Le peuple de Dieu au Paraguay, à Asuncion

Le peuple de Dieu au Paraguay, à Asuncion - Capture CTV

« Le Christ ne te vend pas d’illusions »

Print Friendly, PDF & Email

Dans le discours préparé pour les jeunes à Asuncion, le pape actualise la méditation des « deux étendards » de saint Ignace de Loyola. Pour mieux se faire comprendre, le pape emploie la métaphore du « Directeur technique » d’une équipe de joueurs. Discernement des équipes.

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

« Le Christ ne te vend pas d’illusions », déclare le pape à l’attention des centaines de milliers de jeunes de différents pays d’Amérique latine rassemblés à Asuncion (Paraguay).

Ce discours n’a pas été prononcé, le pape ayant préféré un de ces dialogues dont il a le secret avec la foule de centaines de milliers de jeunes rassemblés à Costanera sur la rive du fleuve Paraguay.

Mais il est passionnant. Le pape y propose la méditation des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola sur « les deux étendards » – celui du Christ, ou celui du diable – mais il actualise la comparaison pour la rendre plus accessible aux jeunes et parle d’équipe de joueurs et de « directeur technique ».

Le Christ, donne pour consigne les Béatitudes : « Ce Directeur technique dit à ses joueurs : ‘Bienheureux, heureux les pauvres d’esprit, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, les miséricordieux, les purs de cœur, ceux qui travaillent pour la paix, les persécutés pour la justice’. Et il termine en leur disant : ‘Réjouissez-vous de tout cela’. »

Le pape insiste sur le fait que, contrairement au diable, le Christ « ne te vend pas d’illusions » : « Car il sait que le bonheur, le vrai, celui qui remplit le cœur, n’est pas dans les habits stylés comme les pilchas que nous portons, dans les chaussures que nous nous mettons, dans l’étiquette d’une marque déterminée. Il sait que le vrai bonheur est d’être sensible, d’apprendre à pleurer avec ceux qui pleurent, d’être proche de ceux qui sont tristes, d’épauler, d’embrasser. »

Voici le texte du discours prévu par le pape François pour les jeunes à Asuncion (Paraguay) ce dimanche 12 juillet. Il l’a remis à l’évêque responsable de la pastorale des jeunes.

A.B.

Allocution du pape François

Chers jeunes,

C’est pour moi une grande joie de pouvoir vous rencontrer, dans ce climat de fête. Pouvoir

écouter vos témoignages et partager votre enthousiasme ainsi que l’amour de Jésus.Merci à Mgr Ricardo Valenzuela, responsable de la pastorale juvénile, pour ses paroles. Merci à Manuel et à Liz pour le courage de partager vos vies, vos témoignages au cours de cette rencontre. Il n’est pas facile de parler de choses personnelles et encore moins devant tant de gens. Vous avez partagé le plus grand trésor que vous ayez, vos histoires, vos vies et comment Jésus s’est emparé de vous.

Pour répondre à vos questions j’aimerais mettre en relief certaines choses que vous avez partagées.

Manuel, tu nous disais quelque chose comme ceci : ‘‘aujourd’hui je suis rempli du désir de servir les autres, je veux me surpasser’’. Tu as connu des moments très difficiles, des situations très douloureuses, mais aujourd’hui tu as une grande envie de servir, de sortir, de partager ta vie avec les autres.

Liz, il n’est pas du tout facile d’être mère de ses propres parents et encore moins quand on est jeune, mais quelle sagesse et quelle maturité expriment tes paroles quand tu nous disais : ‘‘aujourd’hui je joue avec elle, je change les langes, ce sont toutes des choses qu’aujourd’hui je confie à Dieu et je suis en train de compenser à peine tout ce que ma mère a fait pour moi’’.

Vous, jeunes paraguayens, il est clair que vous êtes courageux.

