Vérité et miséricorde pour tous

Les grandes lignes du Rapport après le débat général

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« Vérité et miséricorde pour tous » : c’est ce vers quoi tend la pastorale de l’Eglise envers les familles, affirme le « Rapport après le débat général » (Relatio post disceptationem) de la IIIe Assemblée générale extraordinaire du synode des évêques sur la famille (5-19 octobre).

Le cardinal Péter Erdő, rapporteur général de l’Assemblée, a donné une lecture du Rapport, ce lundi matin, 13 octobre 2014, devant les Pères synodaux et le pape François. A ne pas confondre avec un document définitif, le Rapport après le débat général fait la synthèse des interventions des Pères durant la première semaine du synode.

Il servira de document de travail pour les réunions en groupes linguistiques, lors de la deuxième partie du synode.

Les défis de la famille

« Lieu intime de joies et d’épreuves, d’affections profondes et de relations parfois blessées, la famille est véritablement « école d’humanité », dont le besoin est fortement perçu », souligne l’introduction du document, composé de trois parties : « L’écoute : le contexte et les défis concernant la famille ; Le regard sur le Christ : l’Évangile de la famille ; La discussion : les perspectives pastorales ».

« La plus grande épreuve pour les familles de notre temps est souvent la solitude, qui détruit et provoque une sensation générale d’impuissance vis-à-vis de la réalité socio-économique », souligne le cardinal Erdö en évoquant « la croissante précarité du travail, la fiscalité trop lourde… » (n. 6).

Il mentionne également « des contextes culturels et religieux qui lancent des défis particuliers » dans les diverses régions du monde, entre autres « polygamie, mariages mixtes, cohabitation, naissances hors mariage, divorces, condition de la femme, migrations ».

Vérité et Miséricorde pour tous

Dans tout cela, l’Église est appelée à « accueillir les personnes avec leur existence concrète, à savoir soutenir leur recherche, à encourager le désir de Dieu et la volonté de se sentir pleinement partie intégrante de l’Église, même chez ceux qui ont fait l’expérience de l’échec ou se trouvent dans les situations les plus disparates » (n. 7).

« Ceci exige que la doctrine de la foi soit proposée avec la miséricorde », ajoute le texte qui met en relief la « loi de la gradualité, propre à la pédagogie divine ». Ainsi, « toute famille blessée doit tout d’abord être écoutée avec respect et amour, en devenant son compagnon de route, comme le Christ avec les disciples sur le chemin d’Emmaüs » (n. 41).

« Conforme au regard miséricordieux de Jésus, l’Église doit accompagner avec attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles, marqués par un amour blessé et perdu, redonnant confiance et espérance, comme la lumière du phare d’un port peut illuminer ceux qui ont perdu la route ou se trouvent au milieu de la tempête », peut-on lire dans le Rapport (n. 23).

« L’Église est appelée à être “toujours la maison ouverte du Père […] où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile” (Evangelii gaudium, 47) et à aller en aide à celui qui éprouve le besoin de reprendre son chemin de foi, même s’il n’est pas possible de célébrer un mariage canonique » (n. 37).

En somme, le travail synodal consiste à se diriger « vers des voies de vérité et de miséricorde pour tous » (n. 58).

Commencer par les valeurs positives

Pour les Pères synodaux, « une nouvelle dimension de la pastorale familiale actuelle consiste dans la prise en compte de la réalité des mariages civils et également, en faisant les différences nécessaires, des cohabitations » (n. 22).

Il s’agit « d’apprécier les valeurs positives qu’ils conservent davantage que leurs limites et leurs manquements » : en effet, « lorsque l’union atteint une stabilité notable au travers d’un lien public, est marquée par une affection profonde, par la responsabilité vis-à-vis des enfants, par une capacité à résister dans les épreuves, elle peut être considérée comme un bourgeon à accompagner dans son développement vers le sacrement du mariage ».

L’Église préconise de « les accueillir et de les accompagner avec patience et délicatesse » car « dans ces unions aussi, on peut voir des valeurs familiales authentiques, ou du moins le désir de celles-ci. Il faut que l’accompagnement pastoral commence toujours par ces aspects positifs » (nn 38 et 39).

Cum Petro et sub Petro

Selon le cardinal Erdö, « le dialogue synodal a permis de s’accorder sur les instances pastorales les plus urgentes à confier à la concrétisation des Églises locales, dans la communion cum Petro et sub Petro » (n. 24)

« Le fait de convenire in unum autour de l’Évêque de Rome est déjà un événement de grâce, dans lequel la collégialité épiscopale se manifeste sur un chemin de discernement spirituel et pastoral » (n. 3). Mais « le dialogue et la confrontation vécus au Synode devront se poursuivre dans les Églises locales, avec la participation des différentes composantes, de manière à ce que les perspectives qui se profilent puissent être menées à leur plein mûrissement par le travail de la prochaine Assemblée Générale Ordinaire (4-25 octobre 2015) » (n. 40).

