Urbi et Orbi, 13 mars 2013 © Mazur/catholicnews.org.uk - CC BY-NC-SA 2.0

Urbi et Orbi, 13 mars 2013 © Mazur/catholicnews.org.uk - CC BY-NC-SA 2.0

En faisant miséricorde et en le choisissant, l'élection du 13 mars 2013

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Le programme choisi par les cardinaux en conclave

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Il y a aujourd’hui quatre ans, les cardinaux en conclave dans la Chapelle Sixtine du Vatican ont élu le cardinal Jorge Mario Bergoglio SJ, archevêque de Buenos Aires (Argentine) comme Successeur de Pierre. Une élection sous le signe de la miséricorde divine, selon la clef de lecture – programmatique – que le pape a lui-même donnée sur son blason épiscopal puis pontifical. Une élection sur un programme, choisi par les cardinaux électeurs frappés par l’intervention du cardinal argentin lors du « pré-conclave ». Le choix d’un pape c’est le choix de Dieu, mais les cardinaux en prière sont aussi guidés dans leur vote par ce pré-discernement avant le conclave.
La pluie et la liesse
Il devenait ainsi, à 77 ans – il est né le 17 décembre 1936 – le 266e pape: premier pape venu du sud du monde, et du continent américain, premier pape de la Compagnie de Jésus, et il a pris le nom de François, en référence à saint François d’Assise et à l’amour de la paix et des pauvres. Rome n’avait pas eu d’évêque non européen depuis le pape syrien Grégoire III au VIIIe s.
L’attente faisait pointer les caméras du monde sur la cheminée du toit de la Sixtine où la danse des goélands argentés a occupé longuement les objectifs. Puis la fumée blanche a indiqué que le second vote de l’après midi avait abouti à l’élection – au cinquième tour de scrutin des 115 cardinaux – accueillie par une puissante ovation place Saint-Pierre où, malgré la pluie, la foule ne cessait d’affluer. La première fumée du mardi soir 12 mars, avait été noire, suivie de trois autre fumées noires mercredi matin, et mercredi après midi.
Puis, à la nuit tombée, de la loggia des bénédictions, le cardinal français Jean-Louis Tauran a annoncé la « grande joie »: « Habemus Papam! », et le nom de l’élu qui avait choisi de s’appeler « François ». Puis François s’est présenté, silencieux d’abord, sous les acclamations tandis que les fanfares jouaient les hymnes du Vatican et de l’Italie.
Aux media, le nouveau pape indiquera quelques jours plus tard que « François est le nom de la paix, et ainsi est venu ce nom dans mon cœur […] Durant l’élection, j’étais à côté de l’archevêque de São Paulo, Claudio Hummes, un grand ami […] Quand les votes ont atteint les deux tiers, il m’a serré dans ses bras et embrassé et il m’a dit : « Et n’oublie pas les pauvres ! » Immédiatement, en relation avec les pauvres, j’ai pensé à François d’Assise, aux guerres […] C’est pour moi l’homme de la pauvreté, l’homme de la paix ».
Son premier message et sa façon d’être simple – « Bonsoir! » « Buona sera! » – a conquis la Place et a rassuré les Romains car ce fils d’immigrés italiens parlait la langue de son diocèse. Et la première chose qu’il a demandé c’était une prière pour le pape émérite Benoît XVI: le nouvel évêque de Rome a prié avec la foule en liesse un Notre Père et un Ave Maria, et Gloire au Père pour Benoît XVI. Il marquait sa volonté de continuité.
Sa devise épiscopale, soulignant la miséricorde de Dieu en acte, sera sa devise papale : « Miserando atque eligendo ». Cette citation vient des Homélies de Bède le Vénérable. Commentant le récit évangélique de la vocation de saint Matthieu, il écrit : « Alors Jésus vit un publicain, et, parce qu’il le regardait en lui faisant miséricorde et en le choisissant, il lui dit : Suis-moi » (« Vidit ergo Jesus publicanum, et quia miserando atque eligendo vidit, ait illi, Sequere me »). C’est une lecture de la liturgie des Heures au jour de la Saint-Matthieu. Le pape a confié avoir entendu l’appel de Dieu en cette fête, le 21 septembre 1953: il avait 16 ans. Il a souvent médité sur le regard du Christ qui se pose sur chacun avec miséricorde et l’appelle.
