Nous célébrons Pierre et Paul, deux Apôtres amoureux du Seigneur, deux colonnes de la foi de l’Église. Alors que nous contemplons leur vie, l’Évangile nous interpelle aujourd’hui avec la question que Jésus pose aux siens : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15). C’est la question fondamentale, la plus importante : qui est Jésus pour moi ? Qui est Jésus dans ma vie ? Regardons comment les deux Apôtres y ont répondu.
La réponse de Pierre pourrait se résumer en un mot : la suite. Pierre a vécu à la suite du Seigneur. Ce jour-là, à Césarée de Philippe, Jésus interrogea ses disciples. Pierre répondit avec une belle profession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16) ; une réponse impeccable, précise, ponctuelle, on pourrait dire une réponse parfaite de “catéchisme”. Mais cette réponse est le fruit d’un cheminement : ce n’est qu’après avoir vécu l’aventure fascinante consistant à suivre le Seigneur, après avoir marché avec Lui et derrière Lui pendant longtemps, que Pierre parvient à cette maturité spirituelle qui l’amène, par grâce, à une profession de foi si limpide.
L’évangéliste Matthieu nous raconte en effet que tout avait commencé sur les rives de la mer de Galilée, lorsque Jésus était passé et l’avait appelé, avec son frère André ; et « aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent » (Mt 4, 20). Pierre a tout laissé pour se mettre à la suite du Seigneur. Et l’Évangile souligne “aussitôt”. Pierre n’a pas dit à Jésus qu’il devait y réfléchir, il n’a pas fait de calculs pour voir si cela lui convenait, il n’a pas cherché d’alibi pour reporter la décision ; il a laissé ses filets et l’a suivi, sans demander aucune sécurité à l’avance. Il devait tout découvrir au jour le jour, à la suite, en suivant Jésus et en marchant derrière Lui. Et ce n’est pas par hasard que les dernières paroles, rapportées dans les Évangiles, que Jésus lui adresse sont : « Toi, suis-moi » (Jn 21, 22).
Pierre nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, il ne suffit pas de répondre par une formule doctrinale irréprochable, pas même avec une idée que nous nous sommes faits une fois pour toutes. Non. C’est en nous mettant à la suite du Seigneur que nous apprenons chaque jour à Le connaître. C’est en devenant ses disciples et en accueillant sa Parole que nous devenons ses amis et que nous faisons l’expérience de son amour qui nous transforme. Pour nous aussi, retentit cet “aussitôt”. Si nous pouvons reporter beaucoup de choses dans la vie, suivre Jésus ne peut être reporté ; pour cela on ne peut hésiter, on ne peut trouver d’excuses. Faisons attention car certaines excuses sont revêtues de spiritualité, comme lorsque nous disons “Je ne suis pas digne”, “Je ne suis pas capable”, “moi, qu’est-ce que je peux faire ?”. C’est là une ruse du diable qui nous vole la confiance en la grâce de Dieu, en nous faisant croire que tout dépendrait de nos capacités.
Nous détacher de nos sécurités terrestres, immédiatement, et suivre Jésus chaque jour : voilà la consigne que Pierre nous donne aujourd’hui en nous invitant à être une Église-à-la-suite ; une Église qui veut être disciple du Seigneur et humble servante de l’Évangile. De cette manière seulement elle sera capable de dialoguer avec tous, et devenir un lieu d’accompagnement, de proximité et d’espérance pour les femmes et les hommes de notre temps. Seulement de cette manière, même la personne la plus éloignée qui nous regarde souvent avec méfiance ou indifférence pourra enfin reconnaître avec le Pape Benoît : « L’Église est le lieu de rencontre avec le Fils du Dieu vivant et, ainsi, elle est le lieu de rencontre entre nous » (Homélie du 2ème Dimanche de l’Avent, 10 décembre 2006).
Et venons-en à l’Apôtre des nations. Si la réponse de Pierre consiste dans la suite, celle de Paul se trouve dans l’annonce, l’annonce de l’Évangile. Pour lui aussi, tout a commencé par grâce, à l’initiative du Seigneur. Sur le chemin de Damas, alors qu’il persécutait avec fierté les chrétiens, barricadé dans ses convictions religieuses, Jésus ressuscité vient à sa rencontre et l’aveugle de sa lumière. Mieux, grâce à cette lumière, Saul réalise à quel point il est aveugle. Enfermé dans l’orgueil de sa rigide observance, il découvre en Jésus l’accomplissement du mystère du salut. Il considère désormais toutes ses sécurités humaines et religieuses comme des “ordures” par rapport à la sublimité de la connaissance du Christ (cf. Ph 3, 7-8). Paul consacre ainsi sa vie à parcourir la terre et la mer, les villes et les villages, sans se soucier des difficultés et des persécutions, pour annoncer Jésus-Christ. En regardant son histoire, il semble presque que, plus il annonce l’Évangile, plus il connaît Jésus. L’annonce de la Parole aux autres lui permet de pénétrer les profondeurs du mystère de Dieu, à lui Paul qui a écrit « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16) ; à lui qui confesse : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21).
Par conséquent, Paul nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, on ne répond pas par une religiosité intimiste qui nous laisserait tranquilles, sans nous laisser ébranler par le souci d’apporter l’Évangile aux autres. L’Apôtre nous enseigne que nous grandissons dans la foi et dans la connaissance du mystère du Christ d’autant plus que nous sommes ses annonciateurs et témoins. Cela arrive toujours : quand nous évangélisons, nous sommes évangélisés. La Parole que nous apportons aux autres nous revient parce que, dans la mesure où nous donnons, nous recevons beaucoup plus (cf. Lc 6, 38). Cela est également nécessaire à l’Église aujourd’hui : mettre l’annonce au centre. Être une Église qui ne se lasse pas de se répéter : “Pour moi, vivre c’est le Christ” et “Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile”. Une Église qui a besoin d’annoncer comme d’oxygène pour respirer ; qui ne peut pas vivre sans transmettre l’étreinte de l’amour de Dieu et la joie de l’Évangile.
Frères et sœurs, célébrons Pierre et Paul. Ils ont répondu à la question fondamentale de la vie – qui est Jésus pour moi ? – en suivant le Christ et en annonçant l’Évangile. Il est beau de grandir comme une Église à la suite, comme une Église humble qui ne tient jamais pour acquise la recherche du Seigneur. Il est beau de devenir une Église extravertie, qui ne trouve pas sa joie dans les choses du monde mais dans l’annonce de l’Évangile au monde, pour semer dans le cœur des personnes la question de Dieu. Porter partout, avec humilité et joie, le Seigneur Jésus : dans notre ville de Rome, dans nos familles, dans les relations et les quartiers, dans la société civile, dans l’Église, dans la politique, dans le monde entier, spécialement là où se trouvent la pauvreté, la dégradation, la marginalisation.
Et, aujourd’hui, alors que certains de nos frères Archevêques reçoivent le Pallium, signe de la communion avec l’Église de Rome, je voudrais leur dire : soyez des apôtres comme Pierre et Paul. Soyez des disciples à la suite et des apôtres de l’annonce, apportez la beauté de l’Évangile partout, à tout le Peuple de Dieu. Et enfin, je désire adresser mon salut affectueux à la Délégation du Patriarcat Œcuménique, envoyée par le très cher Frère Sa Sainteté Bartholomée. Merci pour votre présence : avançons ensemble, à la suite et dans l’annonce de la Parole, en grandissant dans la fraternité. Que Pierre et Paul nous accompagnent et intercèdent pour nous.
Traduit de l’italien par le Vatican