Assemblée des évêques d'Italie capture Vatican Media

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Italie : le pape invite les évêques à être des pères et des frères

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Il rappelle que l’évêque est « garant de l’unité catholique dans la foi et la discipline »

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« L’évêque est le pasteur, le signe de l’unité pour l’Église diocésaine tout entière, le père et le guide pour ses prêtres et pour toute la communauté des croyants ; il a le devoir incontournable de soigner en premier et avec attention son rapport avec ses prêtres » : le pape François a exhorté les évêques italiens à toujours écouter et accueillir tous leurs prêtres « sans préjugés », mais en ayant leur porte et leur cœur « toujours ouverts » afin que le prêtre « sache qu’il a un père ». Cela demande, a-t-il conclu « d’être un évêque-père, un évêque-frère ! ».

Le pape François a ouvert les travaux de la 73e Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne (C.E.I.), ce lundi 20 mai 2019, dans la Salle du Synode du Vatican où ils se déroulent du 20 au 23 mai sur le thème : « Modalités et instruments pour une nouvelle présence missionnaire ».

Après la prière initiale et les salutations du cardinal Gualtiero Bassetti, archevêque de Pérouse-Città della Pieve et président de la CEI, le pape a adressé un discours à l’Assemblée.

Le pape a aussi abordé la question de la réforme des procès matrimoniaux, rappelant que, dans le cas du procès bref, « la décision finale (…) appartient à l’évêque qui – en vertu de sa charge pastorale – est avec Pierre le meilleur garant de l’unité catholique dans la foi et dans la discipline ». Cette réforme, basée sur « la proximité, la célérité et la gratuité », a expliqué le pape, est destinée à montrer « que l’Église est mère et qu’elle a à cœur le bien de ses enfants qui, dans ce cas-ci, sont ceux qui sont marqués par la blessure d’un amour brisé ».

Voici notre traduction du discours prononcé par le pape François.

HG

Discours du pape François.

Chers frères,

Je vous remercie pour cette rencontre dont je souhaite qu’elle soit un moment d’aide au discernement pastoral sur la vie et la mission de l’Église italienne. Je vous remercie aussi pour les efforts que vous consentez tous les jours pour mener la mission que le Seigneur vous a confiée et pour servir le peuple de Dieu avec et selon le cœur du Bon Pasteur.

Je voudrais aujourd’hui vous parler à nouveau de certaines questions que nous avons traitées lors de nos précédentes rencontres pour les approfondir et les intégrer à des questions nouvelles afin de voir ensemble à quel point nous en sommes. Je vous donnerai la parole par la suite pour que vous m’adressiez vos questions, vos perplexités et vos inspirations, vos critiques et tout ce que vous portez dans le coeur. Je voudrais aborder trois points.

  1. Synodalité et collégialité

À l’occasion de la commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des évêques, qui s’est tenue le 17 octobre 2015, j’ai voulu clarifier que « le chemin de la synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire[…], c’est la dimension constitutive de l’Église », de sorte que « ce que le Seigneur nous demande, en un certain sens, est déjà tout entier contenu dans le mot synode ».[1]

Le nouveau document de la Commission théologique internationale, sur la synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église, au cours de la Session plénière de 2017, affirme aussi que « la synodalité, dans le contexte ecclésiologique, indique le ‘modus vivendi et operandi’ spécifique de l’Église Peuple de Dieu, qui manifeste et réalise concrètement le fait qu’elle est communion en cheminant ensemble, en se réunissant en assemblée et en participant activement avec tous ses membres à sa mission évangélisatrice ». Et il continue ainsi : « Alors que le concept de synodalité évoque l’implication et la participation de tout le peuple de Dieu à la vie et à la mission de l’Église, le concept de collégialité précise la signification théologique et la forme d’exercice du ministère des évêques au service de l’Église particulière confiée à la sollicitude pastorale de chacun et dans la communion entre les Églises particulières au sein de l’unique et universelle Église du Christ, par le biais de la communion hiérarchique du Collège épiscopal avec l’évêque de Rome. Par conséquent, la collégialité est la forme spécifique dans laquelle la synodalité ecclésiale se manifeste et se réalise à travers le ministère des évêques au niveau de la communion entre les Églises particulières dans une région et au niveau de la communion entre toutes les Église dans l’Église universelle. Chaque manifestation authentique de synodalité exige par sa nature l’exercice du ministère collégial des évêques ».[2]

