Mgr Francesco Follo, 24 mars 2021, capture @ UNESCO

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L’amour et son parcours

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Méditation de Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, sur les lectures de la messe du dimanche 10 juillet.

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XVe Dimanche du Temps ordinaire – Année C –  10 juillet 2022

Dt 30,10-14; Ps 18; Col 1,15-20; Lc 10,25-37).

1) En marche par amour.
Dans le passage de l’évangile d’aujourd’hui un docteur de la Loi demande à Jésus: « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Lc 10,25). Le Messie répond à l’homme en le renvoyant à ce que dit la Sainte Ecriture, qu’il connaît si bien. Alors l’érudit de la Loi, puisant dedans, répond avec exactitude: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. » (Lc 10,27: cf. Dt 6,5 et Lv 19,18).
Le malaise de cet homme est si grand après avoir posé une question dont il connaissait bien la réponse – au point de mettre ensemble deux versets de deux livres de l’Ancien testament (le Deutéronome et le Lévite) – qu’il demande: « Et qui est mon prochain ? ». Jésus lui répond en lui racontant la parabole du Samaritain, où je pense qu’il lui enseigne avant tout que le prochain est Dieu, proche de nous et miséricordieux. N’oublions pas que Jésus a commencé sa mission on disant précisément que le «  royaume des cieux est proche ».
Par conséquent, si le rédempteur est le bon Samaritain, chacun de nous est cet homme à moitié mort jeté sur le bord d’une route.
Donc, le premier enseignement à tirer de l’Evangile du jour c’est que le Christ en prenant soin de nous avec compassion, nous soigne avec amour. L’amour guérit. Nous comprenons que la vie est amour et que pour avoir la vie il faut aimer.
Le second enseignement nous dit comment il est possible d’aimer: en imitant le Christ bon Samaritain, comme Lui –et avec Lui- en étant proches de nos frères et sœurs en humanité, en les regardant avec une compassion qui devient secours, aide, remède.
La parabole du bon Samaritain révèle donc le vrai visage de l’amour, une révélation qui passe par la miséricorde et la compassion.

2) Le Samaritain.
Rappelons-nous de ce que nous lisons dans les évangiles : que Jésus était l’objet d’accusations de la part de ses adversaires. Ils l’accusaient d’être un diable, un gros mangeur et gros buveur, mais aussi un Samaritain, c’est-à-dire un hérétique. Jésus s’est défendu de ces accusations mais pas de celle d’être un Samaritain. Justement parce qu’il cherchait probablement à s’identifier au bon Samaritain dont parle aujourd’hui la parabole. Les Pères de l’Eglise (Saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin et tant d’autres) ont interprété cette parabole comme une description des relations qui unissent Dieu aux hommes, une illustration de Sa proximité avec une humanité blessée et abandonnée pour la conduire vers le salut.
En l’homme qui descend de Jérusalem à Jéricho, détroussé par des bandits, les Pères de l’Eglise reconnaissent la figure d’Adam, autrement dit l’humanité expulsée du Paradis terrestre à cause du péché. Sous les traits des brigands ils voient le tentateur qui cherche à diviser l’homme de Dieu, en lui arrachant ses habits, autrement dit en le dépouillant de ses liens d’amitié avec Dieu et en l’abandonnant à moitié mort sur le bord de la vie, symbolisé par la route. Et puis il y a le prêtre et le lévite, qui représentent à leurs yeux l’insuffisance de l’ancienne loi pour notre salut.
Ce salut est porté à son accomplissement par « le Samaritain » Jésus Christ, notre sauveur. Partant lui aussi, comme nous, de Jérusalem, Il nous rejoint et soigne nos blessures, notre péché avec l’huile de la grâce et le vin de l’Esprit.
Enfin, pour les pères de l’Eglise, l’auberge représente l’Eglise, et l’aubergiste les pasteurs de l’Eglise, qui prennent soin du blessé. Cette activité pastorale de miséricorde passe aussi par deux pièces d’argent. Toujours selon les Pères de l’Eglise, ces pièces renvoient aux Saintes Ecritures et aux sacrements qui nous aident à marcher vers le salut.

