Le visage des réfugiés s’est projeté sur la façade de l’église « du Gesù », première église des jésuites, au coeur de Rome -dédiée au « Saint Nom de Jésus » et où repose le fondateur de la Compagnie de Jésus, saint Ignace de Loyola -, comme un appel à l’hospitalité, car l’hospitalité, c’est leur seule assurance sur la vie.
Les splendeurs baroques accueillent en effet une exposition proposée par le Service jésuite pour les réfugiés (JRS, http://www.jrs.net/?L=FR), inaugurée mardi soir, 18 juin, en vue de cette journée du 20 juin, Journée mondiale des réfugiés.
L’exposition, à l’intérieur de l’église, saisit la vie quotidienne et les visages des réfugiés de deux pays où l’aide aux réfugiés est une priorité: la République démocratique du Congo et la Syrie.
La soirée a été ouverte par la messe célébrée, à 19h, par le cardinal Antonio Veglio, président du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, qui était entouré du père Peter Balleis, SJ, directeur du JRS, et du père Giovanni La Manna, président du Centre Astalli de Rome, et de nombreux prêtres jésuites et amis.
En avril dernier, le père La Manna avait reçu du pape un appel téléphonique dans lequel il lui disait son désir de visiter lui-même le Centre Astalli: c’est dire l’importance au le pape François attache au service des réfugiés.
Regarder le visage du réfugié
Dans son homélie, le cardinal Veglio a rappelé le respect dû au réfugié, à sa « dignité », son « histoire », sa « culture », ses « attentes légitimes ». Le phénomène constitue aujourd’hui un « grand exode », a souligné le représentant du pape, et les réfugiés doivent être au centre de l’attention des décideurs et guider les décisions.
Il a cité cette parabole du rabbin qui offre hospitalité et protection à un réfugié, au nom de la Torah. Mais il réfléchit toute la nuit, étudie le Talmud, et tombe sur un passage qui dit: le peuple ne périra pas à cause d’un seul. Il interprète la parole dans le sens de ceux qui l’entourent qui lui reprochent d’attirer la vindicte des soldats sur la communauté en accueillant le malheureux, qui est livré aux soldats. Le rabbin souffre. Il se sent soudable. Son regard dans le vide trahit sa douleur. Le prophète Elie vient le visiter. Le rabbin lui explique que pour sauver le village il a livré le réfugié. Elie lui révèle qu’il a livré le Messie: « Si tu avais vraiment regardé le visage du réfugié, tu aurais vu le visage du Messie ».
Le cardinal commentait en disant que souvent nous agissons ainsi, pensant choisir le « mal mineur ». Or ce qui est demandé aux croyants, c’est de prendre soin du réfugié, même clandestins, en étant prêt à subir les conséquences de ce choix.
Il a insisté sur la « responsabilité » du chrétien d’être « proche de ceux qui ont été contraints à fuir leur pays », pour manifester « la présence de Dieu », « l’amour concret de Dieu », et il a invité à regarder les réfugiés pour saisir dans leurs yeux la trace du drame vécu et de leurs situations qui ne peuvent « laisser indifférents ».
La seconde chance
Même appel pour ceux qui seraient porteurs de quelque faute: ils doivent trouver « pardon » et « réconciliation », une « chance » offerte, car « la conversion est toujours possible ». Il a invité à « ôter les obstacles » sur le chemin des réfugiés et des déplacés dont la situation les rend à la fois « fragiles, vulnérables, faibles », et à « partager les ressources de la communauté avec qui en a besoin ».
Les réfugiés ont besoin à la fois, a-t-il insisté, de « compréhension » et d’une « main charitable », « d’assistance »: c’est aussi un test de la façon dont « nous accueillons l’appel du Seigneur ».
A Zenit, le cardinal Veglio a confié l’importance du rôle des media qui ont « le pouvoir » de faire connaître ces situations dramatiques: un relai indispensable pour que sa propre parole – au service des migrants et des réfugiés – ait un écho dans l’opinion et auprès des décideurs.
