Religieuses de Jésus-Marie © Vatican Media

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Religieuses de Jésus-Marie : le pape met en garde contre la spiritualité du "oui mais"

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Dieu ne cherche pas à gagner, il veut que nous gagnions

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« Dieu est toujours perdant, il perd toujours… il n’est pas intéressé par gagner, il veut que nous gagnions », a affirmé le pape François devant la congrégation de Jésus-Marie, ce 5 octobre 2019 : « C’est sa miséricorde… par sa bonté il change la réalité en l’aimant. »
En recevant au Vatican les participantes au chapitre général, le pape les a encouragées à « regarder notre monde avec sympathie, sans peur, sans préjugés, avec courage, comme Dieu le regarde, en faisant nôtres les souffrances, les joies, les espérances de nos frères ».
Il a invité en particulier à « s’ouvrir à la rencontre avec les jeunes » : « ne leur faites pas peur, n’ayez pas peur d’eux, a-t-il recommandé : à travers votre témoignage de vie ils pourront voir en vous quelque chose de différent que le monde ne peut pas offrir : la joie de suivre le Christ. »
Et le pape d’avertir : « Je n’aime pas, je le confesse, quand je vois des religieux et des religieuses tristes… avec un visage de veillée funèbre, un visage de funérailles… La joie, s’il vous plaît, ce regard de paix, avec le sourire, qui vient de l’intérieur. Et fuyez la spiritualité du “oui, mais”… Le “mais”, est un chemin vers la tristesse, toujours. »
Fondées à Lyon par la sainte française Claudine Thévenet (1774-1837), les religieuses de Jésus-Marie sont aujourd’hui plus de 1800, réparties dans 180 maisons sur les cinq continents.
Discours du pape François
Chères sœurs,
Je vous salue avec joie à l’occasion de la célébration de votre 37e Chapitre général, et, avec vous, je désire étendre ce salut aux sœurs qui travaillent à travers le monde et à tous les membres de la Famille de Jésus-Marie. Je désire faire mémoire aussi des plus petits, les enfants de vos écoles et collèges. Le thème que vous avez choisi pour ce Chapitre est : « En chemin, avec espérance, comme une famille apostolique », en prenant comme icône biblique la Visitation de Marie (cf. Lc 1, 39-56).
Ce fut sainte Claudine Thévenet qui commença cette oeuvre apostolique sur les petits, sur la pauvreté. Durant ces 200 ans, l’oeuvre s’est répandue avec fécondité dans le monde entier, au point d’être présente aujourd’hui dans 28 pays, 4 continents. Cette histoire nous parle d’un chemin sans halte. Toujours en chemin, comme Marie à la Visitation, attentive aux besoins. En marchant en hâte mais sans inquiétude. Toujours en chemin, avec joie et espérance, pour pouvoir communiquer à tous la bonté et l’amour de Dieu. En ce sens, j’aimerais vous suggérer trois sentiers pour continuer à marcher ; et je les prends dans la prière qui vous sert pour la congrégation du Chapitre général.
Le premier sentier est d’être témoins de la bonté miséricordieuse de Dieu. Le nom de Dieu est miséricorde. Cela a été l’expérience fondatrice de sainte Claudine, connaître la bonté de Dieu miséricordieux qui pardonne. Depuis ce jour où elle assista à l’exécution de ses frères et qu’ils lui confièrent le message : « Claudine, pardonne comme nous pardonnons », votre Fondatrice sut regarder la réalité à partir de Dieu qui est bon et qui aime les personnes d’un amour inconditionnel. Une fois, quand j’ai parlé de cela, une personne qui avait écouté le message de miséricorde est venue et m’a dit : « Dieu est toujours perdant, il perd toujours ». Oui, il semble que oui, il n’est pas intéressé par gagner, il veut que nous gagnions. C’est sa miséricorde. Dieu nous regarde et nous expérimentons sa miséricorde ; par sa bonté il change la réalité en l’aimant. Il serait bon pour vous en ce moment du Chapitre de réexaminer et de faire mémoire de votre vie, votre vocation, votre mission à la lumière de ce regard, pour continuer à être touchées par Dieu, présent dans les misères de notre temps. C’est seulement à travers ce regard que toutes choses deviennent nouvelles ; c’est seulement en nous laissant regarder par le Seigneur, comme la Vierge Marie (cf. Lc 1, 48), que nous pourrons regarder la réalité avec les yeux de Dieu et être ses témoins, puisque le regard de Dieu change, nous change, éduque, éduque notre regard.
Nous devons regarder notre monde avec sympathie, sans peur, sans préjugés, avec courage, comme Dieu le regarde, en faisant nôtres les souffrances, les joies, les espérances de nos frères ; à partir de là, annoncer par la vie et la parole, et faire « connaître et aimer Jésus et Marie », par la créativité de diaconies et d’œuvres d’apostolat. « Que Dieu est bon !» furent les dernières paroles de Claudine. Ces paroles sont aussi les vôtres sur vos sentiers, tous les jours.
