ROME, Mardi 21 septembre 2010 (ZENIT.org) – A Lille les 23, 24 et 25 septembre prochains auront lieu les premiers Etats Généraux du christianisme. Un projet simple, mais un peu fou : rassembler des milliers de participants et une centaine d’intervenants autour de la question « Notre époque a-t-elle besoin de Dieu ? ». Nous publions ci-dessous une interview avec Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire La Vie, à l’initiative de l’évènement.
J.-B. Maillard – Pourquoi organisez-vous ces Etats Généraux du christianisme ?
J.-P. Denis – Depuis la longue séquence de l’affaire Williamson jusqu’au débat sur la pédophilie, il nous a semblé qu’il était indispensable de montrer que le christianisme est autre chose que des polémiques stériles.
Le message du christianisme est très important pour notre société et il faut tout faire pour qu’on l’entende. De plus, j’ai rencontré ces derniers temps de nombreuses personnes et j’ai constaté que beaucoup d’entre elles ont très envie de parler du christianisme.
L’époque appelle à un véritable œcuménisme, c’est-à-dire un dialogue avec ceux qui ne sont pas forcément d’accord avec nous. Nous avons besoin d’un état des lieux du christianisme, sans nier nos identités et nos convictions. La crise du christianisme est indéniable, et en même temps il y a véritable attente spirituelle dans notre société. Il faut saisir ces deux bouts pour faire entendre un message positif. Enfin, nous en restons trop souvent à des débats de culte ou de sacristie, alors qu’on nous attend sur les questions de société abordées sans tabou.
Y a-t-il une urgence à se poser la question de la place du christianisme ?
Oui, il y a urgence. La société est aujourd’hui déchristianisée. Elle accepte le message quand il est dans son sens, mais sinon on trouve l’Eglise moralisatrice, ringarde et déplacée. Je crois que le christianisme est le caillou dans la chaussure, la seule contre-culture critique et imaginative. Le message chrétien est une nouveauté pour la société, une radicalité provocatrice. D’ailleurs, je publie ces jours-ci un livre qui s’intitule « Pourquoi le christianisme fait scandale ? ». En même temps, il y a dans la société déchristianisée un regain d’intérêt pour le spirituel.
Quelle est la différence entre christianisme et chrétienté, entre un christianisme défensif et un christianisme rayonnant ?
Le mot chrétienté renvoie à un passé où le christianisme était dominant et donnait forme à la culture. C’est parfois une nostalgie qui enferme et dont il faut sortir. Le christianisme rayonnant s’incarne dans le monde sans être du monde, il témoigne. Lorsqu’on atteste sans arrogance sa foi, cela intéresse. C’est nouveau et très prometteur dans notre société : nous sommes sortis de l’époque où nous pouvions partir en conquérants, déclarant « je détiens la vérité ». Maintenant, il faut dire ce en quoi nous croyons.
Les personnalités invitées ont des positions très diverses, on trouve quelques catholiques qui ne suivent pas toujours le magistère de l’Eglise. Pourquoi ?
Les clivages existent toujours : si nous ne sommes pas d’accord entre nous, parlons-en ! Oublions nos petites excommunications réciproques. L’époque nous appelle au dialogue. Je n’ai pas demandé aux intervenants de me dire à l’avance ce dont ils vont parler, je ne leur demande pas à l’entrée de certificats de bonne pensée ou de diplômes de théologie. C’est ainsi que Christine Pedotti, de la conférence des baptisé(e)s de France, débattra avec M. l’abbé Vincent Ribeton, de la Fraternité Saint Pierre. Aucune sensibilité ne sera exclue. Il y aura aussi des non-chrétiens et nous avons le soutien de l’Université catholique de Lille, de l’évêque Mgr Ulrich, sans qui les Etats Généraux n’auraient pas lieu.
Un débat est intitulé « Changer l’Eglise, oui, mais dans quel sens ? » : croyez-vous qu’il faille changer l’Eglise ?
Les fondamentaux ne changent pas, l’Eglise est toujours en mouvement et la tradition, vivante. Il s’agit donc de distinguer ce qui est fondamental et qui ne doit pas changer de ce qui évolue et peut être amélioré. Je n’ai pas la conclusion, l’aventure est en marche.
La dernière séance plénière pose la question de l’évangélisation. En quoi est-ce une question importante ?
Depuis les origines du christianisme, l’annonce est ce qui nous fait vivre. L’évangélisation est donc une question fondamentale pour l’Eglise et pour la société.
Mais il y a beaucoup de débats derrière ce mot. Premier débat, faut-il une évangélisation explicite ? Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour dire qu’une annonce de la foi est nécessaire. Deuxième débat, quels sont les contenus de l’évangélisation et comment faut-il procéder ? Il y a de nombreuses méthodes : seront présents les responsables des Cours Alpha, les Scouts de France et les protestants évangéliques.
Votre journal parle de plus en plus d’évangélisation. Est-ce une volonté affichée ?
Oui, clairement ! Les chrétiens sont soucieux d’annoncer l’Evangile depuis les origines de l’Eglise, cela me semble une évidence. Mais l’évangélisation n’est pas le monopole des mouvements qui répondent à l’appel de la nouvelle évangélisation, ce souci est à la racine même de l’Action catholique, par exemple. Il y a des approches différentes : l’opposition faite entre les différentes sensibilités est dépassée Un mauvais procès est souvent fait aux chrétiens de fibre sociale quand on pense qu’ils n’ont pas ce souci. La « catho pride » n’est pas la seule évangélisation, toute mission suppose une certaine forme d’humilité.
Quelle place aura la prière lors de ces Etats Généraux ?
Les Etats Généraux ne sont pas un colloque, mais une rencontre. Se rassembler sans Dieu serait dommage, aussi la prière sera présente tout du long. Il y aura une nuit entière de prière, pour toutes les sensibilités. Les moines trappistes du Mont-des-Cats diront exceptionnellement l’office de la nuit avec nous. Un temps d’adoration sera animé par Jeunesse 2000, une louange avec la communauté de l’Emmanuel, et puis Taizé, le Chemin Neuf, Coexister, les sœurs cisterciennes bernardines de Saint André, le cœur orthodoxe de la paroisse Saint Nicolas de Lille… Nous terminerons ces journées par une célébration œcuménique avec le vice-président de la conférence des évêques de France et son homologue orthodoxe.
J’ose dire qu’au-delà des paroles, cette dimension de communion, ce moment de prière en commun sera un moment historique pour l’Eglise en France. Je crois qu’il n’y a pas d’engagement sans spirituel, et de spirituel sans engagement. La prière permet de croiser la dimension horizontale et verticale du christianisme.
(1) Pourquoi le christianisme fait scandale, éloge d’une contre culture, Editions du Seuil, septembre 2010
Propos recueillis par Jean-Baptiste Maillard