On comprend que le pape parle aussi d’expérience lorsqu’il engage l’Eglise dans la préparation du synode des évêques de 2018 sur les jeunes et les vocations: tracer aux jeunes un chemin de discernement pour que l’appel du Christ – quelle que soit son incarnation – murisse en vocation chrétienne solide.
Les premiers mots, programmatiques
Mais il y a d’autres messages programmatiques dans les premières paroles du pape. Relisons-les, en soulignant un mot ou l’autre. Le cardinal argentin est devenu évêque de Rome: « Vous savez que la tâche du Conclave était de donner un Évêque à Rome. Il semble bien que mes frères Cardinaux soient allés le chercher quasiment au bout du monde… Mais nous sommes là… Je vous remercie pour votre accueil. La communauté diocésaine de Rome a son Évêque : merci ! »
Premier acte, nous l’avons dit, une prière de l’évêque avec le peuple de Dieu: « Et tout d’abord, je voudrais prier pour notre Évêque émérite, Benoît XVI. Prions tous ensemble pour lui afin que le Seigneur le bénisse et la Vierge le protège. »
Le pape utilise ensuite ce qui sera un leit-motiv du pontificat, l’image du chemin, de la route à faire ensemble, avec un autre fil conducteur, celui de la charité – décliné en confiance, amour et fraternité – et un troisième celui de l’évangélisation: « Et maintenant, initions ce chemin : l’Évêque et le peuple. Ce chemin de l’Église de Rome, qui est celle qui préside toutes les Églises dans la charité. Un chemin de fraternité, d’amour, de confiance entre nous. Prions toujours pour nous : l’un pour l’autre. Prions pour le monde entier afin qu’advienne une grande fraternité. Je souhaite que ce chemin que nous commençons aujourd’hui et au long duquel je serai aidé par mon Cardinal Vicaire ici présent, soit fructueux pour l’évangélisation de cette Ville si belle ! »
Et puis le pape François qui ne cesse de se recommander à la prière des fidèles, a commencé par cela; il a demandé à la foule assemblée de prier pour lui, en s’inclinant, et cette attitude inédite a établi un lien lui aussi inédit entre le pape et les foules, dans le silence: « Et maintenant je voudrais donner la bénédiction, mais auparavant, auparavant, je vous demande une faveur : avant que l’Évêque bénisse le peuple, je vous demande de prier le Seigneur afin qu’Il me bénisse : la prière du peuple, demandant la Bénédiction pour son Évêque. Faisons cette prière en silence de vous tous sur moi. »
Le cardinal Tauran a alors annoncé la bénédiction « Urbi et Orbi »,  qui confère l’indulgence plénière, aux conditions habituelles prévues par l’Eglise. En pédagogue, le pape a introduit la prière latine par ces paroles en italien : « Maintenant je vais donner, à vous et au monde entier, à tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, la Bénédiction. »
Et, de façon aussi spontanée et inédite, le pape a repris la parole après la bénédiction, comme débordant de gratitude. Il annonçait aussi qu’il irait le lendemain prier la Vierge Marie pour lui confier son pontificat, et ce sera sa première visite à Sainte-Marie-Majeure: « Frères et sœurs, je vous laisse. Grand merci pour votre accueil. Priez pour moi et à bientôt ! Nous nous reverrons rapidement : demain je veux aller prier la Vierge pour qu’Elle protège Rome tout entière. Bonne nuit et bon repos ! »
Une marche de l’évêque et du peuple de Dieu dans la prière, la charité, la confiance, pour construire la fraternité, dans le monde entier, sous le regard de la Vierge Marie, voilà quelques lignes force qui n’ont cessé de s’incarner pendant ces quatre premières années du pontificat.
