A. Bourdin
ROME, samedi 15 septembre 2012 (ZENIT.org) – « Puisse la fraternité des chrétiens devenir par son témoignage, un levain dans la pâte humaine ! » : le pape Benoît XVI achève son message pour l’Eglise au Moyen-Orient sur un appel à l’unité des chrétiens, dans un région où les seuls catholiques représentent une mosaïque d’au moins une demi-douzaine de rites et de cultures différentes. Il en appelle à l’évangélisation « interne » des Eglises pendant l’Année de la foi. Il insiste aussi sur l’unité de la famille humaine, et par conséquent au dialogue avec les autres communautés religieuses, en vue de la paix.
« Puisse la fraternité des chrétiens devenir par son témoignage, un levain dans la pâte humaine ! Puissent les chrétiens du Moyen- Orient, catholiques et autres, donner dans l’unité avec courage ce témoignage peu facile, mais exaltant à cause du Christ, pour recevoir la couronne de vie ! L’ensemble de la communauté chrétienne les encourage et les soutient. Puisse l’épreuve que vivent certains de nos frères et sœurs fortifier la fidélité et la foi de tous ! » : c’est le point d’orgue du texte de Benoît XVI, avant un hommage à la Vierge Marie.
Le texte intégral de l’exhortation apostolique de Benoît XVI sur « l’Eglise au Moyen-Orient » (« Ecclesia in Medio Oriente ») est en ligne sur le site du Vatican.
Le pape y demande, au nom de Dieu, aux responsables politiques et religieux non seulement de « soulager les souffrances de tous ceux qui vivent au Moyen-Orient », mais aussi d’en « éliminer les causes », en faisant tout le possible pour « arriver à la paix ».
L’unité au sein de l’Église catholique
Le pape indique ce qu’il appelle les « quatre piliers » de l’unité des chrétiens : « L’unité des croyants se nourrit donc de l’enseignement des Apôtres (l’annonce de la Parole de Dieu) auquel ils répondent par une foi unanime, de la communion fraternelle (le service de la charité), de la fraction du pain (l’Eucharistie et l’ensemble des sacrements), et de la prière personnelle et communautaire. C’est sur ces quatre piliers que la communion et le témoignage se fondent au sein de la première communauté des croyants » (n. 5).
Le pape se réfère à l’unité de la première Eglise : « Puisse l’Église, présente de manière ininterrompue au Moyen-Orient depuis les temps apostoliques jusqu’à nos jours, trouver dans l’exemple de cet- te communauté, les ressources nécessaires pour maintenir vifs en elle la mémoire et le dynamisme apostolique des origines ! » (ibid.).
Et plus encore, le pape encourage l’unité des … catholiques – que les participants du synode ont vécue de façon particulière – en saluant la richesse des traditions orientales : « Les participants de l’Assemblée synodale ont expérimenté l’unité au sein de l’Église catholique, dans la grande diversité des contextes géographiques, religieux, culturels et sociopolitiques. La foi commune se vit et se déploie admirablement bien dans la diversité de ses expressions théologique, spirituelle, liturgique et canonique ».
Plus loin, le pape écrit encore : « A l’intérieur même de l’Église catholique, il faut consolider la communion qui donne un témoignage de l’amour du Christ » (n. 12).
La foi, centre et fruit de l’oecuménisme
Plus encore, le pape identifie ce qui est le cœur de l’unité : la foi. En effet, Benoît XVI insiste sur cette unité en disant : « L’unité est un don de Dieu qui naît de l’Esprit et qu’il faut faire croître avec une patiente persévérance. Nous savons qu’il est tentant, lorsque des divisions nous opposent, de ne faire appel qu’au seul critère humain oubliant les sages conseils de saint Paul. Il exhorte : « Appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix» (Ep 4, 3). La foi est le centre et le fruit du véritable œcuménisme. C’est elle qu’il faut commencer par approfondir ».
Le pape indique ces autres catalyseurs de l’unité que sont la prière, la conversion, la sainteté, qui constituent « l’œcuménisme spirituel » : « L’unité surgit de la prière persévérante et de la conversion qui fait vivre chacun selon la vérité et dans la charité. Le Concile Vatican II a encouragé cet ‘œcuménisme spirituel’ qui est l’âme du véritable œcuménisme ».
