« La paix est un concept central dans toutes les religions », déclare Mgr Paul R. Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États de la secrétairerie d’État du Vatican.
L’archevêque est intervenu au cours du congrès « Créer une culture de paix : que peuvent faire les religions ? », qui a eu lieu le 11 mai 2015 au Centre laïc du Foyer Unitas à Rome.
Parmi les participants, vingt-huit étudiants venant du Collège musulman de Cambridge, en Angleterre, et du Centre pour la théologie musulmane de l’Université de Tübingen.
Pour Mgr Gallagher, contrairement aux idées reçues, « les religions ont un immense potentiel pour contribuer à créer une culture de paix ».
Il cite deux Français en exemple : Mgr Théas et Marthe Dortel-Claudot, et la fondation de Pax Christi.
Voici notre traduction du second volet discours publié dans l’édition italienne de L’Osservatore Romano du 29 mai 2015. Le premier volet se trouve ici.
Deuxième volet de l’intervention de Mgr Gallagher
Que peuvent faire les religions ?
Sur la base des statistiques religieuses que j’ai citées, les religions ont un immense potentiel pour contribuer à créer une culture de paix et, en vérité, de telles statistiques suggèreraient que les religions devraient être en première ligne pour la création d’une culture de paix. Les religions ont un rôle important dans la promotion de ces valeurs qui sont essentielles pour créer une culture de paix. Par conséquent, les responsables religieux ont une responsabilité particulière dans la promotion de la tolérance et la réconciliation et dans le rejet de l’usage erroné de la religion comme justification de la violence.
Les deux guerres mondiales du XXème siècle ont laissé des blessures profondes dans l’humanité, mais elles ont pourtant été un stimulant pour créer des institutions inter-gouvernementales pour promouvoir et sauvegarder la paix. Dans sa visite aux Nations Unies en 1965, le pape Paul VI a rendu hommage à la tâche qui leur incombe d’édifier la paix : « L’ONU est la grande école où l’on reçoit cette éducation, et nous sommes ici dans l’Aula Magna de cette école. Quiconque prend place ici devient élève et devient maître dans l’art de construire la paix. Et quand vous sortez de cette salle, le monde regarde vers vous comme vers les architectes, les constructeurs de la paix.
« La paix, vous le savez, ne se construit pas seulement au moyen de la politique et de l’équilibre des forces et des intérêts. Elle se construit avec l’esprit, les idées, les œuvres de la paix. Vous travaillez à cette grande œuvre. Mais vous n’êtes encore qu’au début de vos peines. Le monde arrivera-t-il jamais à changer la mentalité particulariste et belliqueuse qui a tissé jusqu’ici une si grande partie de son histoire? Il est difficile de le prévoir; mais il est facile d’affirmer qu’il faut se mettre résolument en route vers la nouvelle histoire, l’histoire pacifique, celle qui sera vraiment et pleinement humaine, celle-là même que Dieu a promise aux hommes de bonne volonté.
« Les voies en sont tracées devant vous: la première est celle du désarmement. » (Pape Paul VI, discours à l’Assemblée générale des Nations Unies, 4 octobre 1965).
Comme l’avait noté le pape Paul VI, la paix est édifiée non seulement par des moyens politiques mais aussi à travers l’esprit, avec des idées, avec des œuvres de paix. Avec notre esprit et nos idées, et dans cette activité où les religions jouent un rôle particulier, nous sommes appelés à réfléchir, et à la lumière de nos traditions religieuses, à édifier une éthique à l’égard de la guerre et de la paix. À ce propos, une culture de la paix ne devrait pas être réduite au pacifisme. Comme nous l’a rappelé le pape François pendant son voyage de retour de Corée l’année dernière, devant le mal, il est légitime d’arrêter l’agresseur injuste. Mais pour déterminer ce qu’est le juste et l’injuste, la religion a le rôle particulier de fournir le cadre éthique et moral de cette réflexion.
Un autre aspect de l’édification de la paix, a fait remarquer le pape Paul VI, se trouve dans « les œuvres de paix », qui caractérisent les nombreux mouvements religieux pour la paix, fondés tout de suite après la guerre et basés sur le besoin de promouvoir la réconciliation entre nations et peuples comme la voie de la paix.