Je me réjouis donc que cette assemblée ait voulu approfondir ce sujet qui, en réalité, décrit le dossier médical sur l’état de santé de l’Église italienne et de votre action pastorale et ecclésiastique.

Cela pourrait être utile de l’aborder, dans ce contexte d’éventuel manque de collégialité et participation, dans la conduite de la Conférence de la CEI, tant dans l’élaboration de plans pastoraux que dans les engagements programmatiques économiques et financiers.

Sur la synodalité, y compris dans le contexte d’un probable Synode pour l’Église italienne – j’ai récemment entendu une « rumeur » à ce sujet, c’est arrivé jusqu’à Sainte-Marthe ! – il y a deux directions : synodalité de bas en haut, à savoir le devoir de soigner l’existence et le bon fonctionnement du diocèse : les conseils, les paroisses, l’implication des laïcs… (cf. CCC 469-494) – commencer par les diocèses : on ne peut pas faire un grand synode sans aller à la base. C’est le mouvement de bas en haut – et la valorisation du rôle des laïcs.

Et puis la synodalité de haut en bas, en conformité avec le discours que j’ai adressé à l’Église italienne lors du Vème Congrès national à Florence, le 10 novembre 2015, qui est encore en vigueur et qui doit nous accompagner sur ce chemin. Si quelqu’un pense faire un synode sur l’Église italienne, il faut commencer de bas en haut, et de haut en bas avec le document de Florence. Et cela va prendre, mais on cheminera en sécurité, pas sur les idées.

  1. La réforme des procès matrimoniaux

Comme vous le savez bien, avec les deux Motu proprio « Mitis Iudex Dominus Iesus » et « Mitis et Misericors Iesus », publiés en 2015, les procès matrimoiaux ont été réordonnés ‘ex integro’, en établissant trois types de processus : ordinaire, bref et documentaire.

L’exigence d’alléger les procédures a conduit à simplifier le processus ordinaire, avec l’abolition de la double décision conforme obligatoire. Désormais, s’il n’y a pas d’appel dans les temps prévus, la première sentence qui déclare la nullité du mariage devient exécutive. Il y a ensuite l’autre type de procès : le procès bref. « Cette forme de procès est à appliquer dans les cas où la nullité du mariage en cause est étayée par la demande conjointe des époux, les arguments évidents, les preuves de la nullité du mariage étant faciles à démontrer. Avec la demande faite à l’évêque, et le procès instruit par le vicaire judiciaire ou par un instructeur, la décision finale, de déclaration de la nullité ou de renvoi de la cause au procès ordinaire, appartient à l’évêque qui – en vertu de sa charge pastorale – est avec Pierre le meilleur garant de l’unité catholique dans la foi et dans la discipline. Le procès ordinaire, comme le procès bref sont toutefois des procès de nature purement judiciaire, ce qui signifie que la nullité du mariage ne pourra être prononcée que si le juge atteint la certitude morale sur la base des actes et des preuves recueillies ».[3]

Le procès bref a ainsi introduit une nouvelle typologie, à savoir la possibilité de s’adresser à l’évêque, en tant que chef du diocèse, lui demandant de se prononcer personnellement sur certains cas, dans les cas les plus manifestes de nullité. Et cela parce que la dimension pastorale de l’évêque comprend et exige aussi sa fonction personnelle de juge. Ce qui non seulement manifeste la proximité du pasteur diocésain à l’égard de ses fidèles, mais aussi la présence de l’évêque comme signe du Christ sacrement du salut. C’est pourquoi l’évêque et le métropolite, par un acte administratif, doivent procéder à l’érection du tribunal diocésain, si celui-ci n’a pas encore été constitué et, en cas de difficulté, ils peuvent aussi accéder à un tribunal diocésain ou interdiocésain plus proche. Ceci est important.

