Syrie: inconscience ou insouciance de la Communauté internationale

L’expérience de Me Farah

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Maître Joseph Farah, président de la Région Moyen-Orient – Nord Afrique de Caritas participé à la réunion, suscitée par le pape François à Rome, au siège du Conseil pontifical Cor Unum, pour encore mieux coordonner les efforts des organisations caritatives catholiques engagées sur le terain au secours des populations. Avec une aggravation de la situation: les personnes qui avaient pu partir avec quelques économies arrivent maintenant au bout de leurs ressources. D’où la question: « inconscience ou insouciance de la Communauté internationale »? L’horreur de ce qui se passe en Syrie et dans les camps de réfugiés ne s’est pa vue ni au Kosovo ni au Liban, estime Me Farah.

Zenit – Me Joseph Farah, vous êtes président de la Région Moyen-Orient – Nord Afrique de Caritas. Vous participez à la rencontre des organisations catholiques engagées au service de la population syrienne, dans le pays ou auprès des réfugiés, avec cette question: « Une crise sans fin? »…

Me Joseph Farah – C’est vraiment une crise sans fin. C’est d’abord une crise communautaire entre Chiites et Sunnites. Et cela a des sources historiques. Mais ce conflit devient sanglant du fait qu’une partie de la population libanaise, le Hezbollah, combat en Syrie pour protéger des sites religieux chiites, pour des raisons qui sont plus politique: l’Iran et la Syrie sont d’accord avec le Hezbollah. Mais ce qui nous concerne, nous, à Caritas, c’est le travail humanitaire, avec une dégradation de la situation en Syrie et à plus forte raison pour ceux qui ont émigré, se sont déplacés vers le Liban, la Jordanie et la Turquie. Et ce sont des populations qui ne sont pas organisées. Les instances humanitaires, Caritas et autres organismes catholiques ou pas, essayent d’organiser une aide intelligente, mais ce n’est pas facile parce que leur nombre est croissant. Ce qui est dangereux dans ce conflit Sunnites-Chiites c’est qu’on ne voit pas la fin du tunnel: il pourrait s’aggraver pendant des années. A l’intérieur, on a, au Liban, une situation politique assez fragile. On essaye de rassembler nos forces pour venir en aide aux populations, mais ce n’est pas facile, surtout au niveau sanitaire et de l’éducation des enfants. La situation économique n’étant pas vraiment très bonne au Liban à cause de la situation régionale, on voit beaucoup de Libanais sans travail et qui vont vers l’émigration, et cela diminue l’effectif libanais en général et spécialement l’effectif chrétien. Et quand le nombre des chrétiens diminue, le symbole du Liban – fait de compréhension, de dialogue – diminue en même temps. Et cela aggrave l’aspect du litige au Moyen Orient.

Le pape François interpelle la Communauté internationale et demande une solution négociée et la possibilité de faire arriver l’aide humanitaire …

C’est tout à fait la synthèse que l’on doit tirer de ce qui se passe maintenant: il faut arrêter la guerre! Il faut que les grandes puissances atténuent cette aide qui permet la permanence de cette guerre. Les séquelles humanitaires et sociales sont inimaginables: il n’y a pas eu cela au Liban, il n’y a pas eu cela au Kosovo. C’est vraiment une inconscience ou insouciance de la Communauté internationale. On ne peut pas se contenter de regarder cette situation effrayante.

Depuis le début du conflit, les organisations catholiques ont aidé les populations à hauteur de 25 millions d’euro, mais il y a des endroits où c’est difficile, comme le souligne le pape, de faire arriver l’aide?

Les gens se dévouent pour atteindre tout le monde, mais on atteint peut-être que 20 % des personnes dans la misère. Entre le Liban, la Jordanie et la Turquie, Caritas touche environ 300 000 des trois millions de réfugiés. Nous sommes toujours en train d’augmenter nos interventions en fonction de l’aide que nous recevons, en fonction des effectifs humains que nous pouvons déployer. Les volontaires sont dévoués. Ils travaillent bien. 

Le pape souhaite que les aides soient coordonnées pour être plus efficaces?

La réunion d’aujourd’hui à Cor Unum avait pour but qu’il y ait une interactivité, de compréhension et d’action. Il y a déjà eu trois ou quatre réunions dans ce sens. On est sur le chemin de cette coordination entre les organisations catholiques.

Le Saint-Père a aussi lancé des appels pour les deux métropolites orthodoxes à Alep: que faire en faveur des otages?

Il y a tous les jours des otages. Quand nous nous déplaçons à l’intérieur du pays nous appréhendons d’aller dans certaines régions car l’enlèvement des personnes devient un marché. On enlève des personnes parce que l’on veut des rançons, et en l’absence d’une autorité publique puissante, cela devient une chose commune et cela perturbe toute la situation. Les deux évêques ne sont pas seuls: il y a des dizaines de personnes dont on ne parle pas. Il y a beaucoup de gens séquestrés.

Saint Paul a rencontré le Christ à Damas, la Syrie a donné à l’Eglise des papes, des moines, un grand patrimoine spirituel, et encore aujourd’hui les chrétiens sont importants pour la société…

L’être humain a tendance à oublier. Il faut sans cesse rappeler que c’est la « terre des saints », depuis le passage du Christ. Nous voyons avec beaucoup d’appréhension la diminution du peuple chrétien et c’est une chose qui ne nuit pas seulement aux chrétiens, cela nuit aux musulmans aussi. D’ailleurs les gens, la majorité des musulmans modérés, sont conscients de cette situation: ils recherchent vraiment la conciliation, la compréhension, la communication. Au Liban, au niveau populaire, cela existe à 90 %: ils se comprennent. Mais, ailleurs, ce n’est pas tout à fait cela. 

Que pouvons-nous faire?

Vous connaissez la vocation du chrétien d’être solidaire! Nous croyons en une communion universelle et cette communion universelle n’est pas de la poésie, c’est une obligation pour chaque chrétien, c’est le signe de sa foi. Le pape a dit dans l’entrevue avec Caritas: « L’Eglise, sans Caritas, n’est pas l’Eglise.  » Donc c’est un bon rappel pour les gens j’espère qu’ils réagiront en conséquence pour manifester et vivre leur foi. 

Caritas France (Secours catholique, avec mention pour la Syrie): 

http://donenligne.secours-catholique.org/abov/abovision2.php?PG=FAIRE1DON&P1=SCC&P2=ALL_URGE&typabo=1

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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