Alex et Maud Lauriot-Prévost

"Amoris laetitia", Big-Bang de la pastorale familiale

Une relecture missionnaire de l’exhortation apostolique post-synodale

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Alex et Maud Lauriot-Prévost sont délégués épiscopaux à la Nouvelle évangélisation du diocèse d’Avignon, modérateurs de la Communion Priscille & Aquila (Communion de couples missionnaires), prédicateurs de l’évangile du mariage, de la sexualité et de la famille et auteurs de plusieurs ouvrages sur évangélisation et mariage.
Ils offrent aux lecteurs de Zenit une relecture ‘missionnaire’ d’Amoris laetitia, « La Joie de l’amour », l’exhortation apostolique du pape François sur la famille, publiée le vendredi 8 avril, et qui noue la gerbe des deux synodes sur la famille, de 2014 et 2015.
Ils soulignent que le pape, dans le droit fil de l’enseignement de l’Eglise, appelle à une ‘conversion pastorale’ du mariage, en refondant la pastorale sur le kérygme et le témoignage, sur l’accompagnement et le discernement, sur l’attractivité contagieuse de l’Evangile de l’amour, du mariage et de la sexualité.
Il soulignent notamment ce que le pape François écrit au n. 290 de son exhortation apostolique post-synodale : « Au cœur de chaque famille, il faut faire retentir le kérygme, à temps et à contretemps, afin qu’il éclaire le chemin. C’est seulement à partir de cette expérience que la pastorale familiale pourra  être un ferment d’évangélisation dans la société . »
A.B.
« Amoris laetitia », Big-Bang de la pastorale familiale
Après la publication de l’exhortation post-synodale, les principaux commentaires se concentrent sur les thématiques les plus médiatiques : les homosexuels et les divorcés-remariés, leur possibilité ou non de communier, etc. Or, comme souvent, les enjeux essentiels de tels textes ne résident pas dans les grands titres. Le pape l’exprime d’ailleurs très clairement[1] : comprendre et traiter de manière adéquate des situations exceptionnelles n’implique en rien d’occulter l’annonce et la proposition de l’Evangile de la Famille. Au contraire, souligne-t-il : aujourd’hui, le plus important ne réside pas dans une « pastorale des échecs », mais dans une pastorale qui prépare et consolide les mariages, qui prévient les déviances, les déchirures et les ruptures conjugales, qui conduit à rendre attractif et accessible cet Evangile au plus grand nombre.
A cette fin, le pape critique clairement certaines pratiques individuelles ou pastorales dans l’Eglise[2], comme par exemple : une trop grande focalisation de nos énergies sur ce monde décadent alors que nous sommes avant tout appelés à proposer une ‘bonne nouvelle’ à un monde blessé ; un accent quasi-exclusif et hypertrophié du devoir de procréation lié à la sexualité, en occultant le sens profond et premier du « une seule chair », celui de faire grandir les époux dans l’amour et la joie commune ; une présentation trop abstraite ou théorique du mariage chrétien, loin des préoccupations concrètes ou de la vie des gens ; une idéalisation du modèle conjugal qui le rend quasi-inaccessible, sans indiquer les étapes et la dynamique de gradualité à emprunter, sans témoigner de l’œuvre de la grâce, qui rend attirant le mariage chrétien, chemin de bonheur et de croissance.
Face à ce constat sans langue de buis, le pape nous invite à convertir notre état d’esprit et nos pratiques, à partir de « la prédication et des attitudes de Jésus » qui présente clairement l’essence du mariage et ses exigences, tout en étant proche, attentif, compatissant avec tous, particulièrement auprès des pauvres et des pécheurs. C’est pourquoi, François invite la pastorale familiale à mettre en place sa « conversion pastorale »[3], sur la base de « la première annonce », du « kérygme », du Salut donné par le Christ dans le mariage, autrement dit le kérygme conjugal. Comme Jésus, le pape nous invite à regarder chaque couple avec amour et tendresse, avec patience et miséricorde, tout en l’invitant à accueillir et vivre le Salut : au cœur d’une humanité si éprouvée, François souligne combien le Christ peut sauver la famille et le mariage, peut guérir et transformer les cœurs endurcis, peut restaurer l’image de Dieu dans le couple, et en cela, rendre accessible et désirable le dessein du mariage chrétien. Pour François, ce kérygme, cette première annonce est « la plus solide, la plus attirante et la plus nécessaire » ; il doit être placé « au centre de l’activité évangélisatrice » de l’amour conjugal et de la famille[4], ce qui est pour le pape une condition de la mise en œuvre d’une pastorale missionnaire qui porte du fruit : « c’est seulement à partir de cette expérience que la pastorale familiale pourra être un ferment d’évangélisation dans la société »[5].
Amoris Laetitia balaye les conceptions purement sociales, symboliques ou rituelles du sacrement de mariage, et reprécise ce qu’il est vraiment : « un don pour la sanctification et le salut des époux » ; une vocation à part entière, une réponse à un appel singulier, fruit d’un discernement vocationnel ; un don de force du Christ pour les époux ; une sanctification et un chemin de purification de la sexualité, etc. C’est un appel, une promesse, un chemin, celui de « la pédagogie divine [où] l’Église se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de façon imparfaite, invoquant avec eux la grâce de la conversion, les encourageant à accomplir le bien, à prendre soin l’un de l’autre »[6].
C’est pourquoi le pape invite l’Eglise à réviser en profondeur l’annonce de l’Evangile de la famille : en donnant tout d’abord une place centrale aux couples mariés dans cette évangélisation, appelés à apporter un témoignage joyeux et contagieux, pour attester combien le couple « dans le Christ » est « libéré du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement » ; en présentant la sexualité conjugale de manière réjouissante et renouvelée, en rééquilibrant ses fonctions unitives et procréatives, en exaltant le caractère bon, béni et sanctifié du ‘une seule chair’ des époux ; en engageant « une conversion missionnaire pour ne pas s’en tenir à une annonce théorique et détachée des problèmes réels des gens », mais pour faire connaître les œuvres de bénédiction et de Salut du Christ, réponses essentielles aux attentes les plus profondes des personnes[7].
Ainsi, à titre d’exemple, le pape propose[8] :