La situation concrète du Moyen-Orient exige cela des chrétiens, insiste le pape : « La situation du Moyen-Orient est elle-même un appel pressant à la sainteté de vie. Les martyrologes attestent que des saints et des martyrs de toute appartenance ecclésiale, ont été – et certains le sont aujourd’hui – des témoins vivants de cette unité sans frontière dans le Christ glorieux, avant-goût de notre ‘être réunis’ comme peuple finalement réconcilié en Lui ».
C’est la foi au Christ qui agit : « Jésus unit ceux qui croient en Lui et qui l’aiment en leur donnant l’Esprit de son Père ainsi que Marie, sa mère. Ce double don, de niveau différent, peut aider puissamment et il mérite une attention plus grande de la part de tous », ajoute le pape (n. 16).
Communion n’est pas confusion
Avant même d’encourager le travail des théologiens dans ce domaine, le pape rappelle aux catholiques les directives de l’Eglise pour favoriser la communion : « Les fidèles catholiques peuvent pro- mouvoir l’œcuménisme spirituel dans les paroisses, les monastères et les couvents, dans les instituts scolaires et universitaires, et dans les séminaires ».
Leurs pasteurs auront soin de les guider et accompagner sur ce chemin, dans toutes les dimensions de leur vie, sans « confusion » : « Les pasteurs, écrit Benoît XVI, auront soin d’habituer les fidèles à être des témoins de la communion dans tous les domaines de leur vie ».
Mais le pape balise la route pour assurer son « authenticité » et éviter toute « confusion » : « Cette communion n’est certes pas une confusion. Le témoignage authentique demande la reconnaissance et le respect de l’autre, une disposition au dialogue en vérité, la patience comme une dimension de l’amour, la simplicité et l’humilité de celui qui se reconnaît pécheur devant Dieu et le prochain, la capacité de pardon, de réconciliation et de purification de la mémoire, à un niveau personnel et communautaire ».
Cette communion dans la charité est déjà une réalité, se réjouit le pape : il s’agit d’un « œcuménisme diaconal dans le domaine caritatif et éducatif entre les chrétiens des différentes Églises, et ceux des Communautés ecclésiales ».
Communicatio in sacris
Le pape ouvre aussi à la communion au niveau sacramentel, selon les normes établies : « Pour une pastorale œcuménique renouvelée, en vue d’un témoignage commun, il est utile de bien comprendre l’ouverture conciliaire vers une certaine communicatio in sacris pour les sacrements de la pénitence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, qui n’est pas seulement possible, mais qui peut être recommandable dans certaines circonstances favorables, selon des normes précises et avec l’approbation des autorités ecclésiastiques ».
L’œcuménisme est particulièrement important dans les familles « mixtes » lorsque les époux chrétiens appartiennent à l’Eglise catholique ou orthodoxe, ce qui doit, recommande le pape stimuler la sollicitude des pasteurs: « Les mariages entre fidèles catholiques et orthodoxes sont nombreux et ils demandent une particulière
attention œcuménique. J’encourage les Évêques et les Éparques à appliquer, dans la mesure du possible, et là où ils existent, les accords pastoraux pour promouvoir peu à peu une pastorale œcuménique d’ensemble ».
La prière du Notre-Père
Benoît XVI va au devant des objections en ajoutant : « L’unité œcuménique n’est pas l’uniformisation des traditions et des célébrations ».
Mais il rappelle le projet de traduction commune de la prière du Notre-Père : « Avec l’aide de Dieu, je suis certain que, pour commencer, des accords pourront être trouvés pour une traduction commune de la Prière du Seigneur, le Notre Père, dans les langues vernaculaires de la région, là où cela est nécessaire ».
Car, pour lui, la prière commune est une clef de l’unité véritable: « En priant ensemble avec les mêmes paroles, les chrétiens reconnaîtront leur enracinement commun dans l’unique foi apostolique, sur laquelle se fonde la recherche de la pleine communion ».
Il recommande aussi le retour à la connaissance des « Pères » : « L’approfondissement commun de l’étude des Pères orientaux et latins comme celui des traditions spirituelles respectives, pourrait y aider puissamment dans l’application correcte des normes canoniques qui régulent cette matière ».