Un de ces mouvements, dans la tradition catholique et chrétienne, est Pax Christi, fondé en France dans les mois précédant la fin de la Seconde guerre mondiale, par Mgr Pierre-Marie Théas, évêque de Montauban dans le sud de la France, et par une femme laïque, Marthe Dortel-Claudot. La façon dont ils en sont venus à fonder Pax Christi est un témoignage remarquable du rôle positif que la religion peut jouer dans la création d’une culture de paix. Mgr Théas, emprisonné en 1944 pour avoir protesté contre la déportation des juifs français, avait encouragé ses compagnons de cellule à prier pour leurs gardiens de prison. Il n’est pas surprenant que sa prédication de pardon et de réconciliation n’ait pas été facilement accueillie par ses compagnons de prison. Après avoir été relâché, le temps passé dans le camp de prisonniers l’influença profondément et lui fit comprendre intimement combien il était difficile aux gens de pardonner à leurs ennemis.
Alors qu’approchait Noël 1944, Marthe Dortel-Claudot, épouse et mère de famille, et catholique profondément croyante, fut poussée à prier pour les souffrances du peuple allemand. Elle écrit dans son journal : « Jésus est mort pour tous. Personne ne devrait être exclu de la prière d’un autre ». Encouragée par son curé, elle forma un petit groupe de prière pour intercéder pour le peuple allemand et pour la paix entre l’Allemagne et la France. En mars 1945, elle rechercha le soutien de Mgr Théas pour la « Croisade de prière » pour l’Allemagne, qui prendrait plus tard le nom de Pax Christi.
Mgr Théas et Marthe Dortel-Claudot furent inspirés par leurs convictions religieuses selon lesquelles la paix vient à travers le pardon, la réconciliation et la prière pour les ennemis. Les initiatives de prière des groupes de Pax Christi, qui se diffusèrent rapidement à travers la France et l’Allemagne, ont beaucoup contribué à la réconciliation franco-allemande de l’après-guerre.
Il existe de nombreux autres exemples de mouvements et d’individus qui se sont inspirés des valeurs de leur foi religieuse pour promouvoir la paix. Le rôle de Marthe Dortel-Claudot en fondant Pax Christi est un rappel puissant du rôle et de la responsabilité des personnes croyantes dans la création d’une culture de paix dans leur famille, sur leur lieu de travail et dans leurs communautés. L’exemple de Marthe Dortel-Claudot et d’innombrables hommes et femmes de foi est la réponse à la question de savoir où devrait commencer la création d’une culture de paix : elle commence avec chacun de nous et réaffirme que le témoignage personnel et la prière des membres d’une communauté de foi peuvent transformer.
La contribution la plus importante et la plus spécifique que les religions puissent donner dans la création d’une culture de paix est le don de la prière, en particulier celle pour nos ennemis et ceci est le plus grand acte de charité qui transforme la haine en amour et fait naître la réconciliation. Le pape François a souligné que « la prière et le dialogue sont profondément liés et s’enrichissent mutuellement » (Message de Sa Sainteté le pape François aux participants à la Rencontre internationale pour la paix, organisée par la Communauté de Sant’Egidio, Anvers, 7-9 s
eptembre 2014).
Par la puissance de la prière et du dialogue, les diverses traditions religieuses peuvent apporter une contribution spécifique à la paix, en s’associant à l’« autre » dans la prière ; les traditions religieuses encouragent le respect et le dialogue et, par conséquent, elles sont grandement capables d’encourager la culture de la rencontre et de la paix, en cultivant des relations justes et pacifiques entre les personnes et les groupes sociaux, qui sont frères et sœurs d’une unique famille humaine.
La paix est un concept central dans toutes les religions. Nous prions pour la bénédiction de la paix, pour le don de la paix. Dans le temps de Pâques, les chrétiens sont conscients que le premier don offert par le Christ ressuscité fut celui de la paix. Il a salué ses disciples par le don de la paix : « Paix à vous ! ». En ce temps de Pâques, nous recevons de nouveau le don de la paix du Christ, mais c’est un don dont la signification consiste à transformer nos vies, afin qu’à notre tour nous devenions porteurs de ce don de la paix dans le monde dans lequel nous vivons, pour que celui-ci puisse aussi être transformé par le don de la paix.
Pour conclure, je désire vous remercier tous pour votre attention et je serai heureux d’écouter les observations des ambassadeurs allemand et britannique auprès du Saint-Siège, ainsi que d’avoir un débat animé.
© Traduction de Zenit, Constance Roques