Prison pour femmes de Santiago du Chili © Vatican Media

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Dans une prison pour femmes au Chili, le pape invite à "lutter contre tout type de carcan, d’étiquette"

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Non à la tentation de croire qu’on ne peut pas changer

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« Être privé de liberté, ce n’est pas la même chose que d’être privé de dignité », a assuré le pape François lors de sa visite à la prison pour femmes de Santiago du Chili, ce 16 janvier 2018. Il exhorté à « lutter contre tout type de carcan, d’étiquette selon lesquels on ne peut pas changer, ou que cela ne vaut pas la peine, ou que tout revient au même ».

« Chères sœurs, non ! a insisté le pape devant quelque 600 prisonnières. Tout ne revient pas au même. Chaque effort qui se fait pour lutter en vue d’un lendemain meilleur – même si bien des fois il semble tomber dans un sac troué – portera toujours des fruits et sera récompensé. »

Au premier jour de sa visite au Chili, au lendemain de son arrivée, le pape s’est rendu, dans l’après-midi, au Centre pénitentiaire Saint Joaquin, la plus grande prison pour femmes du pays. L’établissement, construit il y a plus de cent cinquante ans pour accueillir environ 850 prisonniers, abrite aujourd’hui plus de 1400 femmes accusées de diverses infractions, du vol ou du trafic de drogue au meurtre et à d’autres crimes graves. Aujourd’hui, la plupart des condamnées, qui représentent 45% des détenues du Chili, le sont pour trafic de drogue.

A son arrivée au gymnase, le pape a été accueilli par des chants. Il s’est arrêté pour saluer des femmes et bénir des enfants, sur les gradins de l’édifice. Après la salutation de Sœur Nelly, responsable de la pastorale, qui a déploré qu’au Chili « on emprisonne la pauvreté », une jeune détenue, Janeth Zurita, a donné son témoignage empreint d’émotion : « La plus grande douleur n’est pas d’être emprisonnées mais d’être loin de nos enfants », a-t-elle confié, car « rien ne peut remplacer une mère ». Elle a fait également une demande de pardon à ceux qui ont été blessés par leurs délits et à la société.
Toujours regarder vers la réinsertion dans la société
« Il est important pour moi de partager ce temps avec vous et de pouvoir être plus proche de beaucoup de nos frères qui aujourd’hui sont privés de liberté », a déclaré d’emblée le pape, qui s’exprimait en espagnol. Et d’inviter à « abandonner la logique simpliste de diviser la réalité entre bons et mauvais, pour entrer dans cette autre dynamique à même d’assumer la fragilité, les limites et y compris le péché, pour nous aider à aller de l’avant ».
« Être privé de liberté, a-t-il ajouté… n’est pas synonyme de perdre les rêves et l’espérance. Être privé de liberté, ce n’est pas la même chose que d’être privé de dignité ». Le pape a alors invité à « lutter contre tout type de carcan, d’étiquette selon lesquels on ne peut pas changer, ou que cela ne vaut pas la peine, ou que tout revient au même ».
Dans son discours maintes fois applaudi et ponctué de paroles prononcées d’abondance de cœur, le pape François a appelé à « toujours regarder l’horizon, vers l’avenir, vers la réinsertion dans la vie courante de la société » sans réduire la peine de prison « à une punition ». Une peine sans horizon, a-t-il affirmé, est une « torture ». « La société a l’obligation de réinsérer… la réinsertion doit être votre rêve à toutes », a-t-il insisté, déclenchant à nouveau des applaudissements.
Et le pape de souhaiter que des chrétiens et des personnes de bonne volonté soient « cette main tendue qui relève », soient signes de Jésus qui « va au-delà de toute moquerie, qui ne considère aucune bataille comme perdue ».
La maternité n’est jamais ni ne sera jamais un problème
S’adressant à celles qui étaient mères, le pape a souligné : « Vous avez su ‘‘porter’’ dans votre sein une vie et enfanter. La maternité n’est jamais ni ne sera jamais un problème, c’est un don, l’un des présents les plus merveilleux que vous puissiez faire. Aujourd’hui, vous vous trouvez devant un défi très semblable: il s’agit aussi de donner la vie. Aujourd’hui, on vous demande d’engendrer l’avenir… Vous, les  femmes, vous avez une capacité incroyable de pouvoir vous adapter aux situations et d’aller de l’avant. Je voudrais en ce jour faire appel à cette capacité de faire naître l’avenir qui vit en chacune d’entre vous. Cette capacité qui vous permet de lutter contre les nombreux déterminismes ‘‘chosifiants’’ qui finissent par tuer l’espérance… Ne nous laissons pas chosifier, je ne suis pas un numéro, je suis une personne capable d’espérance. »
Evoquant également la « tâche délicate et complexe » des gendarmes, le pape a demandé aux autorités de créer « les conditions nécessaires pour accomplir (leur) travail dans la dignité. Dignité qui engendre dignité… La dignité est contagieuse, elle est plus contagieuse que la grippe. La dignité génère la dignité ».

Julia Eugenia Martinez, présidente de l’association mondiale des femmes journalistes, a expliqué à l’antenne de Vatican Media que dans la société chilienne, surtout dans les régions pauvres, les femmes étaient « très importantes » car elles étaient « la mère et le père, le pourvoyeur de nourriture et de tout ; ainsi, lorsqu’on envoie une femme en prison, on détruit réellement la famille ». En outre, beaucoup de détenues sont emprisonnées avec leurs bébés qui doivent quitter l’établissement à l’âge de deux ou trois ans.

La prison Saint Joaquin, dont la pastorale est gérée par les Sœurs du Bon Pasteur, possède plusieurs établissements où les femmes peuvent apprendre des compétences professionnelles.

Avec une traduction d’Hélène Ginabat

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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