On pressentait d’emblée ce qu’a pu écrire Jean-Louis de la Vaissière dans son récent livre « François dans la tempête » (Salvator, 2017): « Le pape argentin, parfaitement fidèle aux dogmes, fait entrer de l’air frais dans l’Eglise et tente de réaliser tout ce que du Concile n’a pas été mis en oeuvre intégralement. Il prêche par l’exemple et par le geste plus que par les mots; il porte un formidable message d’espoir, celui d’une Eglise engagée pour les pauvres, dans le combat pour la vie de plus de sept milliards d’être humains. »
La cristallisation du pré-conclave
On saura plus tard que son intervention lors du « pré-conclave » – 161 interventions de cardinaux lors des dix « congrégations » qui ont réuni cardinaux électeurs et non-électeurs avant l’entrée des électeurs en conclave – a été très remarquée et a fait cristalliser les votes sur son nom. Le cardinal archevêque – aujourd’hui émérite – de La Havane, Jaime Ortega, avait alors demandé au cardinal Bergoglio s’il pouvait relire ce qu’il avait dit. Pour lui, le cardinal Bergoglio a alors rédigé un petit texe à partir de ses notes. Après l’élection, le cardinal cubain a demandé au pape – qui la lui a accordée – la permission de le publier. Nous l’avons traduit le 27 mars 2013.
Pour le cardinal Ortega c’était un un discours « magistral, perspicace, captivant et authentique », en quatre points reflétant un diagnostic sur la situation de l’Eglise.
Le courage, le zèle pour l’évangélisation. Il affirmait que « l’Eglise doit tout quitter et se tourner vers les périphéries », pas seulement géographiques, mais également humaines et existentielles, qu’elle doit aller vers les plus petits, approcher les personnes où se manifeste le péché, la douleur, l’injustice et l’ignorance.
Les maladies de l’Eglise quand elle n’évangélise pas, joue en mode « auto-référence » et un certain « narcissisme théologique », un regard qui éloigne du monde et qui fait qu’elle « prétend tenir Jésus Christ pour elle, sans le faire sortir dehors ».
Le discernement entre « l’Eglise évangélisatrice qui sème « Dei Verbum religiose audiens et fidenter proclamans »  et l’Eglise mondaine qui vit replie sur elle-même et pour elle-même » apporte « un éclairage sur les changements et réformes possibles qui doivent être faites pour le salut des âmes » .
Dernier point : « Pensant au prochain pape, il faut un homme qui, de la contemplation et de l’adoration de Jésus Christ, aide l’Eglise à sortir d’elle-même vers la périphérie existentielle de l’humanité, pour qu’elle devienne  mère féconde de la « douce et réconfortante joie d’évangéliser » . » Voilà un premier titre tout trouvé « Evangelii gaudium ». Et un don qui frappe: la joie du pape François.
Voilà le programme adopté par les cardinaux électeurs en choisissant Jorge Mario Bergoglio. Et cette réforme, il allait l’entreprendre sous le signe de la miséricorde, en créant la surprise du jubilé extraordinaire, en père spirituel: n’a-t-il pas en quelque sorte voulu permettre à toute l’Eglise – et au monde – de faire cette expérience fondamentale de miséricorde qui a marqué sa vocation, l’a accompagné dans les tempêtes de l’histoire, et s’est inscrite dans sa devise comme une ancre d’espérance? Pour que chaque chrétien – et spécialement les jeunes dans la perspective du synode de 2018 – puisse à son tour devenir « miséricorde » là où il vit au quotidien. Et cette route de miséricorde et d’évangélisation passe aussi par les voyages pontificaux, dont le voyage à Fatima, pour le centenaire des apparitions, en mai prochain.
Son secret? Il semble qu’il le livre dans un tweet posté sur son compte @Pontifex_fr ce 13 mars 2017, la confiance dans l’Esprit Saint et l’écoute de la Parole: « L’Esprit Saint nous guide vers un vrai chemin de conversion, pour redécouvrir le don de la Parole de Dieu. » Et sur Instragram, le pape demande: « S’il vous plaît, continuez à prier pour moi. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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