Cardinal Lorenzo Baldisseri, capture CTV

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La diplomatie pontificale «comme instrument de paix», par le card. Baldisseri

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«Prévenir les causes des conflits»: pauvreté, sous-développement, changements climatiques

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La diplomatie pontificale œuvre « comme instrument de paix », affirme le cardinal Lorenzo Baldisseri. Et la « vraie paix sur terre », précise-t-il, « signifie porter à son accomplissement l’histoire du salut »
Le secrétaire général du synode des évêques a évoqué sur les pages de L’Osservatore Romano en italien du 24 février 2017 les principes et les buts de la politique diplomatique du Saint-Siège. Il a souligné que le Saint-Siège travaillait « par le biais de la médiation si importante pour la vie internationale et son ordre juridique ».
Le Saint-Siège, écrit le cardinal,  répond « à ce désir de paix qui appartient à la famille humaine, mais dans une vision qui ne s’arrête pas à celle des États » : « accroître et garantir la sécurité reste un premier pas, mais il est important de prévenir les causes des conflits et d’éliminer les situations qui peuvent les rallumer ».
Le pape François, souligne le card. Baldisseri, « a ouvert d’autres espaces à cette action de paix ». Le pape  a  affronté « les situations qui sont à la base de ces conflits comme la pauvreté et le sous-développement » et il s’est prononcé contre « cette mentalité du “ déchet ” qui pousse au mépris et à l’abandon des plus faibles ».
En évoquant l’encyclique Laudato si’, le secrétaire général du synode des évêques rappelle que « les conflits récents sont … nés des déplacements forcés de population qui dépendront de plus en plus des changements climatiques ». « Les migrants du climat, cite-t-il les paroles du pape,  sont de plus en plus nombreux et viennent grossir les rangs de cette caravane de personnes défavorisées, exclues, à qui on nie le droit d’avoir eux aussi un rôle dans la grande famille humaine. »
Voici notre traduction complète de l’italien des réflexions du cardinal Lorenzo Baldisseri.
MD
Analyse du card. Baldisseri
Qui travaille dans le milieu diplomatique sait bien que sans l’action de la diplomatie pontificale tant de croyants — et pas seulement les catholiques — pourraient se voir mettre des limites à leur liberté de religion. Et puis, l’absence du Saint-Siège aux réunions et conférences intergouvernementales priverait certainement de cette « expérience en humanité » — ce sont les paroles de Paul VI — les actions visant à promouvoir le désarmement, l’entente entre les Etats, et la lutte contre la pauvreté qui, sous différentes formes, concourent à édifier la paix.
Sont conscients de cela tous ceux qui consacrent leur ministère sacerdotal et épiscopal au service diplomatique du Saint-Siège, avec une responsabilité qui les fait participer à l’exercice d’un aspect du munus petrino, comme a souligné le pape François en rencontrant, en septembre dernier, ses représentants diplomatiques : « Dans votre œuvre, vous êtes appelés à apporter à chacun la charité attentionnée de ceux que vous représentez, en devenant ainsi celui qui soutient et protège, qui est prêt à soutenir et pas seulement à corriger, qui est disponible à l’écoute avant de décider, à faire le premier pas pour éliminer les tensions et favoriser la compréhension et la réconciliation ». Une vision claire qui souligne d’un côté la fonction ecclésiale de la diplomatie pontificale — renvoyant à cette collégialité exposée par le concile Vatican II dans Lumen gentium —, de l’autre sa participation aux dynamiques et situations de la vie internationale, mais le regard tourné vers le grand objectif de la compréhension et de la réconciliation.
Si nous nous référons aux statistiques, le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques de type bilatéral avec 182 États (sur 193), auxquels il faut ajouter  l’Union européenne. Des Etats où la population appartient à toute religion ou à différentes croyances, avec leurs propres traditions fruit de civilisations souvent éloignées de celles auxquelles l’Église elle-même est habituée. Ces relations diplomatiques bilatérales sont soutenues par des rapports de type multilatéral instaurés par le Saint-Siège avec plus de trente organisations internationales, œuvrant dans les multiples secteurs où se structure la communauté des nations.
