L'Osservatore Romano évoque Edith Stein, du carmel d’Echt aux chambres à gaz de Birkenau

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« Nous avons vécu une journée vraiment étrange »

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À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la mort d’Edith Stein, L’Osservatore Romano en italien de ce mardi 8 août 2017 rend hommage à celle-ci et à tous ceux qui ont subi le même sort aux Pays-Bas.
Visitant les derniers lieux où est passée Edith Stein (le carmel d’Echt, le camp de Westerbork), l’auteur, Ferdinando Cancelli, laisse la parole à Etty Hillesum, présente à Westerbork en même temps que les sœurs Stein : « Nous avons vécu une journée vraiment étrange », écrit cette dernière. « Un transport nous a apporté des catholiques juifs, ou des juifs catholiques, moniales et moines qui portent l’étoile jaune sur leur habit monastique ».
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Voici notre traduction de l’article paru dans le quotidien du Vatican.
Echt, Maastricht, Amersfoort, Westerbork, Birkenau. Entre l’arrestation du soir du 2 août et la mort dans les chambres à gaz anonymes de Birkenau, seulement sept jours se sont écoulés : en une seule semaine, il y a soixante-quinze ans, s’accomplissait le destin des sœurs Rosa et Edith Stein.
« Viens, partons pour notre peuple », dit Edith pour encourager Rosa qui quittait le carmel d’Echt dans les larmes. Les témoins parlent d’une petite foule, de quelques protestations bien que la voiture de la Gestapo ait pris la précaution d’attendre les sœurs Stein non pas devant la porte du carmel mais à l’angle de la rue Peijerstraat, une centaine de mètres plus loin. Peu après, une porte se referme sur la vie de deux femmes innocentes.
Le carmel d’Echt est resté le même : une façade austère en briques rouges, un petit portail, l’entrée de l’église qui donne sur la rue Bovensestraat, de nombreuses boutiques modernes qui privent seulement cette brève partie de mur de son aspect ancien. Le camp de transit d’Amersfoort et celui de Westerbork sont loin de Maastricht et d’Echt, vers le nord-est des Pays-Bas, perdus dans un réseau de canaux et de voies d’eau qui apportent sur la terre le ciel de ce lumineux été hollandais.
Le 4 août 1942, Edith et Rosa, ainsi que de nombreux autres juifs, arrivent à Westerbork. Aujourd’hui encore, à gauche de l’entrée de ce qui reste du camp, on observe la maison du commandant : une petite villa bien conçue aujourd’hui renfermée dans une gigantesque vitrine en verre. Les rideaux aux fenêtres du premier étage tombent, immobiles et lugubres, derrière les vitres, celles-là même d’où différents commandants ont souvent jeté un regard indifférent sur le drame indicible de tant de vies bouleversées.
Le verre, pensons-nous, protège-t-il la maison ou celui qui la regarde ? Pourrait-on soutenir en effet la vision directe, derrière les rideaux, de tant de normalité devant un tel abîme de souffrance ?
Et puis les arbres : avec émotion, nous regardons les chênes, les tilleuls et les bouleaux qui s’élèvent un peu partout dans les environs. Ils sont vraiment les derniers témoins directs : en ces jours, il y a soixante-quinze ans, beaucoup étaient déjà présents quand Rosa et Edith attendaient de monter sur le train qui devait les emmener mourir loin.
Nous nous promenons dans les près très verts du camp en pensant à ces moments terribles : l’obscurité qui s’entrevoit derrière les fenêtres de la maison du commandant est à peine un pâle résidu des ténèbres qui enveloppaient à cette époque la bruyère de la Drenthe.
« Nous avons vécu une journée vraiment étrange, écrit Etty Hillesum qui se trouvait à Westerbork, en ce mois d’août, pour aider les personnes en transit. Un transport nous a apporté des catholiques juifs, ou des juifs catholiques, moniales et moines qui portent l’étoile jaune sur leur habit monastique. Je me souviens de deux jeunes, jumeaux, dont le beau visage brun évoquait le ghetto et qui, le regard empli d’une sérénité enfantine sous leur capuchon, racontaient aimablement, tout au plus légèrement étonnés, qu’on était venu les arrêter à quatre heures et demie du matin et qu’à Amersfoort, on leur avait donné du chou rouge (…). Par dessus-tout, continue Hillesum, le crépitement ininterrompu d’une batterie de machines à écrire : la mitrailleuse de la bureaucratie (…). Plus tard, quelqu’un m’a raconté que le soir même il avait vu un groupe de religieuses avancer lentement dans la pénombre entre deux baraques obscures en récitant leur rosaire, imperturbables comme si elles se trouvaient dans le cloître de leur abbaye. J’ai aussi rencontré, conclut-elle, deux religieuses appartenant à une famille juive très orthodoxe, riche et instruite, de Breslau, avec l’étoile jaune cousue sur leur habit monastique ».
Le 9 août 1942, après deux jours de voyage épouvantables, Rosa et Edith Stein disparurent avec d’autres milliers de personnes dans l’abîme de Birkenau.
Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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