La nécessaire évangélisation « interne »
Dans ce sens, le pape suggère aux catholiques « une lecture ensemble de la Bible ainsi que sa diffusion », et il encourage les « collaborations particulièrement fécondes dans le domaine des activités caritatives et de la promotion des valeurs de la vie humaine, de la justice et de la paix », de façon à « contribuer à une meilleure connaissance réciproque et à la création d’un climat d’estime, qui sont les conditions indispensables pour promouvoir la fraternité »
Pour ce qui est de l’Année de la foi , le pape encourage sa mise en œuvre dynamique : « L’Année de la Foi qui se situe dans le contexte de la nouvelle évangélisation, sera, si elle est vécue avec une intense conviction, un excellent stimulant pour promouvoir une évangélisation interne des Églises de la région, et pour consolider le témoignage chrétien » (n. 88).
« Faire connaître le Fils de Dieu mort et ressuscité, seul et unique Sauveur de tous, est un devoir constitutif de l’Église et une responsabilité impérative pour tout baptisé. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (ibid.).
Incontournable dialogue avec les autres religions
Enfin, avec les autres religions, le pape affirme la nécessité du « dialogue », qui est une exigence de la « nature » même de l’Eglise : « La nature et la vocation universelle de l’Église exigent qu’elle soit en dialogue avec les membres des autres religions ».
Un dialogue qui n’est pas ingénuité, mais exigence de l’unité de la « famille humaine » et de la paix: « Juifs, chrétiens et musulmans, croient en Dieu Un, créateur de tous les hommes. Puissent les juifs, les chrétiens et les musulmans redécouvrir l’un des désirs divins, celui de l’unité et de l’harmonie de la famille humaine. Puissent les juifs, les chrétiens et les musulmans découvrir dans l’autre croyant un frère à respecter et à aimer pour donner en premier lieu sur leurs terres le beau témoignage de la sérénité et de la convivialité entre fils d’Abraham ».
Une nouvelle fois, Benoît XVI met en garde contre l’instrumentalisation de la religion – dans l’avion de Rome à Beyrouth il parlait même, le 14 septembre, de « falsification » de la religion – : « Au lieu d’être instrumentalisée dans des conflits répétés et injustifiables pour un croyant authentique, la reconnaissance d’un Dieu unique peut – si elle est vécue avec un cœur pur – contribuer puissamment à la paix de la région et à la cohabitation respectueuse de ses habitants ».
« Nombreux et profonds sont les liens entre les chrétiens et les juifs. Ils s’ancrent dans un précieux patrimoine spirituel commun », écrit Benoît XVI qui précise ensuite ces liens (nn. 20-22).
La liberté religieuse, condition de « la » liberté
Au-delà des blessures du passé, que le pape condamne, il invite à assumer une « responsabilité » dans ce monde : « Inexcusables et hautement condamnables sont les persécutions insidieuses ou violentes du passé! Et pourtant, malgré ces tristes situations, les apports réciproques au cours des siècles ont été si féconds qu’ils ont contribué à la naissance et à l’épanouissement d’une civilisation et d’une culture appelées communément judéo-chrétiennes. Comme si ces deux mondes se disant différents ou contraires pour diverses raisons, avaient décidé de s’unir pour offrir à l’humanité un noble alliage. Ce lien qui unit tout en les séparant juifs et chrétiens, doit les ouvrir à une responsabilité nouvelle les uns pour les autres, les uns avec les autres ».
Pour ce qui est des relations avec l’islam, le pape rappelle que « l’Église catholique, fidèle à l’enseignement du Concile Vatican II, regarde les musulmans avec estime, eux qui rendent un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne, qui vénèrent Jésus comme prophète sans reconnaître toute- fois sa divinité, et qui honorent Marie, sa mère virginale » (n. 23)
Le pape réclame en même temps le respect de la liberté religieuse : « La liberté religieuse est le sommet de toutes les libertés. Elle est un droit sacré et inaliénable ».
Nous avons publié hier, 14 septembre, la synthèse officielle de « Ecclesia in Medi Oriente » publiée par le Vatican (cf. Zenit du 14 septembre 2012). Le pape a signé ce document en la cathédrale grecque-melkite de Harissa, dédiée à saint Paul, hier après-midi.
Nous avons également publié l’intervention du secrétaire général du synode, Mgr Nikola Eterovic, qui a recueilli tout le matériel du synode d’octobre 2010: cette documentation, fruit de trois semaines de travail, a servi de base à la réflexion de Benoît XVI.