Mme Anna Maria Tarantola, Centesimus Annus Pro Pontifice © Vatican Media

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Devenir « frères de tous », ce n’est pas une « utopie irréalisable », c’est « le rêve de Dieu » (traduction complète)

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Message à la Fondation Centesimus annus

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Devenir « frères de tous », ce n’est pas une « utopie irréalisable », c’est « le rêve de Dieu », explique le pape François.

Le pape François a reçu en audience au Vatican, ce samedi 23 octobre 2021 les participants de la Convention internationale de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice, qui s’est tenue au Vatican du 21 au 22 octobre 2021, sur le thème: « Solidarité, coopération et responsabilité : les antidotes pour lutter contre les injustices, les inégalités et les exclusions ».

Le pape a spécialement salué la présidente, Mme Anna Maria Tarantola.

« Nous pouvons être tous frères, et donc nous pouvons et devons penser et travailler comme frères de tous, a expliqué le pape. Cela peut sembler une utopie irréalisable. Au lieu de cela, nous préférons croire que c’est un rêve possible, car c’est le rêve même  du Dieu un et trine. Avec son aide, c’est un rêve qui peut commencer à se réaliser aussi dans ce monde. »

Voici notre traduction rapide, de travail, de l’allocution du pape François, prononcée en italien.

AB

Discours du pape François 

Chers frères et sœurs, bonjour!

Je suis heureux de vous rencontrer dans le cadre de votre congrès international. Merci, Madame la Présidente, pour vos paroles aimables – et claires, comme vous le faites toujours, claires -. En ces jours, vous avez traité de thèmes grands et essentiels : la solidarité, la coopération et la responsabilité comme antidotes à l’injustice, à l’inégalité et à l’exclusion.

Ce sont des réflexions importantes, à une époque où les incertitudes et la précarité qui marquent l’existence de tant de personnes et de communautés sont aggravées par un système économique qui continue d’écarter des vies au nom du dieu argent, en inculquant des attitudes rapaces envers les ressources de la Terre et en alimentant de nombreuses formes d’iniquité. Face à cela, nous ne pouvons pas rester indifférents. Mais la réponse aux injustices et à l’exploitation n’est pas seulement la dénonciation ; c’est avant tout la promotion active du bien : dénoncer le mal mais promouvoir le bien.

Et pour cela je vous exprime ma reconnaissance : pour les activités que vous menez, notamment dans le domaine de l’éducation et de la formation, en particulier dans l’engagement à financer des études et des recherches pour les jeunes sur de nouveaux modèles de développement économique et social inspirés de la doctrine sociale de Église. C’est important, nous en avons besoin : sur le terrain pollué par la domination de la finance nous avons besoin de nombreuses petites graines qui fasse germer une économie équitable et bénéfique, à taille humaine et digne de l’homme. Nous avons besoin de possibilités qui devienne réalité, de réalités qui donnent l’espérance. Cela signifie mettre en pratique la doctrine sociale de l’Église.

Je reprends le mot « domination de la finance ». Il y a quatre ans, une grande femme économiste est venue me voir qui avait aussi un emploi dans un gouvernement. Et elle m’a dit qu’elle avait essayé de faire dialoguer l’économie, l’humanisme et la foi, la religion, et que ça s’est bien passé, c’est un dialogue qui s’est bien passé et qui continue de bien se passer, dans un groupe de réflexion. J’ai cherché la même chose – m’a-t-elle dit – avec la finance, l’humanisme et la religion, et nous n’avons pas même pu partir. Intéressant. Cela me fait réfléchir. Cette femme m’a fait sentir que la finance était quelque chose d’inhabitable, quelque chose de « liquide », de « gazeux » qui se termine comme la chaîne de saint Antoine… Je vous raconte cette expérience, peut-être peut-elle vous servir.

