avocats, et d’autres participants essentiels dans la mise en œuvre de l’état de droit, ma délégation est particulièrement préoccupée pour les personnes soumises à une action en justice, en particulier celles qui sont détenues illégalement, celles qui sont accusées injustement, celles qui ont des handicaps physiques et mentaux, et celles qui n’ont pas d’avocat, pas d’influence politique ni aucune ressource pour faire valoir leurs droits.
Le Saint-Siège se concentre sur la question de savoir si ces catégories de personnes trouvent une reconnaissance dans le système juridique. Si l’une des préoccupations de ce comité est de proposer et d’évaluer les indicateurs de l’état de droit, il doit regarder au-delà des codifications et de l’infrastructure juridique et examiner si les derniers parmi nous sont, dans la pratique, en mesure d’exercer leurs droits fondamentaux et procéduraux en vertu de la loi, s’ils sont en mesure de comprendre et de naviguer dans le système juridique, s’ils sont en mesure de lui faire confiance et de compter sur lui et enfin s’ils y trouvent de la justice et de la compassion.
Le rapport du Secrétaire général, par ailleurs, relève beaucoup des étapes importantes que des États ont franchies au cours de l’année dernière pour adopter un cadre international de normes sur des sujets tels que l’écologie, l’accès à la justice et la lutte contre la criminalité transnationale. Le rapport souligne également les projets de renforcement des capacités et d’appui technique menés par diverses entités des Nations Unies. Ma délégation voudrait recommander que ces enquêtes soient complétées par des réflexions pratiques pour voir  si ces réalisations sont efficaces, inclusives et durables. La primauté du droit n’existe pas dans le vide, et elle ne résiste ni ne tombe seule.
La réflexion sur l’état de droit, par conséquent, devrait explorer l’ethos culturel et social dans lequel la loi est mise en œuvre. Elle devrait regarder plus profondément dans l’intersection entre le droit et le monde vivant des institutions non-étatiques et des organisations de base, afin d’évaluer de façon plus significative la façon dont l’état de droit peut mieux prendre racine et prospérer dans une société donnée. En effet, la justice, qui est la volonté constante et perpétuelle de donner à chacun son dû, est apprise et favorisée principalement au sein de la famille, des communautés religieuses et de la société civile.
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège tient à souligner le lien entre l’état de droit et la liberté d’opinion et d’expression, tel que la reconnaît l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’emprisonnement et le meurtre de journalistes, de chercheurs ou de militants est souvent un signal que quelque intérêt puissant tente de se soustraire à la responsabilité, ce qui est contraire à la primauté du droit.
Ce comité doit donc encourager une indépendance appropriée du pouvoir judiciaire. Encourageant ceux qui soulignent la nécessité d’une liberté responsable dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le pape François a déclaré que « s’il lui manque cette liberté, la justice d’un pays est corrompue et corruptrice ». Un système judiciaire captif est corrompu, pour reprendre l’expression de François, parce que les facteurs politiques sont illégitimement pesés sur la balance de la justice ; un système judiciaire captif est corrupteur parce que ses décisions, qui manquent de la légitimité d’une application objective et impartiale de la loi, infectent le corps de la loi avec des principes malsains, mettant ainsi en péril la justice et le bien commun. Avec un système judiciaire corrompu et corrupteur, la primauté du droit donne finalement place à la primauté de la force.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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