Cette réforme de procédure se base sur la proximité et sur la gratuité. « Proximité » à l’égard des familles blessées signifie que le jugement, lorsque c’est possible, se tient dans l’Église diocésaine, sans délai et sans prolongements inutiles. Le terme « gratuité » renvoie au mandat évangélique selon lequel on a reçu gratuitement et on doit donner gratuitement (cf. Mt 10,8), ce qui requiert que la décision ecclésiastique de nullité n’équivale pas à un coût élevé que les personnes démunies ne pourraient pas se permettre. Ceci est très important.

Je suis bien conscient que, dans la 71ème Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne, et à travers diverses communications[4] vous avez prévu une mise à jour sur la réforme du régime administratif des tribunaux ecclésiastiques en matière de mariage. Toutefois, je regrette de constater qu’après plus de quatre années, la réforme soit bien loin d’être appliquée dans la plus grande partie des diocèses italiens.

Je répète clairement que le rescrit que j’ai donné en décembre 2015 a aboli le Motu proprio de Pie XI ‘Qua cura’ (1938), qui instituait les tribunaux ecclésiastiques régionaux en Italie et c’est pourquoi je souhaite vivement que l’application des deux Motu proprio susmentionnés trouve sa pleine et immédiate mise en oeuvre dans tous les diocèses où cela n’a pas encore été fait.

À cet égard, chers confrères, nous ne devons jamais oublier que l’élan réformateur du procès matrimonial canonique, caractérisé – comme je l’ai déjà dit auparavant – par la proximité, la célérité et la gratuité des procédures, est destiné à montrer que l’Église est mère et qu’elle a à coeur le bien de ses enfants qui, dans ce cas-ci, sont ceux qui sont marqués par la blessure d’un amour brisé ; et c’est pourquoi tous les professionnels du Tribunal, chacun pour sa part et selon ses compétences, doivent agir pour que cela se réalise et par conséquent ne rien faire passer avant, de quelque nature ou de quelqu’intérêt que ce soit, qui puisse empêcher ou ralentir l’application de la réforme.

Le succès de la réforme passe nécessairement par une conversion des structures et des personnes ; et par conséquent, ne permettons pas que les intérêts économiques de certains avocats ou que la peur de perdre son pouvoir de la part de certains vicaires judiciaires ne freinent ni ne retardent la réforme.

3 Le rapport entre les prêtres et les évêques

Le rapport entre nous, les évêques, et nos prêtres représente, indiscutablement, une des questions les plus vitales dans la vie de l’Église ; c’est la colonne vertébrale sur laquelle se tient la communauté diocésaine. Je reprends les sages paroles de Son Éminence le cardinal Bassetti qui a écrit : « Si ce rapport devait être compromis, le corps tout entier en serait affaibli. Et le message même finirait par s’estomper ».[5]

L’évêque est le pasteur, le signe de l’unité pour l’Église diocésaine tout entière, le père et le guide pour ses prêtres et pour toute la communauté des croyants ; il a le devoir incontournable de soigner en premier et avec attention son rapport avec ses prêtres. Certains évêques, malheureusement, ont du mal à établir des relations acceptables avec leurs prêtres, risquant ainsi de ruiner leur mission et d’affaiblir carrément la mission même de l’Église.