Les trois mots que vous avez choisis – solidarité, coopération et responsabilité – représentent trois pivots de la doctrine sociale de l’Église, qui considère la personne humaine, naturellement ouverte aux relations, comme le sommet de la création et le centre de l’action sociale, économique et politique. Avec ce regard attentif à l’être humain et sensible au concret des dynamiques historiques, la doctrine sociale contribue à une vision du monde opposée à l’individualiste, dans la mesure où elle se fonde sur l’interconnexion entre les personnes et a pour but le bien commun. Et en même temps elle s’oppose à la vision collectiviste, qui resurgit aujourd’hui dans une nouvelle version, cachée dans les projets d’homologation technocratique.

Mais il ne s’agit pas d’une « affaire politique » : la doctrine sociale est ancrée dans la Parole de Dieu, pour orienter les processus de promotion humaine à partir de la foi en Dieu fait homme. C’est pourquoi on doit la suivre, l’aimer et la développer : redevenons passionnés par la doctrine sociale, faisons-la connaître car c’est un trésor de la tradition ecclésiale ! C’est précisément en l’étudiant que vous aussi vous êtes sentis appelés à vous engager contre les inégalités, qui blessent particulièrement les plus fragiles, et à œuvrer pour une fraternité réelle et effective.

Solidarité, coopération, responsabilité : trois mots que vous posez ces jours-ci comme pivots de vos réflexions et qui rappellent le mystère même de Dieu, qui est la Trinité. Dieu est communion de personnes et nous oriente à nous réaliser grâce à une ouverture généreuse aux autres (solidarité), par la collaboration avec les autres (coopération), par l’engagement envers les autres (responsabilité). Et de le faire dans toutes les expressions de la vie sociale, à travers les relations, le travail, l’engagement civique, le rapport à la création, la politique : dans tous les domaines nous sommes, aujourd’hui plus que jamais, obligés de témoigner de l’attention aux autres, de sortir de nous-mêmes, de nous engager gratuitement dans le développement d’une société plus juste et plus équitable, où l’égoïsme et les intérêts partisans ne prévalent pas. Et en même temps nous sommes appelés à veiller au respect de la personne humaine, à sa liberté, à la protection de sa dignité inviolable. Voici la mission de mettre en œuvre la doctrine sociale de l’Église.

Chers amis, en promouvant ces valeurs et ce style de vie – nous le savons – on va souvent à contre-courant, mais – souvenons-nous en toujours – nous ne sommes pas seuls. Dieu s’est fait proche de nous. Non pas en paroles, mais par sa présence : en Jésus, Dieu s’est incarné. Et avec Jésus, qui est devenu notre frère, nous reconnaissons en tout homme un frère, en chaque femme une sœur. Animés par cette communion universelle, en tant que communauté croyante, nous pouvons collaborer sans crainte avec chacun pour le bien de tous : sans fermetures, sans visions d’exclusion, sans préjugés.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à un amour sans frontières et sans limites, signe et témoignage que l’on peut dépasser les murs de l’égoïsme et des intérêts personnels et nationaux ; au-delà du pouvoir de l’argent qui décide souvent des causes des peuples ; au-delà des barrières des idéologies, qui divisent et amplifient la haine ; au-delà de toute barrière historique et culturelle et, surtout, au-delà de l’indifférence, cette culture de l’indifférence qui, malheureusement, est quotidienne. Nous pouvons être tous frères, et donc nous pouvons et devons penser et travailler comme frères de tous. Cela peut sembler une utopie irréalisable. Au lieu de cela, nous préférons croire que c’est un rêve possible, car c’est le rêve même  du Dieu un et trine. Avec son aide, c’est un rêve qui peut commencer à se réaliser aussi dans ce monde.

C’est donc une grande tâche que de construire un monde plus solidaire, plus juste et plus équitable. Pour un croyant, ce n’est pas quelque chose de pratique détaché de la doctrine, mais c’est donner corps à la foi, à la louange de Dieu, amoureux de l’homme, amoureux de la vie. Oui, chers frères et sœurs, le bien que vous faites à chaque homme sur terre réjouit le cœur de Dieu au ciel. Continuez votre chemin avec courage. Je vous accompagne de ma prière et je vous bénis vous et votre engagement. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

© Traduction de Zenit, Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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