Colombie, Medellin, rencontre avec le clergé, les consacrés et leurs familles 9 sept. 2017 © L'Osservatore Romano

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Colombie: non ! à la tentation de «tout tenir pour perdu»

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Le pape entrevoit un «nouveau commencement»

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Le pape François entrevoit un « nouveau commencement » pour la Colombie. Et il en donne la clef : « demeurer en Dieu ». En repoussant par exemple « la tentation de tenir tout pour perdu ». Il évoque aussi le bienfait d’attitudes aussi différentes que la prière d’adoration et « le goût des études » !
Le pape François parle ainsi à la Colombie, lacérée par plus de 50 ans de conflits, avec son cortège de déplacés (7 millions), de morts, de blessés, de mutilés : un million. Dans certaines familles trois générations ont été frappées : elles ont perdu, année après année, un père, un mari, des enfants, assassinés par la guérilla ou des formations paramilitaires.
Le pape François a ainsi en quelque sorte voulu transmettre le secret de la joie chrétienne lors de sa rencontre avec les évêques, les prêtres, les consacrés et les séminaristes, et leurs familles, samedi 9 septembre 2017, à 16h (23 heures à Rome), au centre « La Macarena » de Medellin.
Le pape a mentionné, en commentant l’Evangile de Jean lu au début de la rencontre, les moyens à déployer pour « demeurer »: « Nous demeurons en touchant l’humanité du Christ »; « Nous demeurons en contemplant sa divinité ». Et la conséquence : « Il faut demeurer dans le Christ pour vivre dans la joie ».
L’allocution du pape est un petit traité de vie spirituelle « pour tous ». Le texte intégral se trouve ici.
Un nouveau commencement
Face aux blessures que le pays essaye de panser, le pape a une fois encore affirmé que l’histoire humaine est dans les mains d’un Dieu bon, en partant des récits bibliques : « Dans la Genèse, après le déluge, Noé plante une vigne comme signe d’un nouveau commencement ; au terme de l’Exode, ceux que Moïse a envoyés inspecter la terre promise sont revenus avec une grappe de raisins, signe de cette terre où coulent le lait et le miel. Dieu a posé son regard sur nous, sur nos communautés et sur nos familles. Le Seigneur a posé son regard sur la Colombie : vous êtes le signe de cet amour de prédilection. »
Le pape François a annoncé un « nouveau commencement » pour la nation, dont l’histoire est maintenant marquée par accords de paix avec la guérilla des FARC et le cessez-le-feu unilatéral déclaré par les rebelles de l’ELN: « Il nous revient d’offrir tout notre amour et notre service en union avec Jésus, notre vigne. Et d’être la promesse d’un nouveau commencement pour la Colombie, qui laisse derrière les déluges de désaccord et de violence, qui veut porter beaucoup de fruits de justice et de paix, de rencontre et de solidarité. »
Le regard du Christ
Premier point pour « demeurer » : « toucher l’humanité du Christ ». Le pape explique ce qu’il entend par là, en évoquant – comme il le fait souvent – le « regard » du Christ mais aussi ses « sentiments » : « Par le regard et les sentiments de Jésus, qui contemple la réalité, non pas comme un juge, mais comme le bon samaritain ; qui reconnaît les valeurs du peuple avec lequel il marche, ainsi que ses blessures et ses péchés ; qui découvre la souffrance silencieuse et s’émeut face aux besoins des personnes, surtout quand elles se voient asservies par l’injustice, la pauvreté indigne, l’indifférence, par l’action perverse de la corruption et de la violence. »
Mais le pape joint toujours l’action à la contemplation. Il souligne qu’il faut aussi accomplir les « gestes » de Jésus : « Par les gestes et les paroles de Jésus, qui expriment l’amour envers ceux qui sont proches et la recherche de ceux qui sont loin ; la tendresse et la fermeté dans la dénonciation du péché et dans l’annonce de l’Évangile ; la joie et la générosité dans l’engagement et le service surtout en faveur des personnes les plus fragiles. »
Puis le pape met en garde contre une tentation qui empêche de « demeurer » en Dieu : il s’agit de repousser « avec force » la « tentation de tenir tout pour perdu, de nous accommoder ou de ne nous considérer que comme des administrateurs de malheurs ».
Eveiller le goût de l’étude
L’humanité de Jésus, mais aussi sa divinité. Le pape François fait une seconde recommandation : « Nous demeurons en contemplant sa divinité ». Il a spécialement invité à la prière d’adoration : « adorer ».