Vous avez partagé aussi comment vous avez fait pour vous en sortir, indiquant où vous avez trouvé des forces. Vous deux, vous avez dit : dans la paroisse ; chez les amis de la paroisse et dans les retraites spirituelles qui y étaient organisées. Deux clés très importantes : les amis et les retraites spirituelles.

Les amis – L’amitié compte parmi les plus grands cadeaux qu’une personne, qu’un jeune puisse recevoir et offrir. C’est vrai. Qu’il est difficile de vivre sans amis. Voyez, ceci figure parmi les plus belles choses que Jésus aura dites : « Je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15). L’un des secrets les plus grands du chrétien réside dans le fait d’être ami, d’être des amis de Jésus. Quand on aime quelqu’un, on est à ses côtés, on le soigne, on l’aide, on lui dit ce qu’on pense, oui, mais on ne l’abandonne jamais. Ainsi est Jésus avec nous, il ne nous abandonne jamais. Les amis se supportent, s’accompagnent, se protègent. Ainsi est le Seigneur avec nous. Il nous supporte.

Les retraites spirituelles – Saint Ignace a fait une méditation fameuse appelée des deux drapeaux. Il décrit d’un côté, le drapeau du démon et de l’autre, le drapeau du Christ. Ce serait comme les maillots de deux équipes et il nous demande dans quelle équipe nous aimerions jouer.

A travers cette méditation, il nous fait imaginer, comment ce serait d’appartenir à l’une ou l’autre équipe. Ce serait comme de se demander: avec qui veux-tu jouer dans la vie ?

Et saint Ignace dit que le démon pour recruter des joueurs, promet à ceux qui joueront avec lui richesse, honneurs, gloire, pouvoir. Ils seront célèbres. Ils seront tous exaltés comme des dieux.

De l’autre côté, il nous présente le procédé de Jésus. Rien de fantastique. Jésus ne nous promet pas les étoiles, il ne nous promet pas d’être célèbres, au contraire, il nous dit que jouer avec lui, c’est une invitation à l’humilité, à l’amour, au service des autres. Jésus ne nous ment pas. Il nous prend au sérieux.

Dans la Bible, le démon est appelé le père du mensonge. Celui qui promettait, ou plutôt, te faisait croire qu’en faisant certaines choses tu seras heureux. Et après, tu te rends compte, que tu n’étais pas du tout heureux. Et par la suite tu te rends compte que tu courais après quelque chose qui, loin de te procurer le bonheur, t’a fait te sentir plus vide, plus triste. Chers amis : le diable, c’est un ‘‘vendeur d’illusions’’. Il te promet, te promet, mais il ne te donne rien, il ne va jamais rien accomplir de ce qu’il dit. Il est un mauvais payeur. Il te fait désirer les choses dont il ne dépend pas de lui que tu les obtiennes ou pas. Il te fait mettre ton espérance en quelque chose qui ne te rendra jamais heureux. C’est cela son procédé, c’est cela sa stratégie. Parler beaucoup, offrir beaucoup et ne rien accomplir. C’est le grand « vendeur d’illusions » parce que tout ce qu’il nous propose est fruit de division, de comparaison avec les autres, d’écraser les autres pour obtenir les choses. C’est un ‘‘vendeur d’illusions’’, parce que, pour atteindre tout cela, l’unique chemin est de laisser de côté tes amis, de ne supporter personne. Car tout est fondé sur l’apparence. Il te fait croire que ta valeur dépend de ce que tu as.

A l’opposé, nous avons Jésus, qui nous offre son procédé. Il ne nous vend pas d’illusions, il ne nous promet pas de choses apparemment grandes. Il ne nous dit pas que le bonheur sera dans la richesse, le pouvoir, l’orgueil. Tout le contraire ! Il nous montre que le chemin est autre. Ce Directeur technique dit à ses joueurs : ‘Bienheureux, heureux les pauvres d’esprit, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, les miséricordieux, les purs de cœur, ceux qui travaillent pour la paix, les persécutés pour la justice’. Et il termine en leur disant : ‘Réjouissez-vous de tout cela’.

