Le pape François en train d'écrire - L'OSSERVATORE ROMANO

Migrations obligent: le pape François harmonise le droit canon latin et oriental

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Faciliter la pastorale des orientaux catholiques en terre latine

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« De la concorde entre les codes » – « De concordia inter Codices » – : sous ce titre, le pape François publie, ce jeudi 15 septembre 2016, une lettre apostolique sous forme de « motu proprio » modifiant certaines normes canoniques, pour harmoniser les codes de droit canon de l’Eglise catholique latine et orientale.
Le Code de droit canon latin (CIC) en vigueur depuis 1917 a été révisé au lendemain de Vatican II, et il a été promulgué par Jean-Paul II en 1983, et le Code oriental (CCEO) en 1990. Des modifications ont déjà été apportées par Benoît XVI et par le pape François.
Harmoniser, une nécessité pastorale
Le pape François fait observer que certains points de ces deux codes n’étaient pas en « parfaite harmonie » : certes, ils ont des normes « communes » – plusieurs centaines de « canons », d’articles – et des normes « particulières » propres. Mais, écrit le pape, « entre les normes particulières », « l’harmonie », la « concordance » n’était pas suffisante.
Et cela, dit-il, entraîne des conséquences « négatives » pour la « pastorale » dans les relations entre des personnes appartenant respectivement à l’Eglise latine et à une Eglise orientale catholique, ce qui arrive plus souvent aujourd’hui, notamment en raison de la « mobilité humaine » : des catholiques orientaux se retrouvant dans des territoires traditionnellement latins.
« Cette situation, écrit le pape, engendre des questions pastorales et juridiques multiples » qui demandaient des « normes appropriées ». Il rappelle que les fidèles orientaux se trouvent tenus d’observer leur rite « partout où ils se trouvent », par conséquent « l’autorité ecclésiastique compétente a la grave responsabilité de leur offrir les moyens de remplir cette obligation ». La révision des normes est un de ces moyens.
Mais en même temps le pape François remarque la « nécessité de reconnaître les particularités disciplinaires du contexte territorial dans lesquels surviennent ces rapports inter-ecclésiaux ».
Il précise : « En Occident, surtout latin, il faut trouver un juste équilibre entre la protection du droit propre de la minorité orientale et le respect de la tradition canonique historique de la majorité latine, de façon à éviter des interférences indues et des conflits et à promouvoir une collaboration féconde entre toutes les communautés catholiques présentes sur un même territoire. »
Le pape a voulu aussi remédier à certaines contradictions entre les deux droits. Le motu proprio vise donc à établir une « discipline harmonisée qui offre des certitudes pour la façon pastorale d’agir dans des cas concrets ».
La genèse du document
Le motu proprio compte 11 modifications analysées, dans un article de L’Osservatore Romano du 16 septembre, qui a pour titre : « A l’enseigne des exigences pastorales imposées par la mobilité humaine. Harmonisation des deux Codes de l’Eglise ». Il est signé par Mgr Juan Ignacio Arrieta, secrétaire – “numéro deux” – du Conseil pontifical pour les textes législatifs.
Mgr Arrieta souligne que ces 11 modifications visent à faciliter la sollicitude pastorale spécialement en “diaspora” dans des pays latins. Cela concerne des milliers de catholiques orientaux contraints de quitter leurs pays d’origine. Et c’est la mise en pratique de la recommandation de saint Jean-Paul II dans sa lettre apostolique de mai 1995, “Orientale Lumen”: « Je recommande particulièrement aux Ordinaires latins de ces pays l’étude attentive, la pleine compréhension et l’application fidèle des principes énoncés par ce Siège sur la collaboration oecuménique et sur le soin pastoral des fidèles des Églises orientales catholiques, surtout lorsque ceux-ci sont dépourvus de hiérarchie propre. » (n. 26).
Il fait observer que, par exemple le code latin, publié en premier, n’a pas pu « bénéficier complètement des réflexions » du code oriental, notamment en ce qui concerne les rapports entre les catholiques de rites différents. Or, il y a eu ensuite « une forte accélération du processus migratoire » touchant les pays « latins » : la pastorale quotidienne a alors fait apparaître des « disparités disciplinaires », d’où la « nécessité » d’harmoniser les deux codes pour simplifier le travail pastoral et le rendre plus sûr.