Mais il a d’abord invité à… étudier ! Il faut, dit-il, éveiller « le goût des études » : « En éveillant et en soutenant le goût des études qui font grandir la connaissance du Christ car, comme le rappelle saint Augustin, on ne peut aimer celui qu’on ne connaît pas ».
Fréquenter assidûment la Bible : « En privilégiant par cette connaissance la rencontre avec les Saintes Écritures, spécialement l’Évangile, où le Christ nous parle, nous révèle son amour inconditionnel pour le Père, nous communique la joie qui jaillit de l’obéissance à sa volonté et du service des frères. »
Aimer le Christ et la Bible
Le pape commente saint Jérôme : « Qui ne connaît pas les Écritures ne connaît pas Jésus. Qui n’aime pas les Écritures n’aime pas Jésus. » « Consacrons du temps à la lecture priante de la Parole ! En auscultant en elle ce que Dieu veut pour nous et pour notre peuple », a exhorté le pape en invitant chacun à s’interroger sur son temps quotidien avec la Parole de Dieu.
Parce que cette étude – pas n’importe laquelle – aide à comprendre la réalité avec le regard de Dieu : « Que toutes nos études nous aident à être capables d’interpréter la réalité avec les yeux de Dieu ; qu’elles ne soient pas des études pour s’évader des événements de notre peuple, qu’elles ne suivent pas non plus les va-et-vient des modes ou des idéologies. Qu’elles ne s’alimentent pas de nostalgies ni ne cherchent à enserrer dans un carcan le mystère ; qu’elles ne cherchent pas à répondre à des questions que personne ne se pose, laissant dans le vide existentiel les personnes qui nous interrogent à partir des données de leurs mondes et de leurs cultures. »
La prière, fondement de la vie chrétienne
Mais le pape a aussi indiqué le « fondement » de la vie chrétienne : la prière. Une prière d’adoration aussi, silencieuse : « Demeurer [en lui] et contempler sa divinité en faisant de la prière un élément fondamental de notre vie et de notre service apostolique. La prière nous libère du fardeau de la mondanité, nous enseigne à vivre dans la joie, à faire des choix en nous éloignant de ce qui est superficiel, dans un exercice de liberté authentique. Elle nous évite de nous centrer sur nous-mêmes, cachés dans une expérience religieuse vide et elle nous conduit à nous mettre docilement dans les mains de Dieu pour réaliser sa volonté et rendre efficace son projet de salut. Et dans la prière, adorer. Apprendre à adorer en silence. »
La réconciliation et la miséricorde
Le pape a rappelé que l’œuvre de réconciliation – un des grand thème de son voyage apostolique en Colombie – c’est d’abord l’action de Dieu en chacun : « Soyons des hommes et des femmes réconciliés pour réconcilier. Avoir été appelés ne nous donne pas le certificat de bonne conduite et d’impeccabilité ; nous ne sommes pas revêtus d’une auréole de sainteté », a lancé le pape salué par un tonnerre d’applaudissements.
Il est allé plus loin avec des accents du Jubilé de la miséricorde: « Nous sommes tous des pécheurs et nous avons besoin du pardon et de la miséricorde de Dieu pour nous lever chaque jour ; il arrache ce qui n’est pas bien et que nous avons fait de mal, le jette hors de la vigne et le brûle. Il nous laisse purs pour que nous puissions porter du fruit. »
« Voilà la fidélité miséricordieuse de Dieu envers son peuple, dont nous faisons partie ! Il ne nous abandonnera jamais au bord du chemin. Dieu fait tout pour éviter que le péché l’emporte sur nous et ferme les portes de notre vie à un avenir d’espérance et de joie », a affirmé le pape.
Non! aux apôtres amers
Et puis il en est venu à cette « joie » chrétienne à laquelle il a consacré une exhortation apostolique Evangelii Gaudium, en 2013 : « Il faut demeurer dans le Christ pour vivre dans la joie ».
« Si nous demeurons en lui, sa joie sera en nous. Nous ne serons pas des disciples tristes et des apôtres amers », a affirmé le pape qui a le don de la formule efficace.
« Au contraire, a-t-il poursuivi, nous reflèterons et porterons la vraie joie, la joie pleine que personne ne pourra nous enlever, nous répandrons l’espérance de la vie nouvelle que le Christ nous a apportée. L’appel de Dieu n’est pas un fardeau lourd qui nous vole la joie. Dieu ne nous veut pas soumis dans la tristesse et dans la fatigue qui dérivent des activités mal vécues, sans une spiritualité qui rende heureuse notre vie, voire nos fatigues. »
L’enjeu c’est aussi l’annonce de la Bonne Nouvelle : « Notre joie contagieuse doit être le premier témoignage de la proximité et de l’amour de Dieu. Nous sommes de vrais dispensateurs de la grâce de Dieu lorsque nous reflétons la joie de la rencontre avec lui. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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