ROME, Lundi 3 septembre 2007 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcé hier dimanche, sur l’esplanade de Montorso, près de Lorette, en présence d’environ 500.000 jeunes.
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Chers frères et sœurs,
Chers jeunes amis!
Après la veillée de cette nuit, notre rencontre de Lorette se conclut à présent autour de l’autel par la solennelle Concélébration eucharistique. J’adresse encore une fois mon salut le plus cordial à tous. Je salue de manière particulière les évêques et je remercie Mgr Angelo Bagnasco qui s’est fait l’interprète de vos sentiments communs. Je salue l’archevêque de Lorette, qui nous a accueillis avec affection et attention. Je salue les prêtres, les religieux, les religieuses et ceux qui ont préparé avec soin cette importante manifestation de foi. J’adresse un salut respectueux aux autorités civiles et militaires présentes, avec une mention particulière pour le vice-président du Conseil des Ministres, M. Francesco Rutelli.
C’est véritablement un jour de grâce ! Les lectures que nous avons écoutées il y a quelques instants nous aident à comprendre l’œuvre merveilleuse qui a été accomplie par le Seigneur en nous permettant de nous rencontrer, ici à Lorette, si nombreux et dans un climat joyeux de prière et de fête. A travers notre rencontre au Sanctuaire de la Vierge se réalisent, dans un certain sens, les paroles de l’Epître aux Hébreux : « Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant ». En célébrant l’Eucharistie à l’ombre de la Sainte Maison, nous nous approchons nous aussi « des milliers d’anges en fête et de l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux ». Nous pouvons ainsi faire l’expérience de la joie de nous trouver face à « Dieu, le juge de tous les hommes, et les âmes des justes arrivés à la perfection ». Avec Marie, Mère du Rédempteur et notre Mère, nous allons surtout à la rencontre du « médiateur d’une Alliance nouvelle », notre Seigneur Jésus Christ (cf. He 12, 22-24). Le Père céleste, qui de nombreuses fois et de différentes façons, a parlé aux hommes (cf. He 1, 1), offrant son Alliance et rencontrant souvent des résistances et des refus, a voulu dans la plénitude des temps établir avec les hommes un pacte nouveau, définitif et irrévocable, en le scellant avec le sang de son Fils unique, mort et ressuscité pour le salut de toute l’humanité. Jésus Christ, Dieu fait homme, a assumé notre chair elle-même en Marie, il a pris part à notre vie et il a voulu partager notre histoire. Pour réaliser son Alliance, Dieu a cherché un cœur jeune et il l’a trouvé en Marie, « jeune femme ».
Aujourd’hui encore, Dieu cherche des cœurs jeunes, il cherche des jeunes au grand cœur, capables de Lui faire de la place dans leur vie pour être les acteurs de la Nouvelle Alliance. Pour accueillir une proposition fascinante comme celle que nous fait Jésus, pour établir une Alliance avec Lui, il faut être jeunes intérieurement, capables de se laisser interpeller par sa nouveauté, pour entreprendre avec Lui des routes nouvelles. Jésus a une prédilection pour les jeunes, comme le souligne le dialogue avec le jeune homme riche (cf. Mt 19, 16-22; Mc 10, 17-22) ; il respecte leur liberté, mais il ne se lasse jamais de leur proposer des objectifs plus élevés pour la vie : la nouveauté de l’Evangile et la beauté d’une conduite sainte. Suivant l’exemple de son Seigneur, l’Eglise continue à avoir la même attention. Voilà pourquoi, chers jeunes, elle a pour vous une immense affection, elle est proche de vous dans les moments de joie et de fête, d’épreuve et d’égarement ; elle vous soutient par les dons de la grâce sacramentelle et vous accompagne dans le discernement de votre vocation. Chers jeunes, laissez-vous emporter par la vie nouvelle qui naît de la rencontre avec le Christ et vous serez en mesure d’êtres des apôtres de sa paix dans vos familles, parmi vos amis, au sein de vos communautés ecclésiales et dans les divers milieux dans lesquels vous vivez et œuvrez.