Pour sa part, le père Balleis a souligné, après la messe, l’amour et la compréhension nécessaires pour accompagner les personnes réfugiées, et défendre leurs droits. Il a rappelé que le JRS a été fondé par le père Pedro Aruppe, défunt général des Jésuites, et que le Centre Astalli de Rome offre chaque jour des repas à 400 réfugiés. L’exposition se centre sur la RDC et la Syrie. Elle veut rappeler à l’attention des gouvernants le devoir d’aider les réfugiés dans leur pays mais aussi les pays qui accueillent les réfugiés comme la Jordanie et le Liban notamment. Il a lancé un appel à « ouvrir les portes », à « grandir dans l’amour ». Les visages des réfugiés projetés sur la façade du Gesù après le coucher du soleil invite à « regarder le visage du réfugié » et à y voir « le visage du Christ ».
L’urgence à Homs
Le père Ziad Hilal, jésuite de Homs (Syrie), a attiré l’attention de Zenit sur la situation des 75 chrétiens bloqués dans la vieille ville de Homs dont son confrère néerlandais, le père Frans Van Der Lugt (cf. la vidéo: http://www.jesuites.com/2013/03/pere-frans-homs-syrie/): assiégés ils ne peuvent sortir. Or il faudrait qu’ils quittent ce lieu des combats où ils sont en danger. C’est l’intention de prière choisie par Zenit cette semaine, et jusqu’à ce que l’on ait de bonnes nouvelles.
Le père Frans et le père Ziad vivent à 900 m l’un de l’autre mais ne peuvent pas se rencontrer, étant donné qu’ils se trouvent dans des secteurs tenus l’un par la « Free Army » et l’autre par l’armée officielle. Il parle d’une situation « très dure », et que les combats les plus violents ont eu lieu dans la vieille ville. Selon son évaluation, 25 % de la ville est détruite: églises, mosquées, habitations. Les habitants ont quitté la ville pour d’autres régions. Il faut donc des plans d’accueil et d’assistance à l’intérieur du pays même. Sur place, leur service donnait à manger, au début des hostilités, à 200 familles, maintenant à 600 familles. Et le nombre des réfugiés et déplacés est appelé à augmenter « si la guerre continue » avertit le jésuite.
Une autre mission assumée par le JRS sur place est l’éducation des enfants, et l’éducation à la réconciliation, tandis qu’avec les adultes ce point est difficile. Il gère un centre éducatif qui apporte aussi un soutien psychologique et social à 100 enfants au départ, en 2011, à 3 200 maintenant, pour apporter nourriture, médicaments, et réconciliation.
L’équipe comprend deux jésuites du JRS dont les efforts sont soutenus par différents organismes, notamment l’Ordre de Malte, l’AED, et avec l’aide de 120 bénévoles laïcs.
Il a cité la parole du pape François aux jeunes: « Ne vous laissez pas voler votre espérance » et l’a appliquée à la situation de Homs, au service des chrétiens et des musulmans, ensemble.
Les naufragés de la Méditerranée
Mauro Casinghini, directeur national de l’Ordre de Malte en Italie, a évoqué le sort des réfugiés qui tentent la traversée de la Méditerranée, y laissant souvent la vie. Il a souligné la présence de l’Ordre de Malte dans le Canal de Sicile, pour manifester de « l’humanité » aux naufragés, souvent en provenance de la Lybie. Une présence 24 heures sur 24, pour une assistance médicale. Il a souligné la « tristesse » qu’il a lue tant de fois dans les yeux des naufragés, reflétant le « caractère dramatique de ce qu’ils vivent ». Il reconnaît avoir l’impression cette action représente une « goutte dans l’océan », mais elle demande « persévérance et continuité ».
La soirée a été animée par les chanteurs et musiciens du Centre Astalli: des chants aux paroles joyeuses et graves, dont les rythmes – latino-américai
ns ou africains – qui faisaient danser l’assistance et les petits enfants présents. Et Istanbul Kebab a restauré l’assistance.
Puis, la façade du Gesù s’est animée avec ces extraordinaires portraits de réfugiés de tous les continents qui traversaient la place – par bateau, par avion, par la route – pour venir davantage frapper les consciences. Avec pour message: hospitalité.