  • Une annonce renouvelée et attractive du kérygme lors de la préparation au mariage, inscrite désormais dans un véritable parcours d’« initiation » chrétienne, avec un accompagnement personnalisé, permettant une adaptation de cette annonce au cheminement de chacun, une préparation individualisée au contenu de l’engagement et à ce qu’il implique.
  • Un accompagnement dans la durée des conjoints qui découvrent bien souvent, après l’émerveillement des débuts, leurs péchés, leurs fragilités personnelles ou leurs blessures qui minent la communion conjugale : occasion de toucher de plus près la tendresse et la miséricorde de Dieu, de découvrir concrètement que le Christ pardonne, console, libère, guérit, sauve… ma vie, mon histoire, celle de notre couple.
  • Faire ainsi goûter aux couples les œuvres de Salut du Christ : « Chaque couple écrit ainsi sa propre ‘histoire de salut’; ce qui exige de reconnaître le besoin de guérir, de demander avec insistance la grâce de pardonner et de se pardonner. » S’appuyant tout autant sur les ressources spirituelles et humaines pour accompagner chacun sur un chemin de guérison, d’amour et de paix, l’Eglise témoigne combien elle est pour les époux un vrai « hôpital de campagne » au cœur de la ‘bataille’.
  • La nécessité de vivre et « de faire retentir le kérygme au cœur de chaque famille, afin qu’il éclaire le chemin [car] nous devrions tous pouvoir dire, à partir de cette expérience, ‘nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous’ (1 Jn 4, 16) ».
  • Une présentation sans ambiguïté de la beauté et du sens de la sexualité en tant que telle, et même de « l’érotisme » conjugal « qui embellit la relation des époux », « mystère nuptial », « don du Seigneur » aux fruits riches et si bénéfiques pour les époux. Le pape en explique la raison d’être dans le « une seul chair originel » et le don mutuel des époux lors d’un mariage béni par Dieu. Tout autant, il ne cache en rien l’indispensable conversion de la sexualité au sein même du mariage : ni prendre, ni convoiter, ni retenir… mais ensemble se respecter et se donner ! Enfin, si les méthodes naturelles sont bien sûr proposées et valorisées, le pape renvoie chaque couple à sa propre conscience et à son discernement, tout en critiquant « des conclusions théologiques excessives » qui mettent « un accent quasi-exclusif sur la procréation ».

Cette conversion attendue de la pastorale familiale est en fait salutaire pour la vie baptismale de chacun : pour témoigner et annoncer l’Evangile de la Famille de manière pertinente et fructueuse, le pape nous invite à raviver l’expérience chrétienne première, celle d’être sauvés et relevés par le Christ : « En résumé, nous sommes invités à vivre de miséricorde parce qu’il nous a d’abord été fait miséricorde.[9] »
Alex et Maud Lauriot Prévost[10]
Session de formation de couples à l’Evangélisation
Dans le droit fil de l’exhortation Amoris laetitia qui mobilise les couples pour l’évangélisation, les invite à annoncer le kérygme, à témoigner des œuvres du Christ dans leur vie, à innover pour évangéliser… la Communion Priscille & Aquila organise à Lyon du 26 au 30 juillet une session de formation missionnaire, destinée à des couples mariés, en activité, voulant s’engager ensemble dans l’évangélisation et la première annonce, notamment au sein de leurs paroisses et de leurs diocèses.
Teaser, invitations, informations, inscriptions sur www.communion-priscille-aquila.com 
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[1] § 307
[2] § 35>37, 150>152
[3] § 58>62
[4] § 58>62
[5] § 290
[6] § 72>79
[7] § 200>201
[8] § 203>240, 290
[9] § 310
[10] Auteurs de Evangéliser le Mariage, le Kérygme conjugal, Salvator, 2013.

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Alex et Maud Lauriot-Prévost

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