Nous pouvons dire que la « vraie paix sur terre » souhaitée par saint Jean XXIII dans Pacem in terris, signifie porter à son accomplissement l’histoire du salut. Ce qui veut dire pour la diplomatie pontificale, œuvrer comme instrument de paix, en se tenant par conséquent à la persévérance, au respect des règles, à cette loyauté que le droit international exprime dans le fameux principe de bonne foi (pacta sunt servanda). À cet égard, on trouve une description particulièrement lumineuse dans le Code de droit canonique qui indique parmi les charges confiées au représentant pontifical celle de « s’efforcer d’encourager ce qui concerne la paix, le progrès et la coopération des peuples » (can. 364, 5).
Le Saint-Siège répond, à travers la conclusion de traités et par le biais d’actions diplomatiques, à ce désir de paix qui appartient à la famille humaine, mais dans une vision qui ne s’arrête pas à celle des États. Accroître et garantir la sécurité reste un premier pas, mais il est important de prévenir les causes des conflits et d’éliminer les situations qui peuvent les rallumer même si celles-ci sont formellement terminées.
C’est pourquoi le Saint-Siège travaille avec une évidente continuité par le biais de la médiation si importante pour la vie internationale et son ordre juridique. En remontant dans l’histoire, il suffit ici de rappeler l’opération d’arbitrage menée par le pape Léon XIII en 1885 pour mettre fin au conflit qui opposait l’Espagne et l’Allemagne pour la souveraineté sur les îles Carolines ; ou dans les années 80 du siècle dernier, l’action visant à mettre fin à la dispute territoriale entre l’Argentine et le Chili sur le canal de Beagle, à l’extrême sud du continent américain : un objectif réellement atteint le 29 novembre 1984 avec la conclusion d’un traité de paix et d’amitié, par lequel les parties acceptèrent la solution proposée par le Saint-Siège. Et aujourd’hui la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis après des décennies d’antagonisme ou la médiation  menée en Colombie entre les forces des Farc et le gouvernement.
Certes, le pape François a ouvert d’autres espaces à cette action de paix, affrontant directement les situations qui sont à la base de ces conflits comme la pauvreté et le sous-développement. Et il l’a fait en étant explicite sur la méthode et l’objectif à atteindre: « Un individualisme, un égocentrisme et un consumérisme matérialiste affaiblissent les liens sociaux, en alimentant cette mentalité du “ déchet ”, qui pousse au mépris et à l’abandon des plus faibles, de ceux qui sont considérés comme “ inutiles ”. Ainsi le vivre ensemble humain devient toujours plus semblable à un simple ‘do ut des’  pragmatique et égoïste. » (Message pour la Journée mondiale de l’alimentation, 2016).
Sont sous nos yeux les sources de ces injustices qui mettent en péril la paix: violations du droit à l’alimentation, à la santé, à l’instruction, pour n’en citer que quelques-unes. Et nous nous apercevons,  en regardant les contenus de la grande encyclique Laudato si’ avec laquelle le pape François nous met face à la destruction de la « maison commune »,  que les dégâts causés à l’environnement, mais, surtout, les changements climatiques sont autant de facteurs dangereux qui éloignent le monde d’un avenir de paix. Les conflits récents sont en effet nés des déplacements forcés de population qui dépendront de plus en plus des changements climatiques, comme indique le pape avec sa capacité de scruter les signes des temps: « les changements climatiques n’appartiennent pas exclusivement à la sphère de la météorologie. Comment oublier que le climat concourt lui aussi à l’impossibilité d’arrêter la mobilité humaine? Les statistiques les plus récentes nous disent que les migrants du climat sont de plus en plus nombreux et viennent grossir les rangs de cette caravane de personnes défavorisées, exclues, à qui on nie le droit d’avoir eux aussi un rôle dans la grande famille humaine.
© Traduction de Zenit, Océane Le Gall

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Océane Le Gall

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