Mais qu’est-ce qui rend vraiment « jeunes » au sens évangélique ? Notre rencontre, qui se déroule à l’ombre d’un sanctuaire marial, nous invite à tourner notre regard vers la Vierge. Nous nous demandons donc : comment Marie a-t-elle vécu sa jeunesse ? Pourquoi, en elle, l’impossible est-il devenu possible ? Elle nous le révèle elle-même dans le chant du Magnificat : Dieu « s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48a). L’humilité de Marie est ce que Dieu apprécie plus que tout autre chose en elle. Et c’est précisément de l’humilité que nous parlent les deux autres lectures de la liturgie d’aujourd’hui. N’est-ce pas une heureuse coïncidence que ce message nous soit adressé précisément ici, à Lorette ? Ici, notre pensée se tourne naturellement vers la Sainte Maison de Nazareth qui est le sanctuaire de l’humilité : l’humilité de Dieu qui s’est fait chair, qui s’est fait petit, et l’humilité de Marie qui l’a accueilli dans son sein ; l’humilité du Créateur et l’humilité de la créature. De cette rencontre d’humilité est né Jésus, Fils de Dieu et Fils de l’homme : « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser pour trouver grâce devant le Seigneur ; car grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles », nous dit le passage de l’Ecclésiastique (3, 18) ; et dans l’Evangile, Jésus, après la parabole des invités aux noces, conclut : « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 11). Cette perspective indiquée par les Ecritures apparaît aujourd’hui plus que jamais provocante pour la culture et la sensibilité de l’homme contemporain. L’humble est perçu comme une personne qui renonce, un vaincu, quelqu’un qui n’a rien à dire au monde. C’est en revanche la voie maîtresse, et non seulement parce que l’humilité est une grande vertu humaine, mais parce qu’elle représente en premier lieu la façon d’agir de Dieu lui-même. Elle est la voie choisie par le Christ, le Médiateur de la Nouvelle Alliance, qui, « reconnu comme un homme à son comportement, s’est abaissé lui-même, en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix » (Ph 2, 8).
Chers jeunes, il me semble apercevoir dans cette parole de Dieu sur l’humilité un message important et plus que jamais actuel pour vous qui voulez suivre le Christ et faire partie de son Eglise. Le message est le suivant : ne suivez pas la voie de l’orgueil, mais celle de l’humilité. Allez à contre courant : n’écoutez pas les voix intéressées et persuasives qui, de toutes parts, diffusent aujourd’hui des modèles de vie basés sur l’arrogance et la violence, le pouvoir et le succès à tout prix, l’apparence et la possession, au détriment de l’être. De combien de messages, qui parviennent surtout à travers les mass media, êtes vous les destinataires ! Soyez vigilants! Soyez critiques! Ne suivez pas la vague produite par cette puissante action de persuasion. N’ayez pas peur, chers amis, de préférer les voies « alternatives » indiquées par l’amour véritable : un style de vie sobre et solidaire ; des relations d’affection sincère et pures ; un engagement honnête dans l’étude et le travail ; l’intérêt profond pour le bien commun. N’ayez pas peur d’apparaître différents et d’être critiqués pour ce qui peut sembler perdant ou démodé : les jeunes de votre âge, mais aussi les adultes, et en particulier ceux qui semblent le plus éloignés de la mentalité et des valeurs de l’Evangile, ont un besoin profond de voir quelqu’un qui ose vivre selon la plénitude d’humanité manifestée par Jésus Christ.
Chers amis, la voie de l’humilité n’est donc pas la voie du renoncement, mais du courage. Elle n’est pas le résultat d’une défaite, mais d’une victoire de l’amour sur l’égoïsme et de la grâce sur le péché. En suivant le Christ et en imit
ant Marie, nous devons avoir le courage de l’humilité ; nous devons nous confier humblement au Seigneur car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons devenir des instruments dociles entre ses mains, et lui permettrons de faire de grandes choses en nous. Le Seigneur a accompli de grands prodiges en Marie et dans les saints ! Je pense, par exemple, à François d’Assise et à Catherine de Sienne, Patrons d’Italie. Je pense également à des jeunes splendides comme sainte Gemma Galgani, saint Gabriele dell’Addolorata, saint Louis Gonzague, sainte Maria Goretti, née non loin d’ici, les bienheureux Piergiorgio Frassati et Alberto Marvelli. Et je pense encore à de nombreux jeunes garçons et filles qui appartiennent à l’assemblée des saints « anonyme », mais qui ne sont pas anonymes pour Dieu. Pour Lui, chaque personne est unique, avec son nom et son visage. Nous sommes tous appelés, et vous le savez, à être saints !
