Forum international “Migrations et Paix” © L'Osservatore Romano

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«Je vous invite à les regarder»: message du pape François pour la paix 2018

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Plus de 250 millions de migrants dans le monde, 22 millions et demi de réfugiés

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« Je vous invite à les regarder », demande le pape François dans son message pour la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2018, sur le thème : « Les migrants et les réfugiés: des hommes et des femmes en quête de paix ».
Dans le texte publié le 24 novembre 2017, le pape plaide la cause des « plus de 250 millions de migrants dans le monde, dont 22 millions et demi sont des réfugiés », ce qui, regroupés, représenterait la population d’un pays immense.
Pour le pape, la paix du monde est en jeu, et il encourage la contribution de l’Eglise aux « deux pactes mondiaux » que l’ONU prépare pour 2018 : « l’un, pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et l’autre concernant les réfugiés ».
Dans son message le pape dit 7 fois « je » : il s’engage en première personne lorsqu’il écrit : « Je vous invite à les regarder avec un regard rempli de confiance, comme une occasion de construire un avenir de paix ».
Les paroles peuvent être difficile à entendre et encore plus à mettre en pratique : « regarder », « avec un regard rempli de confiance ». Mais l’enjeu est de taille : « une occasion de construire un avenir de paix ».
C’est peut-être le passage le plus original du message que cette invitation à la « contemplation », indispensable fondement du discernement en vue de l’action.
Sur les pas de Benoît XVI, Jean XXIII et Jean-Paul II
Le pape François commence par ses « vœux de paix » (première partie) et il met ses pas dans ceux de Benoît XVI : « Comme l’a affirmé mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI, [ils] «sont des hommes et des femmes, des enfants, des jeunes et des personnes âgées qui cherchent un endroit où vivre en paix ».»
Puis il pose la question « pourquoi tant de réfugiés et de migrants » (deuxième partie). Cette fois il met ses pas dans ceux de saint Jean-Paul II: « En vue du Grand Jubilé pour les 2000 ans depuis l’annonce de paix des anges à Bethléem, saint Jean-Paul II interpréta le nombre croissant des réfugiés comme une des conséquences d’« une interminable et horrible succession de guerres, de conflits, de génocides, de “ purifications ethniques ”, qui avaient marqué le XXème siècle. » Comme dans Laudato si’, le pape mentionne aussi, parmi les tragédies à l’origine des déplacements de populations, l’émigration due à la crise environnementale.
Il a des paroles sévères pour qui attise la peur du migrant : « Ceux qui fomentent la peur des migrants, parfois à des fins politiques, au lieu de construire la paix sèment la violence, la discrimination raciale et la xénophobie, sources de grande préoccupation pour tous ceux qui ont à cœur la protection de chaque être humain. »
Il a des paroles d’invitation à la « prudence » à l’adresse des gouvernants, en citant saint Jean XXIII : « En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, ‘dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer’. »
« Je vous invite à les regarder »
Prenant le contre-pied de qui « considèrent comme une menace » les populations en mouvement, le pape scande sa position : « Moi, au contraire, je vous invite à les regarder avec un regard rempli de confiance, comme une occasion de construire un avenir de paix. » On notera à nouveau que le pape s’engage en première personne, avec un « moi, je… » qui rappelle les formules bibliques.
Et c’est la troisième partie, surprenante du message : « avec un regard contemplatif ».
Le pape adopte une perspective biblique justement, en citant à nouveau Benoît XVI : « La sagesse de la foi nourrit ce regard, capable de prendre conscience que nous appartenons tous ‘à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Église. C’est ici que trouvent leur fondement la solidarité et le partage’. »
Mais ce qui est encore plus original, ce regard, le pape n’invite pas seulement à le poser sur les populations déplacées, mais aussi sur la ville de chacun : « Il nous faut également porter ce regard contemplatif sur la ville où nous vivons ». Un « regard de foi » pour y découvrir la présence de Dieu qui pousse à promouvoir ce qui conduit « à la paix ».