3) Suivre le Christ, Samaritain de l’humanité.
Nous sommes tous appelés à suivre le Christ en parcourant la voie qui mène au salut, et chemin faisant, fait de nous des Samaritains comme lui.
Jésus montre qu’il est possible d’exercer un amour plein de compassion, en devenant les Samaritains des temps modernes. Mais pour l’Imiter dans cet amour partagé, nous devons avant tout nous convertir à Lui, le Seigneur notre Dieu, de tout notre cœur et de toute notre âme. Ainsi ferons-nous l’expérience de la proximité de Dieu qui soigne et guérit avec amour et tendresse.
Posons-nous la question: « Qui est mon prochain », se traduisant littéralement par : «  Et qui est proche de moi ? » que l’on peut, selon moi, paraphraser de la façon suivante : « Et moi qui m’aime ? Pour que je puisse aimer, si on m’aime ». Jésus répond en s’indiquant lui-même comme celui qui nous aime et prend soin de nous. Bref, le Sauveur se décrit en racontant la parabole du bon Samaritain, et conclut par un « va  et fais la même chose ».
Laissons donc le Christ venir à notre rencontre, et avec Lui soyons les «  prochains » de ceux que la vie a marginalisés, a grièvement blessés. En cela, le Pape François, qui se préoccupe pour les réfugiés, nous offre une belle leçon. L’amour du Christ, et nous avec lui, le pousse à « être proche ». Dieu est amour. L’amour est le sceau divin de Dieu en l’homme. En aimant nous réalisons ce que nous sommes. Mais, hélas, l’amour peut être mal compris, et source de tant de malentendus. Pour éviter ces malentendus et bien vivre cet amour, il faut nous mettre à l’école de saint Ignace de Loyola. Ce grand saint décomposait le mot «  amour » en trois termes: louange, révérence, service
– La louange naît de l’expérience libératrice opérée par Dieu comme il est décrit par exemple dans le Psaume 86: « Je te rends grâce de tout mon coeur, Seigneur mon Dieu, toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand, ton amour pour moi : tu m’as tiré de l’abîme des morts » (v. 12-13). La louange naît dans notre cœur ouvert, qui nous permet de voir – malgré tous les problèmes – la beauté de la création et la bonté que Dieu y met. Louer veut dire exprimer la joie que l’autre soit « un autre », autrement dit différent de nous ; aimer l’autre ce n’est pas vouloir le posséder, mais être plein de joie de sa présence à nos côtés. Donc nous lui rendons gloire, heureux qu’il soit ce qu’il est, et non qu’il soit à nous. Et tout ce qui lui arrive de bon, nous enchante bien plus que si cela nous arrivait à nous.
– La révérence, ici, renvoie au respect et à la dévotion. C’est l’amour vécu purement et humblement, dans la conscience que l’autre vaut plus que nous. Si nous aimons vraiment, elle ou lui est notre vie. Pas un outil qui nous appartient. La révérence nous fait aller près de l’autre comme lorsque nous allons recevoir le Corps du Christ Eucharistie.
– Le service c’est l’amour vécu dans la concrétude, en étant «  proches » de quiconque a besoin d’aide. Le Samaritain prend en effet sur lui la condition d’un inconnu, que les brigands ont laissé à moitié mort sur le bord de la route; alors qu’un prêtre et un lévite étaient passés par là pensant qu’au contact du sang, sur la base d’un précepte, ils auraient été contaminés. La parabole doit donc nous inciter à changer de mentalité selon la logique du Christ, qui est la logique de la charité: Dieu est amour, et lui rendre un culte signifie servir nos frères avec un amour sincère et généreux.
Cette logique de la charité, ce regard et cette attention envers les autres, n’est possible que si nous sommes pleins du Christ, car notre instinct nous pousse d’abord, à «  posséder » l’autre, à s’imposer.
C’est pourquoi la virginité, qui n’est rien d’autre que le sommet de la charité, est si importante (Raison pour laquelle M. Teresa de Calcutta fit mettre trois bandes bleues sur le voile de ses sœurs. Ces trois bandes symbolisent les trois vœux: pauvreté, obéissance et chasteté. Cette dernière est symbolisée par une bande plus large représentative de l’amour total rendu à Dieu, qui comprend l’amour du prochain), et a comme effet la joie, parce qu’elle nous permet d’ « affirmer » l’autre, de le voir inséré dans une optique éternelle, de le regarder comme Dieu le regarde.

4) Les Vierges consacrées et le Samaritain.
Pour regarder et aimer son prochain en Dieu, donc selon son destin, il y a un sacrifice à faire: sacrifier la réaction immédiate, de plaisir ou de déplaisir, de sympathie ou d’antipathie.
Toutefois, le sacrifice serait incompréhensible et, selon moi impossible, sans le Christ comme point de référence. En définitive, le sacrifice chrétien c’est accepter une Présence qui vient avant nous et qui est infiniment grande. Vivre le sacrifice implique que l’on affirme l’autre avant de penser à nous affirmer nous-mêmes, au prix même de notre vie.
Nous sommes tous appelés à participer au sacrifice que Jésus a fait pour sauver le monde. Concrètement, et tout particulièrement ceux qui sont appelés à vivre la virginité, ont pour tâche de témoigner à l’Eglise et au monde entier que Jésus Christ est l’unique chose pour laquelle il vaut la peine de vivre. La raison pour laquelle il est juste de donner toute sa vie. Bref, la vocation à la virginité c’est être appelés à être un exemple idéal pour toute la communauté. A rappeler à tout le peuple de Dieu que le Christ est ce pourquoi il vaut la peine de se marier, de travailler, de vivre, mourir, manger, veiller et dormir.
Les vierges consacrées, en donnant à Jésus tout leur amour et Lui consacrant leur propre corps et tous les sentiments de leur cœur, vivent une chasteté parfaite. La virginité est une force puissante d’amour pour être des saintes dans l’amour de Dieu et servir l’humanité. Elle permet à ces femmes d’être fécondes en sainteté, contemplation et œuvres de miséricorde (cf. Vita consecrata, n. 88).
Traduction d’Océane Le Gall

Lecture Patristique: Origène (+ 253)
Homélies sur l’évangile de Luc, 34, 3 7-9 (GCS 9, 201 202 204-205)
D’après un ancien qui voulait interpréter la parabole du bon Samaritain, l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les forces hostiles, le prêtre la Loi, le lévite les prophètes, le Samaritain le Christ.
Par ailleurs, les blessures symbolisent la désobéissance, la monture le corps du Seigneur, et le « pandochium », c’est-à-dire l’auberge accueillant tous ceux qui veulent y entrer, est l’image de l’Église. En outre, les deux deniers représentent le Père et le Fils, l’aubergiste le chef de l’Église qui a charge de l’administrer. Et la promesse de revenir, faite par le Samaritain, figure, selon cet interprète, le second avènement du Seigneur.
Le Samaritain avait de l’huile dont l’Écriture dit: Que l’huile fasse briller le visage (Ps 103,15), le visage de celui dont il avait pris soin, assurément. Pour calmer l’inflammation des plaies, il les nettoya avec de l’huile et aussi avec du vin mêlé de quelque substance amère. Puis il chargea le blessé sur sa monture, c’est-à-dire sur son propre corps, puisqu’il a daigné assumer la condition de l’homme.
Ce Samaritain porte nos péchés (Mt 8,17) et souffre pour nous. Il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c’est-à-dire dans l’Église. Celle-ci est ouverte à tous, elle ne refuse son secours à personne et tous y sont invités par Jésus: Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos (Mt 11,28).
Après y avoir conduit le blessé, le Samaritain ne part pas aussitôt, mais demeure toute la journée dans l’hôtellerie auprès du moribond. Il soigne ses blessures non seulement le jour, mais encore la nuit, l’entourant de toute sa sollicitude empressée.
Voulant partir le matin, il prélève sur son argent deux pièces d’argent (Lc 10,35) et en gratifie l’aubergiste, qui est certainement l’ange de l’Eglise. Puis il commande de soigner avec diligence et de ramener à la santé celui à qui il a lui-même prodigué aussi ses soins pendant un temps trop court.
Les deux deniers représentent, à mon avis, la connaissance du Père et du Fils et la connaissance du mystère que voici: le Père est dans le Fils et le Fils est dans le Père. C’est là le salaire donné à l’ange pour qu’il soigne avec un plus grand empressement l’homme qui lui a été confié. L’aubergiste reçoit en outre la promesse que tout ce qu’il dépensera de son bien pour la guérison du blessé lui sera aussitôt remboursé.
Vraiment ce gardien des âmes s’est montré plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes en faisant preuve de bonté (Lc 10,37) envers celui qui était tombé dans les mains des bandits et il s’est montré son prochain (Lc 10,36) moins en paroles qu’en actes.
Il nous est donc possible, en suivant cette parole: Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ (1Co 11,1), d’imiter le Christ et d’avoir pitié de ceux qui sont tombés dans les mains des bandits, de nous approcher d’eux, de verser de l’huile et du vin sur leurs plaies et de les ban der, de les charger sur notre propre monture et de porter leurs fardeaux. Aussi, pour nous y exhorter, le Fils de Dieu a-t-il dit en s’adressant à nous tous, plus encore qu’au docteur de la Loi: Va, et toi aussi, fais de même (Lc 10,37). Et si nous le faisons, nous obtiendrons la vie éternelle dans le Christ Jésus, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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