Commission théologique internationale © Vatican Media

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Exercer la théologie « pour le progrès de la Tradition apostolique »

Aux membres de la Commission théologique internationale

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Le pape François invite les théologiens à assumer « avec foi et amour » et à décliner « avec rigueur et ouverture » leur engagement à exercer le ministère de la théologie « pour le progrès de la Tradition apostolique, sous l’assistance de l’Esprit-Saint, comme l’enseigne la Constitution Dei Verbum ».

Le pape François a reçu en audience les membres de la Commission théologique internationale, ce jeudi matin 24 novembre 2022, dans le Palais apostolique du Vatican. Rappelant d’emblée que le Concile Vatican II représente « la boussole sûre pour le cheminement de l’Eglise », le pape a indiqué aux théologiens trois lignes directrices pour leurs travaux : la « fidélité créative à la Tradition », l’ouverture à l’apport des différentes disciplines et la collégialité.

Soulignant que l’Eglise se trouve aujourd’hui à une « nouvelle étape » de l’annonce de l’Evangile, « au service de la fraternité universelle dans le Christ », le pontife a demandé aux théologiens d’aider à « faire grandir la Tradition » à partir des racines, « de bas en haut ». Il a mis en garde contre la tentation de « faire marche arrière » ou de rester « arrêtés dans le temps », dans une dimension « horizontale ». Il faut, a-t-il dit, « avancer avec la Tradition », afin de faire grandir « verticalement » la conscience morale et la conscience de la foi.

François a également exhorté les théologiens à s’ouvrir « avec prudence » aux autres disciplines, selon le « principe d’interdisciplinarité », « dans sa forme “forte“ de transdisciplinarité ». La vocation du théologien, a-t-il souligné, « est toujours de se risquer à aller au-delà » parce qu’il « cherche à mieux expliciter la théologie ». « C’est le magistère qui l’arrêtera », a déclaré le pape.

La mission de la Commission théologique internationale est « d’aider le Saint-Siège, et principalement la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans l’examen des questions doctrinales d’importance majeure », indique le profil en ligne de la Commission, instituée par le pape Paul VI en 1969.

« La Commission est composée de théologiens de diverses écoles et nations, éminents par leur science et leur fidélité au magistère de l’Église », indique la même source qui ajoute : « Les membres – limités à 30 – sont nommés par le Saint-Père « ad quinquennium », sur proposition du cardinal Préfet de la Congrégation et après consultation des Conférences épiscopales. »

 

Discours du pape François

Chers frères et sœurs, bonjour !

Je remercie le cardinal Ladaria pour ses aimables paroles et je vous exprime à tous ma gratitude pour la générosité, la compétence et la passion avec lesquelles vous avez assuré votre service en ce dixième mandat quinquennal de la Commission théologique internationale.

Grâce aux outils dont nous disposons aujourd’hui, vous avez pu commencer vos travaux à distance, surmontant les difficultés encore dues à la pandémie. Et je me réjouis également de l’accueil que vous avez réservé aux propositions des trois thèmes à approfondir : le premier est l’actualité incontournable et toujours féconde de la foi christologique professée par le Concile de Nicée, à l’occasion du 1700è anniversaire de sa proclamation (325-2025) ; le deuxième est l’examen de certaines questions anthropologiques aujourd’hui émergentes et d’une importance cruciale pour le cheminement de la famille humaine, à la lumière du plan divin du salut ; et le troisième est l’approfondissement – aujourd’hui toujours plus urgent et déterminant – de la théologie de la création dans une perspective trinitaire, à l’écoute du cri des pauvres et de la terre.

En abordant ces thèmes, la Commission théologique internationale poursuit son service avec un engagement renouvelé. Vous êtes appelés à l’accomplir dans le sillage laissé par le Concile Vatican II qui, soixante ans après son lancement, constitue la boussole sûre pour le cheminement de l’Eglise, « sacrement, dans le Christ, de l’union à Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Constitution dogmatique Lumen gentium, 1).

Je voudrais vous indiquer trois lignes directrices pour cette marche en ce moment historique, un moment ardu et pourtant, pour un regard de foi, porteur de la promesse et de l’espérance qui jaillissent de la Pâque du Seigneur crucifié et ressuscité.

La première ligne directrice est celle de la fidélité créative à la Tradition. Il s’agit d’assumer avec foi et amour et de décliner avec rigueur et ouverture l’engagement à exercer le ministère de la théologie – à l’écoute de la Parole de Dieu, du sensus fidei du peuple de Dieu, du Magistère et des charismes, et dans le discernement des signes des temps – pour le progrès de la Tradition apostolique, sous l’assistance de l’Esprit-Saint, comme l’enseigne la Constitution Dei Verbum (cf. n. 8). Benoît XVI décrit en effet la Tradition comme « le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes » (Catéchèse, 26 avril 2006) ; de sorte qu’elle « irrigue diverses terres, alimente différentes géographies, en faisant germer le meilleur de cette terre, le meilleur de cette culture. De cette manière, l’Évangile continue à s’incarner dans tous les lieux du monde, de manière toujours nouvelle » (Constitution apostolique Veritatis gaudium, 4d).