Un regard qui « observe » les migrants, pour « savoir découvrir », écrit le pape, « qu’ils n’arrivent pas les mains vides ».
Un regard qui embrasse aussi ceux qui se dévouent et démontrent que ce qu’il dira plus loin (accueillir, protéger, promouvoir et intégrer), est possible et bon: « Ce regard saura aussi découvrir la créativité, la ténacité et l’esprit de sacrifice d’innombrables personnes, familles et communautés qui, dans tous les coins du monde, ouvrent leur porte et leur cœur à des migrants et à des réfugiés, même là où les ressources sont loin d’être abondantes. »
Un tel regard est source de « discernement », certainement un mot clef chez le pape François : « Ce regard contemplatif saura guider le discernement des responsables du bien public. »
Et le pape revient à la question de la paix, qu’un tel regard peut susciter dans les villes où affluent les migrants : « Ceux qui sont animés par ce regard seront capables de reconnaître les germes de paix qui pointent déjà et ils prendront soin de leur croissance. Ils transformeront ainsi en chantiers de paix nos villes souvent divisées et polarisées par des conflits qui ont précisément trait à la présence de migrants et de réfugiés. »
Quatre pierres angulaires
Ce n’est qu’après avoir invité à ce regard « contemplatif » de la réalité vécue et par les populations en mouvement et par les lieux d’accueil que le pape François aborde la question de l’action. Le regard, l’observation, ensemble, de toutes les réalités et sous les différents angles (migrants, villes, personnes engagées, gouvernants) permet le discernement qui permet une action efficace et ciblée: « Quatre pierres angulaires pour l’action », c’est la quatrième partie.
« Offrir à des demandeurs d’asile, à des réfugiés, à des migrants et à des victimes de la traite d’êtres humains une possibilité de trouver cette paix qu’ils recherchent, exige une stratégie qui conjugue quatre actions: accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ». Ces quatre « pierres angulaires » le pape les avait déjà détaillées dans son Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié – qui sera célébrée quinze jours plus tard, le 14 janvier 2018 – présenté en août dernier.
Deux fois le pape intervient en première personne. Tout d’abord pour dire sa préoccupation pour ceux en danger de tomber dans l’esclavage : « Je pense, en particulier, aux femmes et aux enfants qui se trouvent dans des situations où ils sont plus exposés aux risques et aux abus qui vont jusqu’à faire d’eux des esclaves. Dieu ne fait pas de discriminatio: ‘Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin’. »
Ensuite, il exhorte à prendre en charge l’éducation des enfants et des jeunes: « Je désire souligner l’importance d’assurer aux enfants et aux jeunes l’accès à tous les niveaux d’instruction. »
La cinquième partie commence aussi par l’expression de la volonté du pape en vue des résolutions de l’ONU. Il écrit « je souhaite » et même « de tout cœur » : « Je souhaite  de tout cœur que cet esprit anime le processus qui, tout au long de l’année 2018, conduira à la définition et l’approbation par les Nations-Unies de deux pactes mondiaux: l’un, pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et l’autre concernant les réfugiés. »
L’utopie des saints
Le pape conclut toujours dans le sillage de Jean-Paul II dans la sixième et dernière partie (« Pour notre maison commune »): « Si le “rêve” d’un monde en paix est partagé par de nombreuses personnes, si l’on valorise la contribution des migrants et des réfugiés, l’humanité peut devenir toujours plus la famille de tous et notre Terre une véritable “maison commune ”. »
Pour le pape, cette paix est donc possible dans le monde et dans les villes, des solutions existent : « Dans l’histoire, beaucoup ont cru en ce ‘rêve’ et ceux qui l’ont vécu témoignent qu’il ne s’agit pas d’une utopie irréalisable. »
Le pape appelle à témoin sainte Françoise-Xavière Cabrini, Italienne, originaire de Lombardie (1850-1917) : c’est cette année « le centenaire de sa naissance au ciel », à Chicago, et le pape a daté son message du jour de la fête liturgique, le 13 novembre dernier, de cette sainte « patronne des migrants », comme il le souligne avant de signer. Cette « Mère des émigrés » a été canonisé par le pape Pie XII en 1946 : c’était la première sainte des Etats-Unis.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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