Le deuxième sentier sur lequel marcher est la vie de fraternité et de solidarité. Vous êtes un corps apostolique qui vit en communauté fraternelle. De cette façon vous vous encouragez mutuellement dans la suite de Jésus et vous suscitez de nouvelles vocations. Il faut renforcer la communauté avec des relations toujours plus évangéliques, de façon à devenir des fraternités toujours plus apostoliques, des sœurs en mission, capables de “contaminer” d’autres jeunes afin qu’ils puissent suivre cette forme de consécration. A cette fin il faut s’ouvrir à la rencontre avec les jeunes, ne leur faites pas peur, n’ayez pas peur d’eux : à travers votre témoignage de vie ils pourront voir en vous quelque chose de différent que le monde ne peut pas offrir : la joie de suivre le Christ. Mais la joie comme une des notes de sa vie, non ? Je n’aime pas, je le confesse, quand je vois des religieux et des religieuses tristes, tristes, avec un visage de veillée funèbre, un visage de funérailles. J’ai envie de dire: dis-moi, qu’as-tu mangé ce matin au petit-déjeuner, du café au lait ou de l’huile ? Ou du vinaigre ? La joie, s’il vous plaît, ce regard de paix, avec le sourire, qui vient de l’intérieur. Et fuyez la spiritualité du “oui, mais”. Le “oui mais”. Le “mais”, est un chemin vers la tristesse, toujours.
La vie fraternelle en communauté est prophétie pour le monde. Votre Fondatrice vous disait « que la charité soit comme la lumière de vos yeux » (Positio, p. 231), parce que ce grand désir ouvre en vous des relations fraternelles, de communion qui peuvent être signe de l’Evangile. Ce chemin s’ouvre à la solidarité avec le reste de nos frères, en partageant ce que vous êtes. En collaboration avec la Famille de Jésus-Marie et ses collaborateurs dans la mission, vous continuez à construire des réseaux de communion et de solidarité. Il s’agit, comme vous l’avez dit dans la prière pour le chapitre, d’«aimer et de servir inconditionnellement ».
Le dernier sentier que j’aimerais signaler est de discerner et d’avoir le courage d’aller au-delà. Toujours au-delà. Il y a un très beau chant que les jeunes ont l’habitude de chanter : «Más allá de las fronteras», au-delà des frontières. Vous le connaissez ? Et les jeunes chantent cela, non ? Toujours plus loin. L’Eglise est missionnaire, parce que Dieu est le premier missionnaire. Dieu s’ouvre en sortie, il entre dans le monde et assume l’humain. Vous participez à cette mission par votre vie et votre apostolat, puisque le témoignage est primordial dans l’évangélisation (cf. Paul VI, Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi, n. 69). Mais, puisque l’amour se démontre dans les œuvres, ne vous lassez pas de faire connaître la bonté de Dieu à travers les œuvres apostoliques que vous réalisez. Rappelons que tout a commencé quand sainte Claudine a accueilli deux orphelines abandonnées sous le porche de la paroisse de Saint Nizier, mais les nouveaux cadres vous demandent aussi, de façon créative, de nouvelles formes d’évangélisation et de mission, et de faire connaître Jésus et Marie. N’ayez pas peur, si vous vivez en communauté, si vous avez le soutien de la fraternité, et que vous savez discerner, il n’y a rien à craindre. Parce qu’il y a une belle chose en nous : quand nous nous trompons, nous avons la possibilité de revenir en arrière. Quand nous marchons en communauté, avec le Seigneur et avec un bon discernement.
Il faut sortir “en franchissant la porte” (Ac 16, 13), comme l’a fait aussi votre Fondatrice, non pas pour en faire mémoire de façon émouvante, mais plutôt pour retrouver le charisme des statuts naissants. C’est-à-dire le charisme à peine né. Il faut du discernement pour savoir aller au-delà et nous demander si nos apostolats et nos œuvres, nos présences, nos ministères, répondent encore ou moins à ce que l’Esprit Saint a demandé à sainte Claudine et à la Congrégation au cours de ces 200 années d’histoire. Je vous encourage à discerner, à évaluer et à choisir pour pouvoir répondre toujours mieux à ce que Dieu veut de vous aujourd’hui. Notre temps nous demande de découvrir de nouveaux moyens d’évangélisation et de mission, mais toujours comme corps apostolique ; parce que les engagements et les fatigues solitaires n’ont pas d’avenir. Il peut arriver que quelqu’un de vous ait une vocation spéciale pour ouvrir une brèche dans un certain chemin. Et elle est seule à l’avoir. Qu’elle y aille, physiquement seule, mais avec toute la communauté derrière. Ne laissez personne seul.
Sœurs estimées, je vous remercie pour tout le bien que vous faites dans l’Eglise et dans le monde, et aussi pour cette rencontre fraternelle. Que la Vierge Mère vous accompagne sur ce chemin afin que vous puissiez continuer à rencontrer nos frères et nos sœurs, comme le faisait sainte Claudine. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.
Traduction de Zenit, Anne Kurian

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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