Mgr Bernardito Auza, capture

Mgr Bernardito Auza, UNTV capture

ONU : être «impitoyables» dans la lutte contre la traite humaine, par Mgr Auza

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« Honnêteté et courage pour aborder les questions éthiques »

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Il faut être « impitoyables » dans la lutte contre la traite humaine, demande Mgr Auza à l’ONU. Pour cela, il faut « honnêteté et courage pour aborder les questions éthiques ».

Mgr Bernardito Auza, nonce apostolique et observateur permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation des Nations Unies, à New York, a prononcé l’allocution d’ouverture à la conférence intitulée « Des solutions pratiques pour éliminer la traite des êtres humains », au siège de l’ONU, le 9 novembre 2018.

En dépit des « progrès importants » et « substantiels » réalisés ces dernières années dans la lutte contre la traite des être humains, « le nombre de personnes asservies aux fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé ou de prélèvement d’organes continue malheureusement de monter en flèche », déplore Mgr Auza.
En effet, « plusieurs facteurs de vulnérabilité se sont aggravés », en particulier des conflits armés et des migrations forcées. C’est pourquoi, explique-t-il, il faut « devenir beaucoup plus pratiques, voire impitoyables, pour nous attaquer non seulement aux fruits pervers, mais également aux racines du problème ».

Ce combat, estime Mgr Auza, exige « énormément d’honnêteté et d’engagement pour examiner et répondre à la demande qui encourage le trafic » ainsi que « le courage d’avoir des conversations éthiques à une époque relativiste et de nommer franchement les conséquences néfastes pour les sujets, les victimes et la société dans son ensemble ». Malheureusement, observe-t-il, « il existe encore très peu de convictions et une impunité généralisée ».

Le représentant du Saint-Siège a conclu en invitant à développer des partenariats, comme ceux qui existent dans l’Église catholique. C’est « urgent », a-t-il insisté.

Il a notamment rendu hommage au groupe Santa Marta et au réseau « Talitha Kum ».

Voici notre traduction de l’allocution de Mgr Auza prononcée en anglais.

HG

Allocution de Mgr Auza

Excellences,

Mesdames et Messieurs les responsables dans la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’esclavage moderne,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour cette conférence sur les solutions pratiques pour éradiquer la traite des êtres humains. Je remercie la Mission permanente d’observation de l’Ordre souverain de Malte d’avoir catalysé cette conversation et d’avoir invité le Saint-Siège, ainsi que la Mission permanente de l’Irlande, l’Organisation internationale du Travail et le Groupe Santa Marta, à la co-parrainer.

Le mois prochain, la communauté internationale marquera le soixante-dixième anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Déclaration souligne que « toute personne a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » et que « nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude ». Pourtant, plus de 40 millions de personnes sont aujourd’hui prises au piège de diverses formes de ce que l’on appelle l’esclavage moderne.

La communauté internationale, les gouvernements nationaux et la société civile ont accompli des progrès substantiels ces dernières années en reconnaissant les dimensions du problème et en renforçant la résolution, les ressources et les institutions pour le combattre. Malgré les réalisations remarquables des Protocoles de Palerme, du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes, l’inclusion des objectifs 5.2, 8.7 et 16.2 dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de nombreuses autres initiatives nationales, internationales et de la société civile, à travers le monde, le nombre de personnes asservies aux fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé ou de prélèvement d’organes continue malheureusement de monter en flèche. L’écart entre nos engagements et nos efforts et les horreurs auxquelles sont confrontées les victimes de cet « atroce fléau », « crime contre l’humanité » et « plaie ouverte contre le corps de la société contemporaine », pour reprendre les mots du pape François, s’accentue, ne se ferme pas.

Lorsque le pape François est arrivé aux Nations Unies en septembre 2015, il a déclaré que des fléaux tels que « le trafic d’êtres humains, la commercialisation d’organes et de tissus humains, l’exploitation sexuelle de garçons et de filles, le travail forcé, y compris la prostitution » et d’autres maux ne peuvent être résolus par des « engagements solennels » seulement. Nous devons veiller, a-t-il souligné, à ce que nos efforts soient « vraiment efficaces dans la lutte contre tous ces fléaux ». La conférence d’aujourd’hui sur les solutions pratiques est un pas nécessaire dans cette direction.

Le Plan d’action mondial de lutte contre la traite des personnes, réévalué l’année dernière, s’articule autour de quatre objectifs, souvent appelés les quatre priorités : prévenir la traite des êtres humains en s’attaquant à ce qui la motive, protéger et assister les victimes, poursuivre les personnes impliquées dans le crime de la traite et promouvoir des partenariats entre les institutions gouvernementales et toutes les parties prenantes pour éliminer le trafic et réhabiliter les survivants. Ces quatre P fournissent un schéma utile pour examiner concrètement les domaines dans lesquels nous devons faire mieux.