Le Concile Vatican II nous enseigne que les prêtres constituent avec leur évêque un unique presbyterium, bien qu’ils soient destinés à des fonctions différentes (cf. Const. Lumen gentium, 28). Cela signifie qu’il n’existe pas d’évêque sans son presbyterium et, inversement, il n’existe pas de presbyterium sans un rapport sain avec l’évêque. Le décret conciliaire Christus Dominus affirme aussi : « Tous les prêtres, tant diocésains que religieux, participent avec l’évêque à l’unique sacerdoce du Christ et l’exercent avec lui ; aussi sont-ils établis les coopérateurs avisés de l’ordre épiscopal […] aussi forment-ils un seul presbyterium et une seule famille, dont l’évêque est le père » (n.28).

Le solide rapport entre l’évêque et ses prêtres se base sur l’amour inconditionnel témoigné par Jésus sur la croix, qui représente l’unique véritable règle de comportement pour les évêques et les prêtres. En réalité, les prêtres sont nos collaborateurs et nos frères les plus proches. Ils sont notre prochain le plus proche ! Il se base aussi sur le respect réciproque que manifeste la fidélité au Christ, l’amour de l’Église et l’adhésion à la Bonne Nouvelle. La communion hiérarchique, en vérité, s’écroule quand elle est infectée par n’importe quelle forme de puvoir ou d’autogratification personnelle ; mais, à l’inverse, elle se fortifie et elle grandit quand elle est embrassée par l’esprit d’abandon total et de service rendu au peuple de Dieu.

Nous, les évêques, nous avons pour devoir la présence et la proximité à l’égard du peuple chrétien, mais en particulier de nos prêtres, sans discrimination et sans préférences. Un véritable pasteur vit au milieu de son troupeau et de ses prêtres et il sait comment les écouter et les accueillir tous sans préjugés.

Nous ne devons pas tomber dans la tentation de ne nous approcher que des prêtres sympathiques ou flatteurs et d’éviter ceux qui, selon l’évêque, sont antipathiques et francs ; de confier toutes les responsabilités aux prêtres disponibles ou « arrivistes » et de décourager les prêtres introvertis ou doux ou timides, ou encore problématiques. Être père de tous ses prêtres ; s’intéresser à tous et les rechercher tous ; les visiter tous ; savoir toujours trouver du temps pour écouter chaque fois que quelqu’un le demande ou en a besoin ; faire en sorte que chacun se sente estimé et encouragé par son évêque. Pour être pratique : si l’évêque reçoit un appel d’un prêtre, qu’il réponde le jour même, au plus tard le lendemain, pour que le prêtre sache qu’il a un père.

Chers confrères, nos prêtres se sentent continuellement attaqués par les médias ou souvent ridiculisés ou encore condamnés à cause de certaines erreurs ou de délits de certains de leurs collègues et ils ont grand besoin de trouver dans leur évêque la figure du grand frère et du père qui les encourage dans les moments difficiles ; qui les stimule vers une croissance spirituelle et humaine ; qui les stimule dans les moments d’échec ; qui les corrige avec amour quand ils se trompent ; qui les consola quand ils se sentent seuls ; qui les relève quand ils tombent. Cela requiert, avant tout, une proximité à l’égard des prêtres qui ont besoin de trouver la porte de l’évêque et son coeur toujours ouverts. Cela demande d’être un évêque-père, un évêque-frère !

Chers frères, j’ai voulu partager avec vous ces trois sujets comme pistes de réflexion. Maintenant, je vous laisse la parole et je vous remercie d’avance pour votre sincérité et votre franchise. Et merci beaucoup !

__________________

[1] AAS 107 (2015), 1139.
[2]
 http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_cti_20180302_sinodalita_it.html
[3]
 Sussidio applicativo del Motu proprio Mitis Iudex Dominus Iesushttp://www.rotaromana.va/content/dam/rotaromana/documenti/Sussidio/Sussidio%20Mitis%20Iudex%20Dominus%20ITA.pdf
[4]
 https://giuridico.chiesacattolica.it/il-motu-proprio-mitis-iudex-dominus-iesus-e-la-riforma-dei-processi-matrimoniali-2/
[5]
 “Il rapporto tra il vescovo e i suoi preti per servire il popolo di Dio”: L’Osservatore Romano, 7 marzo 2015.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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