En effet, « les réflexions proposées, fruit du dialogue synodal qui s’est déroulé en toute liberté et dans un mode d’écoute réciproque, entendent poser des questions et indiquer des perspectives que les Églises locales devront faire mûrir et préciser, par leur réflexion » (n. 58).

« L’Esprit permettra au peuple de Dieu de vivre la fidélité à l’Évangile de la famille comme une prise en charge miséricordieuse de toutes les situations de fragilité » : c’est la certitude des participants (n. 40).

Élargir l’accompagnement

« L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation » (n. 25), ajoute le cardinal Erdö qui invite à « une conversion missionnaire », avant tout « une conversion du langage » pour « ne pas seulement présenter des règles », mais aussi « proposer des valeurs » (nn 28 et 29).

Le mariage chrétien doit être « une décision vocationnelle assumée après une préparation adéquate et un discernement mûr, dans un parcours de foi » (n. 31). C’est pourquoi il faut « un engagement plus grand de la communauté chrétienne pour la préparation des futurs époux au mariage » (n. 34) avec « un renouvellement de la formation des prêtres et des autres agents pastoraux » et « une implication plus grande des familles » (n. 32) appelées à être « les sujets actifs de toute la pastorale familiale ».

En outre, l’accompagnement ne s’arrête pas à la cérémonie du mariage : « Les premières années de mariage représentent une période vitale et délicate au cours de laquelle le couple devient plus conscient des défis et du sens du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral » qui souligne « l’importance de la spiritualité familiale et de la prière » (n. 35).

Discernement indispensable

Lors des situations difficiles – séparations, divorces – « le discernement est indispensable » ainsi qu’un « accompagnement empreint de respect »: « Il faut notamment respecter la souffrance de ceux qui ont subi injustement la séparation ou le divorce » (n. 42).

Outre la simplification des procédures de reconnaissance des nullités de mariage (n. 43), les Pères ont discuté de la vie sacramentelle des personnes, invitant notamment les personnes divorcées non remariées « à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutient dans leur état » (n. 45).

Quant à la possibilité des personnes divorcé
es remariées d’accéder aux sacrements, le débat reste ouvert : « certains ont argumenté en faveur de la discipline actuelle en vertu de son fondement théologique, d’autres se sont exprimés en faveur d’une plus grande ouverture à des conditions bien précises » (n. 47) et certains ont suggéré « de se limiter uniquement à la “communion spirituelle” ».

Mais « si la communion spirituelle est possible, pourquoi ne pas pouvoir accéder à la communion sacramentelle ? » se sont demandé les Pères qui ont sollicité « un approfondissement théologique à partir des liens entre sacrement du mariage et Eucharistie par rapport à l’Église-sacrement » (n. 48).

Pour l’Église, rappelle aussi le Rapport, « les unions entre des personnes du même sexe ne peuvent pas être assimilées au mariage entre un homme et une femme ». Mais « les personnes homosexuelles ont des dons et des qualités à offrir à la communauté chrétienne » et les communautés sont appelés à « leur garantir un espace de fraternité » en « acceptant et en évaluant leur orientation sexuelle, sans compromettre la doctrine catholique sur la famille et le mariage » (n. 50).

« La question homosexuelle appelle à une réflexion sérieuse sur la façon d’élaborer des chemins réalistes de croissance affective et de maturité humaine et évangélique en intégrant la dimension sexuelle », ajoute-t-il (n. 51).

Sollicitude envers les enfants

A plusieurs reprises, le texte se fait l’écho de la sollicitude de l’Église pour les enfants, soulignant notamment que « les enfants font souvent l’objet de luttes entre leurs parents et constituent les véritables victimes des lacérations familiales » (n. 8).

Aussi il est « indispensable de prendre en charge, de manière loyale et constructive, les conséquences de la séparation ou du divorce sur les enfants: ils ne peuvent pas devenir un “objet” de dispute, et il faut chercher les meilleurs moyens pour qu’ils puissent surmonter le traumatisme de la scission familiale et grandir le plus possible dans la sérénité » (n. 42).

De même « l’Église prête une attention spéciale aux enfants qui vivent avec des couples du même sexe, en insistant que les exigences et les droits des petits doivent toujours être au premier rang » (n. 52).

Les Pères synodaux rappellent que « l’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal » (n. 53) : « Les couples doivent être encouragés à assumer une attitude fondamentale d’accueil du grand don que représentent les enfants » (n. 35) par « un langage réaliste, qui sache expliquer la beauté et la vérité d’une ouverture sans réserve à la vie » (n. 54).

Prenant note de l’interruption « de la transmission de la foi des parents aux enfants » (n. 28) ils évoquent le rôle de l’Église dans « le défi éducatif » actuel : « L’Église peut soutenir les familles… en accompagnant les enfants, les adolescents et les jeunes dans leur croissance, par des parcours personnalisés, pouvant les introduire au sens plein de la vie, et susciter des choix et des responsabilités, vécus à la lumière de l’Évangile » (nn 56 et 57).

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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