Comme vous le voyez, chers jeunes, l’humilité que le Seigneur nous a enseignée et dont les saints ont témoigné, chacun selon leur vocation originale, n’est en aucune manière une façon de vivre comme des personnes qui renoncent. Regardons en particulier Marie : à son école, nous aussi, comme elle, nous pouvons faire l’expérience de ce oui de Dieu à l’humanité, dont jaillissent tous les oui de notre vie. C’est vrai, les défis que vous devez affronter sont nombreux et importants. Mais le premier demeure toutefois celui de suivre le Christ jusqu’au bout, sans réserve ni compromis. Et suivre le Christ signifie se sentir une partie vivante de son corps, qui est l’Eglise. On ne peut pas se dire disciples de Jésus si l’on n’aime pas et si l’on ne suit pas son Eglise. L’Eglise est notre famille, dans laquelle l’amour pour le Seigneur et pour les frères, en particulier dans la participation à l’Eucharistie, nous fait ressentir la joie d’avoir à présent un avant-goût de la vie à venir qui sera totalement illuminée par l’Amour. Que notre engagement quotidien soit de vivre ici-bas comme si nous étions déjà là-haut. Se sentir Eglise est donc une vocation à la sainteté pour tous ; un engagement quotidien à construire la communion et l’unité en surmontant toute résistance et toute incompréhension. Dans l’Eglise, nous apprenons à aimer en nous éduquant à l’accueil gratuit de notre prochain, à l’attention envers ceux qui sont en difficulté, les pauvres et les derniers. La motivation fondamentale qui unit les croyants dans le Christ n’est pas le succès, mais le bien, un bien encore plus authentique s’il est partagé, et qui ne consiste pas avant tout à avoir ou à pouvoir, mais à être. Ainsi s’édifie la cité de Dieu avec les hommes, une cité qui, dans le même temps, croît sur terre et descend du Ciel, car elle se développe dans la rencontre et dans la collaboration entre les hommes et Dieu (cf. Ap 21, 2-3).
Suivre le Christ, chers jeunes, comporte en outre l’effort constant d’apporter sa contribution à l’édification d’une société plus juste et solidaire, où tous puissent jouir des biens de la terre. Je sais qu’un grand nombre d’entre vous se consacrent avec générosité à témoigner de leur foi dans les divers milieux sociaux, en étant actifs dans le domaine du volontariat, en œuvrant à la promotion du bien commun, de la paix et de la justice dans chaque communauté. L’un des domaines dans lequel il apparaît urgent d’œuvrer, est sans aucun doute la sauvegarde de la création. L’avenir de la planète, qui présente les signes évidents d’un développement qui n’a pas toujours su protéger les équilibres délicats de la nature, est confié aux nouvelles générations. Avant qu’il ne soit trop tard, il faut faire des choix courageux, qui sachent recréer une solide alliance entre l’homme et la terre. Un oui ferme est nécessaire pour la sauvegarde de la création, ainsi qu’un engagement puissant pour inverser les tendances qui risquent de conduire à des situations de dégradation irréversible. C’est pourquoi j’ai apprécié l’initiative de l’Eglise italienne de promouvoir la sensibilité sur les problématiques de la protection de la création, en instituant une Journée nationale, qui tombe précisément le 1er septembre. Cette année, l’attention se porte en particulier sur l’eau, un bien précieux qui, s’il n’est pas partagé de façon équitable et pacifique, deviendra malheureusement un motif de graves tensions et d’âpres conflits.
Chers jeunes amis, après avoir écouté vos réflexions d’hier soir et de cette nuit, en me laissant guider par la Parole de Dieu, j’ai voulu à présent vous confier mes réflexions, qui veulent être un encouragement paternel à suivre le Christ pour être témoins de son espérance et de son amour. Pour ma part, je continuerai d’être proche de vous par la prière et l’affection, afin que vous poursuiviez avec enthousiasme le chemin de l’Agorà, cet itinéraire triennal particulier d’écoute, de dialogue et de mission. En concluant aujourd’hui la première année à travers cette magnifique rencontre, je ne peux manquer de vous inviter à vous tourner déjà vers le grand rendez-vous de la Journée mondiale de la Jeunesse, qui se tiendra l’an prochain à Sydney, au mois de juillet. Je vous invite à vous préparer à cette grande manifestation de foi des jeunes, en méditant le Message qui approfondit le thème de l’Esprit Saint, pour vivre ensemble un nouveau printemps de l’Esprit. Je vous attends donc nombreux en Australie également, en conclusion de votre deuxième année de l’Agorà. Tournons enfin, une fois de plus, notre regard vers Marie, modèle d’humilité et de courage. Vierge de Nazareth, aide-nous à être dociles à l’œuvre de l’Esprit Saint comme tu le fus toi-même ; aide-nous à devenir toujours plus saints, disciples amoureux de ton Fils Jésus ; soutiens et accompagne ces jeunes, afin qu’ils soient de joyeux et infatigables missionnaires de l’Evangile parmi les jeunes de leur âge, dans toutes les régions d’Italie. Amen !
© Copyright du texte original en italien : Librairie Editrice Vaticane
Traduction réalisée par Zenit