Des progrès importants ont été réalisés dans l’identification et la résolution de nombreux facteurs sociaux, économiques, culturels, politiques et autres rendant les personnes vulnérables à la traite des êtres humains, dans la formulation de politiques et de programmes complets et dans la mise au point de campagnes d’éducation et de sensibilisation. Cependant, dans le même temps, plusieurs facteurs de vulnérabilité se sont aggravés, notamment des conflits armés qui provoquent d’énormes urgences humanitaires et des migrations forcées, ainsi que la crise des réfugiés, qui ont aggravé la situation dramatique à laquelle est confrontée la population, en particulier les femmes et les enfants.

Mais il faut énormément d’honnêteté et d’engagement pour examiner et répondre à la demande qui encourage le trafic, en particulier les réalités économiques et l’avarice qui catalysent le trafic de main-d’œuvre et l’exploitation sexuelle qui déshumanisent et « marchandent » d’autres personnes comme de simples objets de gratification. Nous devons devenir beaucoup plus pratiques, voire impitoyables, pour nous attaquer non seulement aux fruits pervers, mais également aux racines du problème. Et cela nécessite, honnêtement, le courage d’avoir des conversations éthiques à une époque relativiste et de nommer franchement les conséquences néfastes pour les sujets, les victimes et la société dans son ensemble, qui découlent de la dépendance à l’argent ou au sexe. Le Saint-Siège et l’Église catholique sont très attachés à ce dialogue.

S’agissant de la protection et de l’assistance des victimes, il est désormais plus clair et reconnu légalement que les victimes de la traite sont bien des victimes plutôt que des « partenaires silencieux » ou, pire encore, des auteurs d’actes criminels. De plus en plus de services sont en place pour identifier et libérer les victimes des griffes de l’esclavage moderne, régulariser leur situation et les mettre sur la voie du redressement. Mais le nombre et la durée des programmes de réadaptation et de réintégration sont encore loin de ce qui est nécessaire pour fournir la guérison et la formation nécessaires aux victimes afin qu’elles puissent recommencer une vie normale, productive et autonome. Les communautés religieuses féminines catholiques de nombreux pays ont été parmi les leaders pratiques sur le terrain dans ce travail extrêmement important.

En ce qui concerne la poursuite des auteurs de la traite des personnes, divers progrès ont été accomplis dans la formulation d’instruments juridiques adéquats pour enquêter, poursuivre et punir les trafiquants, déverrouiller les chaînes financières, comprendre le lien avec d’autres formes de criminalité organisée et de corruption, et favoriser la coopération aux frontières et entre les pays. Mais comme l’ont montré de nombreuses études, il existe encore très peu de convictions et une impunité généralisée. L’Église catholique, par le biais d’initiatives telles que le groupe Santa Marta, une alliance internationale de chefs de la police et d’évêques qui travaillent ensemble à tous les niveaux pour promouvoir la coordination entre les organismes chargés de l’application des lois et les organisations confessionnelles, tente de tenter de résoudre ce problème en aidant le travail des forces de l’ordre, dont Kevin Hyland, l’un des membres fondateurs du groupe Santa Marta, devrait pouvoir fournir des précisions plus détaillées aujourd’hui.

Enfin, des partenariats ont été mis en place pour renforcer l’action collective des gouvernements et des organismes publics, des institutions universitaires, des médias, de la société civile et du secteur privé. Ces partenariats sont à l’origine de la créativité dans la lutte contre la traite et l’esclavage moderne et il est urgent qu’ils se développent.

Je voudrais mentionner ici Talitha Kum, un réseau international de 22 instituts de religieuses catholiques dans 70 pays sur les cinq continents, dans les grandes villes et les zones les plus rurales. Ces communautés travaillent ensemble au niveau pratique, ainsi qu’avec d’autres groupes de la société civile et avec les gouvernements pour tenter de s’attaquer à la multiplicité des problèmes concrets liés à la lutte contre la traite. Leur témoignage et leur travail fournissent aux institutions catholiques et non catholiques du monde entier un exemple du type de bonnes alliances et de solidarité nécessaires pour lutter contre le crime organisé et la corruption qui rendent le trafic possible et rentable.

En 2015, le pape François a consacré son message annuel à la traite des êtres humains à l’occasion de la Journée mondiale de prière pour la paix. « Nous sommes confrontés à un phénomène mondial qui dépasse la compétence de toute communauté ou pays » et, par conséquent, « nous avons besoin d’une mobilisation de taille comparable à celle du phénomène lui-même ». Nous faisons tous partie de cette mobilisation. Et pour que nos efforts soient à la mesure du défi, notre résolution doit devenir de plus en plus pratique, comme nous le verrons plus en profondeur aujourd’hui.

Je vous remercie.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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