La réflexion a été mise en oeuvre sous le pontificat de Benoît XVI, les résultats ont été exposés lors de congrès comme celui de 2010 pour le XXe anniversaire de la promulgation du Code oriental (cf. Communicationes XLIII, 2010, pp. 239-279).
Un groupe de travail a été constitué ad hoc au sein du dicastère romain, centré sur les questions urgentes pour la pastorale et le résultat des expertises a été confronté notamment avec d’autres dicastères et les évêques de différents pays.
A la suite de ces échanges, une Note explicative sur le can. 1  du CCEO a été publiée dans « Communicationes » (XLIII, 2011, pp. 315-316): “On doit considérer que l’Eglise latine est implicitement inclue par analogie à chaque fois qu’apparaît dans le CCEO le terme “Eglise sui iuris” dans le contexte des rapports interecclésiaux”.
Une question soulevée aux Etats-Unis, sur l’attention aux communautés orientales a été quant à elle résolue par une lettre à la Conférence épiscopale également publiée dans « Communicationes » (XLIV, 2012, pp. 36-37).
Les experts ont aussi constaté, au cours de leur réflexion, qu’il suffisait de modifier le code latin, là où un éclaircissement était nécessaire, sans toucher au code oriental. Et le motu proprio du pape François recueille les propositions de modifications de différents canons retenues par l’assemblée du dicastère romain du 31 mai 2012.
Les modifications, pour les enfants d’abord
Une série de modifications concerne le registre des baptêmes dans l’Eglise « sui iuris » à laquelle appartiennent les personnes, notamment les enfants baptisés. On réaffirme l’appartenance de l’enfant à l’Eglise sui iuris de son parent catholique (nouveau can. 111 § 2 CIC), avec l’exigence d’indiquer l’Eglise d’appartenance au registre paroissial des baptêmes (nouveau can. 535 § 2 CIC).
Pour ce qui est de l’éventuel passage d’une Eglise sui iuris à l’autre,  le nouveau can. 112 § 3 CIC, inspiré des canons 36 et 37 du CCEO, exige un acte formel de passage accompli devant l’autorité compétente, à inscrire dans les registres des baptêmes (modifiant le can. 535 § 2 CIC qui indique les choses à inscrire sur ce registre).
Une autre série de modifications concerne le mariage des catholiques orientaux. Le Code oriental (can. 834 § 2 CCEO) indique l’exigence de la bénédiction d’un prêtre, tandis que le CIC autorisait un diacre à agir comme témoin (cf. Sacrum diaconatum ordinem, 18 juin 1967, AAS 59 [1967] 697 ss.). Un §3 a donc été ajouté au can. 1108 CIC, indiquant que “seul le prêtre assiste de façon valide au mariage” entre des catholiques de rites différents ou avec un/e non-catholique.
Pour ce qui est de la légitimité de la juridiction des curés,  pour l’assistance à un mariage, le can. 1109 CIC “pouvait faire penser” qu’un curé latin ne pouvait être présent au mariage de deux catholiques orientaux. Le canon oriental (can. 829 § 1 CCEO) était plus précis et sa rédaction a été adoptée par le motu proprio.
Troisième domaine affecté par la réforme : la « licéité » de la participation des ministres latins à la célébration des sacrements (baptêmes ou mariages) de chrétiens orthodoxes. Là encore les flux migratoires ont posé des questions nouvelles pour le code latin, alors que les réponses existaient déjà dans le code oriental. Par exemple, des curés catholiques latins étaient sollicités pour administrer le baptême à des enfants de parents orthodoxes. Une lecture étroite du can. 868 § 1 CIC suggère la non licéité d’un tel baptême, tandis que le code orinetal conclut à la “licéité d’un tel baptême (can. 681 §5 CCEO) : son texte est repris par le nouveau § 3 ajouté au canon latin.
Même question pour le mariage: le can. 833 CCEO prévoit que la hiérarchie locale puisse conférer à un prêtre catholique la faculté de bénir un mariage entre deux orthodoxes lorsqu’il n’y a pas de hiérarchie orthodoxe locale. Un § 3 a été introduit dans le can. 1116 CIC pour reprendre à ce sujet la discipline orientale, quand des orthodoxes font appel à un prêtre catholique.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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