Pourquoi ? Parce que Jésus ne nous ment pas. Il nous montre un chemin, qui est vie, qui est vérité. C’est lui-même la grande preuve de cela. C’est son style, sa manière de vivre la vie, l’amitié, la relation avec son Père. Et c’est à cela qu’il nous invite. À nous sentir fils. Des fils aimés.

Lui, il ne te vend pas d’illusions. Car il sait que le bonheur, le vrai, celui qui remplit le cœur, n’est pas dans les habits stylés comme les pilchas que nous portons, dans les chaussures que nous nous metto
ns, dans l’étiquette d’une marque déterminée. Il sait que le vrai bonheur est d’être sensible, d’apprendre à pleurer avec ceux qui pleurent, d’être proche de ceux qui sont tristes, d’épauler, d’embrasser. Celui qui ne sait pas pleurer, et par conséquent ne sait pas rire, ne sait pas vivre. Jésus sait que dans ce monde de tant de concurrence, d’envie et de tant d’agressivité, le vrai bonheur passe par le fait d’apprendre à être patient, à respecter les autres, à ne pas condamner et à ne juger personne. Celui qui s’énerve, perd, dit le dicton. Ne livrez pas votre cœur à la colère, à la rancune. Heureux les miséricordieux. Heureux ceux qui savent se mettre à la place de l’autre, heureux ceux qui sont capables d’embrasser, de pardonner. Tous, à un moment ou à un autre, nous en avons fait l’expérience. Tous à un moment donné, nous nous sommes sentis pardonnés : que c’est beau ! C’est comme revenir à la vie, c’est avoir une nouvelle opportunité. Il n’y a rien de plus beau que d’avoir de nouvelles opportunités. C’est comme si la vie recommençait. C’est pourquoi, heureux ceux qui sont porteurs d’une nouvelle vie, de nouvelles opportunités. Heureux ceux qui travaillent pour cela, ceux qui luttent pour cela. Des erreurs, des méprises, nous en commettons tous, des milliers.

Voilà pourquoi, heureux ceux qui sont capables d’aider les autres dans leurs erreurs, dans leurs méprises. Qui sont de vrais amis et n’abandonnent personne. Ceux-là sont les purs de cœur, ceux qui réussissent à voir plus loin que le mensonge et qui surmontent les difficultés. Heureux ceux qui voient spécialement ce qui est bon chez les autres.

Liz, tu as nommé Chikitunga, cette servante de Dieu paraguayenne. Tu as dit qu’elle était comme ta sœur, ton amie, ton modèle. Comme tant d’autres, elle nous montre que le chemin des béatitudes est un chemin de plénitude, un chemin possible, réel. Qui remplit le cœur. Ils sont nos amis et nos modèles, eux qui ont déjà fini de jouer sur ce ‘‘terrain’’, mais qui deviennent ces joueurs indispensables qu’on regarde toujours pour donner le meilleur de soi-même. Ils sont l’illustration du fait que Jésus n’est pas un “vendeur d’illusions », sa proposition donne la plénitude. Mais par-dessus tout, c’est une proposition d’amitié, de vraie amitié, de cette amitié dont nous avons tous besoin. Amis, selon le style de Jésus. Cependant non pour rester entre nous, mais pour aller sur le ‘‘terrain’’ afin de gagner plus d’amis. Pour diffuser l’amitié de Jésus dans le monde, où que vous soyez, au travail, au bureau, à l’occasion de vos sorties, à travers le whatsApp, le facebook ou le twitter. Quand allez à une soirée dansante, ou quand vous prenez une bonne infusion de tereré. Sur la place ou en jouant une petite partie sur le terrain du quartier. C’est ça, être ami de Jésus. Non en vendant des illusions, mais en tenant bon. Tenir bon en sachant que nous sommes heureux, parce que nous avons un Père qui est aux cieux.

[Texte original: Espagnol]

© Librairie éditrice du Vatican

Share this Entry

Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel