« Une personne qui prie ainsi est en contact personnel authentique avec Dieu, et donc il est saint ! », s’est dit Joaquin Navarro-Valls, ancien porte-parole du Saint-Siège pendant le pontificat de Jean-Paul II : il a témoigné de la sainteté de celui-ci devant la presse internationale, ce vendredi 25 août 2014, au Vatican.

Le dialogue avec Dieu

« La sainteté abstraite n’existe pas ! », a-t-il protesté.  Puis une prémisse : « Seul Dieu est saint mais l’Eglise continue de proclamer la sainteté de certaines personnes ». Il précise encore : « L’Eglise n’a jamais « fait » un saint. Elle « confirme », « ratifie » que la vie que cette personne est sainte et pour cela le proclame saint ».
Il ajoute avec humour : « Ou l’on est saint pendant sa vie ou on le sera jamais : il faut commencer le plus tôt possible ! »

Quelle est donc la sainteté de Jean-Paul II ? Et lui-même quand a-t-il eu la conviction que Jean-Paul II était « un saint » ?

« Consciemment, la première fois que je l’ai vu prier, de près ! Une personne qui prie ainsi est en contact personnel authentique avec Dieu et donc il est saint ! Mais rien de spectaculaire ! Il n’a pas « décollé » ! »

Il raconte que dans sa chapelle privée, au Vatican, il y avait un petit prie-Dieu : le dessus s’ouvrait et formait comme un coffret. Navarro-Valls raconte : « Il l’ouvrait, prenait un morceau de papier, priait, le laissait, puis un autre, et ainsi pendant des heures ». Il a demandé au secrétaire du pape, aujourd’hui le cardinal Stanislas Dziwisz, de quoi il s’agissait, et celui-ci lui a expliqué : « Le pape reçoit des lettres du monde entier… dans toutes les langues, l’une dira : Saint-Père je suis veuve, j’ai un seul fils parti de la maison parce qu’il se drogue : priez pour lui ! Ou une personne qui avait un cancer, et devait s’occuper de ses enfants, etc. Toutes les misères du monde arrivaient au pape, pas une seule demande n’était jetée : on mettait sur une feuille le nom, le pays et l’objet de la demande, on les mettait là, et on les changeait à peu près tous les trois jours. »

Navarro-Valls fait observer : sa prière était remplie par « les besoins des autres ».

Il garde en mémoire les images de cet homme en prière : c’était « le besoin le plus profond de son âme, comme une respiration, intense, nécessaire, et spécifique ».

Il raconte cette petite anecdote : il invitait à déjeuner et à dîner pour le travail, de façon informelle. Avant le repas et après il passait deux ou trois minutes dans la chapelle. Il avait un sac plein de papiers de la secrétairerie d’Etat.

« Un soir, raconte-t-il, je m’agenouille derrière lui dans la chapelle. Cinq minutes passent, dix minutes, puis le pape se retourne et dit : « Excusez-moi, j’avais oublié que vous étiez là ! » Il avait « décollé » il était là et avec quelqu’un d’autre. »

Les personnes concernées présentes à ses décisions

Le second aspect de la personnalité de Jean-Paul II souligné par Joaquin Navarro-Valls, c’était le travail, son immense capacité de travail.

Il l’accompagnait pendant ses vacances, en montagne : il passait environ 14 jours dans le Val d’Aoste, mais il ne voulait pas manquer davantage le rendez-vous de l’audience générale du mercredi à Rome.

« Après son intervention au colon, ce n’était pas une tumeur maligne mais l’opération avait duré plusieurs heures et il avait beaucoup maigri. Nous allons huit jours à la montagne pour nous reposer vraiment. Un jour, je me lève tôt, la personne de garde la nuit en cas de besoin signale : rien de spécial, il a un peu plu. Et il ajoute qu’il est préoccupé parce que vers trois heures du matin il a vu s’allumer la lumière à la fenêtre du pape, et quelques minutes plus tard, la lumière dans la petite pièce adjacente où l’on avait installé une petite chapelle. Aucune des deux ne s’est éteinte de toute la nuit : on était en vacances ! »

Il a ainsi fourni une « incroyable quantité de travail pendant ce pontificat très long ». Navarro-Valls confie : il y a « une de choses que je n’ai vu chez personne d’autre : il ne savait pas physiquement perdre une minute. Mais en même temps il n’était jamais « pressé » ! Pas d’anxiété : il ne savait pas perdre une minute, mais jamais il n’était pressé. Il avait certainement une capacité humaine, mais c’était quelque chose qui jaillissait profondément de son âme. »

Il ajoute : « Ses collaborateurs s’adaptaient à une forme de travail où il fallait tout étudier et confronter les thèmes avec les grandes vérités qui n’avaient apparemment rien à voir avec le thème en question. Il voyait les personnes à qui seraient arrivées ces solutions : il imaginait la personne, les personnes qui devaient vivre la décision qu’il devait prendre. »

La bonne humeur

Autre témoignage de cette capacité de travail, mais aussi de son humour: Navarro-Valls fait observer au pape que le droit des travailleurs italiens implique qu’ils aient 30 jours de congés payés par an. Le pape répond : « Dommage que je sois non pas Italien mais du Vatican ! »

Le sourire de son visage a disparu à la fin de sa vie à cause de la maladie de Parkinson et il s’appuyait sur une canne. Mais il ne perdait pas pour autant son humour. Un personnage est reçu dans sa bibliothèque et se croit obligé de dire : « Vous avez l’air bien ! » « Le pape, avec beaucoup d’humour, réplique : vous croyez que je ne me vois à la télévision et à quoi je suis réduit ! » à quoi je suis réduit…

Prière, travail, joie : autant d’expressions de la sainteté, selon Joaquin Navarro-Vals, témoin privilégié, au quotidien.  Il conclut : « Il ne peut pas y avoir de saint triste : si on parle d’un saint de mauvaise humeur, c’est qu’il n’était pas saint ! Je n’en ai pas discuté avec le cardinal Amato (préfet de la Congrégation pour les causes des saints, ndlr). Mais il ne s’agissait pas chez Jean-Paul II d’un état d’âme, ce n’était pas une allégresse physiologique, mais une décision convaincue et raisonnée d’une personne qui croit. »

Ce qu’il savait des cas de pédophilie

Il y a eu, se souvient-il, « des cas isolés, remontant à 20 ou 30 ans auparavant, mais non pas moins grave pour autant, puis le nombre grandit et le pape a été très préoccupé ».

« La pureté de cette pensée ne pouvait pas accepter cette réalité : c’était pour lui « incroyable ». Il a alors pris des décisions, a appelé à Rome tous les cardinaux américains.  Au cours de cette réunion, on a parlé des cas qui sortaient. Il a pris des décisions de nature juridique. L’une, importante, a été de donner les pleins pouvoirs, en accord avec la loi ecclésiastique, à la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont le préfet était le cardinal Ratzinger, pour lancer le processus de vérification des plaintes ».

Il cite le cas du Père Martial Maciel : « Une procédure canonique a été lancée durant le pontificat de Jean-Paul II, mais elle ne s’est achevée que la première année du pontificat de Benoît XVI : moi, dans cette salle, j’ai donné annonce du résultat de cette enquête. Lui n’a pas été informé parce que la procédure n’était pas finie quand il est mort. Le premier pas avait été d’envoyer Mgr Scicluna parler avec toutes les personnes qui se plaignaient, à Barcelone, à Mexico… Quand le matériel a été rapporté par Scicluna, Jean-Paul II était mort ».

Lors des premiers jours de l’élection de Benoît XVI, Joquin Navarro-Valls demande quand il doit le dire à l’opinion publique : comment et quand informer ? « Le pape n’a pas réfléchi longtemps, et il a répondu : Faites-le demain ! », confie l’ancien porte-parole de deux papes.