Mgr Vincenzo paglia, Académie pour la vie 25/2/2019 © Vatican Media

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Intelligence artificielle : pour Mgr Paglia, « il faut humaniser la technique » (traduction complète)

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L’Académie pontificale pour la Vie planche sur les nouvelles technologies

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Développer une réflexion sur les nouvelles technologies : c’est la demande faite par le pape François à l’Académie pontificale pour la Vie. L’innovation numérique, explique Mgr Paglia, « touche tous les aspects de la vie, personnels et sociaux », les décisions « qui concernent le domaine médical, économique ou social, sont aujourd’hui le fruit du vouloir humain et d’une série de contribution algorithmiques » et « la vie humaine se trouve au point de convergence entre l’apport proprement humain et le calcul automatique, de sorte qu’il est de plus en plus complexe d’en comprendre l’objet, d’en prévoir les effets et d’en définir les responsabilités ».

Mgr Vincenzo Paglia est intervenu à la conférence de presse, ce mardi 25 février 2020, pour présenter l’Atelier et l’Assemblée de l’Académie pontificale pour la Vie sur le thème « Le “bon” algorithme ? Intelligence artificielle : Éthique, droit, santé », qui se tiendra dans la Nouvelle Salle du Synode du Vatican les 26 et 27 février prochains. Après le président de l’Académie pontificale pour la Vie, sont aussi intervenus le p Paolo Benanti, T.O.R., académicien de l’Académie pontificale pour la Vie et Maria Chiara Carrozza, professeur ordinaire de bioingéniérie industrielle à l’École supérieure Sant’Anna de Pise.

« Une forte ambition morale est nécessaire pour humaniser la technique et non technologiser l’humain », a souligné Mgr Paglia qui a annoncé la signature, au terme de l’Assemblée, d’un « document d’engagements communs » sous forme de « quelques lignes pour une éthique de l’intelligence artificielle » et de « quelques engagements liés fondamentalement à trois chapitres : éthique, droit, éducation ». Il s’agit, a-t-il dit, d’avancer « avec ceux qui ont un désir sérieux de mieux comprendre comment promouvoir le bien de l’humanité », et de vérifier leurs propres pratiques.

Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Paglia prononcée en italien.

HG

Intervention de Mgr Vincenzo Paglia

Nous vivons un temps de changement historique, comme aime le dire le pape François. C’est un passage inédit qui change en profondeur l’humanité et son avenir. Pour la première fois dans l’histoire, l’homme a le pouvoir de se détruire : avant, par l’explosion nucléaire ; ensuite par l’explosion écologique et maintenant par une « explosion d’intelligence », technologique. Dans sa Lettre Humana Communitas, le pape François a invité l’Académie pontificale pour la Vie (PAV) à élargir son horizon, à revisiter la signification même du terme « vie humaine » : il ne s’agit pas d’un concept abstrait ; la vie est la réalité de chaque personne et de la famille humaine tout entière. Le pape François demande à l’Académie de « développer la réflexion » sur le versant « des nouvelles technologies définies aujourd’hui comme émergentes et convergentes », comme les technologies de la communication, les biotechnologies, les nanotechnologies et la robotique. Avec les résultats obtenus par la physique, la génétique et les neurosciences, ainsi que par la capacité de calcul de machines toujours plus puissantes, il est aujourd’hui possible d’intervenir en profondeur dans l’humain. L’innovation numérique, en effet, touche tous les aspects de la vie, personnels et sociaux ; elle affecte notre manière de comprendre non seulement le monde mais aussi nous-mêmes. Les décisions, notamment les plus importantes comme celles qui concernent le domaine médical, économique ou social, sont aujourd’hui le fruit du vouloir humain et d’une série de contributions algorithmiques. La vie humaine se trouve au point de convergence entre l’apport proprement humain et le calcul automatique, de sorte qu’il est de plus en plus complexe d’en comprendre l’objet, d’en prévoir les effets et d’en définir les responsabilités.

L’Académie s’est lancée dans ce domaine, sans abandonner les territoires traditionnels comme les questions relatives à la naissance (avortement, diagnostic prénatal…) et la fin de vie (euthanasie, suicide assisté, soins palliatifs), et le développement des cellules staminales. En 2017, nous avons abordé la question de la protection et de la promotion de la vie humaine à l’ère technologique et par conséquent sur l’horizon de la bioéthique mondiale. L’année dernière, la réflexion a porté sur les questions éthiques posées par la robotique (la fameuse “roboéthique”) et cette année, dans la continuité, nous aborderons la question de l’éthique et de l’intelligence artificielle. En réalité, nous avons également été sollicités ou, si vous voulez, invités à traiter ces thèmes par les intéressés eux-mêmes.

C’est là l’horizon dans lequel se situe cette assemblée générale et, en particulier, l’événement du 28 février au terme duquel est prévue la signature d’un Appel (”Call”) que nous présenterons ensuite au pape François. Une forte ambition morale est nécessaire pour humaniser la technique et non technologiser l’humain.

Le Rome Call for AI Ethics (Appel de Rome pour une Éthique de l’Intelligence artificielle) n’est pas un texte officiel de l’Académie mais un document d’engagements communs, que nous proposons et dans lequel, sous une forme brève et synthétique, sont offertes quelques lignes pour une éthique de l’intelligence artificielle (IA) et formulés quelques engagements liés fondamentalement à trois chapitres : éthique, droit, éducation. Par ce geste, l’Académie ne lance pas des partenariats industriels exclusifs, n’en sponsorise pas et n’est pas sponsorisée, mais elle partage, sans ingénuité, des portions de chemin avec ceux qui ont un désir sérieux de mieux comprendre comment promouvoir le bien de l’humanité et de faire quelques pas dans cette direction, en vérifiant leurs propres pratiques et en étant disponibles à payer également les coûts qui peuvent en découler. L’intention de cet Appel est de donner vie à un mouvement qui s’élargisse et qui implique d’autres sujets : institutions publiques, ONG, industries et groupes pour produire une orientation dans le développement et dans l’utilisation des technologies dérivées de l’IA. De ce point de vue, nous pouvons dire que la première signature de cet Appel n’est pas un point d’arrivée, mais le début d’un engagement qui apparaît comme étant encore plus urgent et important que ce qui a été fait jusqu’ici. Le document sera disponible vendredi, dès le moment de sa signature, sur le site dédié www.romecall.org

L’Académie se sent appelée à approfondir l’impact spécifique qu’ont ces technologies sur le monde médical de la santé et sur les soins et la protection de la vie. L’activité humaine dans ces secteurs semble de plus en plus décomposée en de multiples éléments qui ne sont pas facilement imputables au contrôle ou à la volonté de sujets individuels. Cette nouvelle modalité selon laquelle se situe l’agir personnel dans un contexte structuré est un défi particulier pour les professions médicales et de la santé qui ont pour objet des valeurs aussi fondamentales que celles qui sont liées à la corporéité et à la vie humaine. L’innovation technologique nous lance un défi en tant qu’Académie et en tant qu’Église ; c’est ainsi que la PAV commence à prendre position et à participer dans un contexte historique et social en transformation profonde et continuelle.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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