La tradition, l’origine de la foi, qui grandit ou qui s’éteint. Parce que quelqu’un a affirmé – je crois que c’était un musicien – que la tradition est la garantie de l’avenir et non une pièce de musée. C’est ce qui fait grandir l’Eglise de bas en haut, comme l’arbre : les racines. En revanche, on a aussi dit que le traditionalisme était la « foi morte des vivants », lorsque tu t’enfermes. La tradition, je tiens à le souligner, nous fait avancer dans cette direction, de bas en haut, verticalement. Aujourd’hui, il y a un grand danger qui consiste à aller dans une autre direction, le « marche-arriérisme ». Faire marche arrière. « On a toujours fait comme cela » : c’est mieux de faire marche arrière, c’est plus sûr, au lieu d’avancer avec la tradition. Cette dimension horizontale, nous l’avons vu, a poussé certains mouvements, des mouvements ecclésiaux, à rester arrêtés dans le temps, dans une marche arrière. Ce sont les « marche-arriéristes ». Je pense, en me référant à l’histoire, à certains mouvements nés à la fin de Vatican I, cherchant à être fidèles à la tradition et qui, aujourd’hui, se développent au point d’ordonner des femmes, et d’autres choses, en dehors de cette direction verticale, dans laquelle la conscience morale grandit, la conscience de la foi grandit, avec cette belle règle de Vincent de Lérins : « ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate ». C’est cela, la règle de la croissance. Le « marche-arriérisme », au contraire, te fait dire qu’ « on a toujours fait comme cela, c’est mieux d’avancer ainsi », et ne te permet pas de grandir. Sur ce point, vous, les théologiens, réfléchissez un peu à comment aider.

La deuxième ligne directrice concerne l’opportunité, afin de réaliser de manière pertinente et incisive l’œuvre d’approfondissement et d’inculturation de l’Evangile, de s’ouvrir avec prudence à l’apport des différentes disciplines grâce à la consultation d’experts, y compris des non-catholiques, comme il est prévu dans les Statuts de la Commission (cf. n. 10). Il s’agit – c’est ce que j’ai souhaité dans la Constitution apostolique Veritatis gaudium – de tirer profit du « principe d’interdisciplinarité » : « non pas tant dans sa forme “faible“ de simple multidisciplinarité, comme approche qui favorise une meilleure compréhension de plusieurs points de vue d’un objet d’étude, que plutôt dans sa forme “forte“ de transdisciplinarité, c’est-à-dire comme disposition et fermentation de tous les savoirs dans l’espace de Lumière et de Vie, offert par la Sagesse qui émane de la Révélation de Dieu » (n. 4c).

La troisième ligne directrice, enfin, est celle de la collégialité. Elle acquiert une importance particulière et peut apporter une contribution spécifique dans le contexte du parcours synodal, auquel est convoqué tout le peuple de Dieu. C’est ce que souligne le document élaboré à ce sujet, dans le précédent quinquennat, sur la synodalité dans la vie et la mission de l’Eglise : « comme c’est le cas pour toutes les vocations chrétiennes, le ministère du théologien est lui aussi personnel et en même temps communautaire et collégial. La synodalité ecclésiale engage donc les théologiens à faire de la théologie de manière synodale, en promouvant entre eux la capacité d’écouter, de dialoguer, de discerner et d’intégrer la multiplicité et la diversité des instances et des contributions » (n. 75).

Les théologiens doivent aller au-delà, chercher à aller au-delà. Mais je veux distinguer cela du catéchiste : le catéchiste doit donner la doctrine juste, la doctrine solide ; pas les éventuelles nouveautés, dont certaines sont bonnes, mais ce qui est solide ; le catéchiste transmet la doctrine solide. Le théologien se risque à aller au-delà, et ce sera le magistère qui l’arrêtera. Mais la vocation du théologien est toujours de se risquer à aller au-delà, parce qu’il cherche, et qu’il cherche à mieux expliciter la théologie. Mais ne jamais donner aux enfants ou aux adultes une catéchèse avec des doctrines nouvelles qui ne sont pas sûres. Cette distinction n’est pas de moi, mais de saint Ignace de Loyola qui, je crois, comprenait les choses mieux que moi !

Je vous souhaite donc, dans cet esprit d’écoute mutuelle, de dialogue et de discernement communautaire, dans l’ouverture à la voix de l’Esprit-Saint, un travail serein et fructueux. Les thèmes confiés à votre attention et à votre expertise revêtent une grande importance dans cette nouvelle étape de l’annonce de l’Evangile, que le Seigneur nous appelle à vivre en tant qu’Eglise au service de la fraternité universelle dans le Christ. En effet, ces questions nous invitent à assumer pleinement le regard du disciple qui, avec un étonnement toujours nouveau, reconnaît que le Christ, « dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (Constitution pastorale Gaudium et spes, 22) ; et ainsi il nous enseigne que « la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour » (ibid., 38). Et j’ai employé le mot « étonnement ». Je crois qu’il est important, peut-être pas tant pour les chercheurs, mais certainement pour les professeurs de théologie : se demander si les leçons de théologie provoquent un étonnement parmi ceux qui les suivent. C’est un beau critère, ceci, cela peut aider.

Chers frères et sœurs, je vous remercie pour votre précieux service, vraiment précieux. De tout cœur, je bénis chacun de vous et vos collaborateurs. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.

Je crois que ce serait peut-être important d’augmenter le nombre des femmes, non pas parce qu’elles sont à la mode, mais parce qu’elles ont une pensée différente des hommes et qu’elles font de la théologie quelque chose de plus profond, et également de plus « savoureux ». Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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