« Vatileaks » : deux inculpés renvoyés au tribunal

Publication du réquisitoire et de la sentence

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Antonio Gaspari
Traduction d’Anne Kurian

ROME, jeudi 16 août 2012 (ZENIT.org) – Paolo Gabriele, ex-majordome de Benoît XVI et Claudio Sciarpelletti, informaticien de la Secrétairerie d’Etat, les deux inculpés actuels dans l’affaire « vatileaks », sont renvoyés devant le tribunal.

Cette décision judiciaire concerne l’affaire des documents réservés, appartenant au pape, dérobés, copiés et publiés dans des médias italiens et dans un livre paru en Italie.  

Après des mois d’enquête, le Saint-Siège a rendu publics le réquisitoire du procureur Nicola Picardi et la sentence prononcée par le juge d’instruction du Vatican, Piero Antonio Bonnet, le 13 août 2012.

La sentence, qui clôt partiellement l’instruction, renvoie donc deux inculpés au tribunal de l’Etat de la Cité du Vatican: Paolo Gabriele, accusé de vol aggravé, et Claudio Sciarpelletti, accusé de complicité. La date du procès sera connue à l’automne.

Les documents publiés par la salle de presse du Saint-Siège rappellent que les enquêtes ont commencé le 6 février 2012, sur demande du directeur des Services de sécurité et de protection civile du Vatican, qui a porté « plainte contre X pour calomnie et diffamation », après la publication de correspondances réservées du pape dans la presse italienne.

Benoît XVI a nommé parallèlement une Commission cardinalice chargée de mener, de façon administrative, “une enquête sur la fuite d’informations et la divulgation de documents confidentiels”. Les résultats de cette enquête ne sont pas publiés.

Le 19 mai 2012, a été publié en Italie un livre contenant des copies de la correspondance privée du pape.

Suite à cette publication, le 21 mai a eu lieu une réunion à laquelle ont participé les membres de la « famille pontificale » : les deux secrétaires de Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein et Mgr Alfred Xuereb, les quatre « memores domini » – femmes consacrées dans le monde appartenant au mouvement « Communion et Libération » – et Paolo Gabriele.

A cette occasion déjà, Mgr Georg Gänswein a fait remarquer à Paolo Gabriele que certains papiers publiés étaient passés entre ses mains, mais le majordome du pape a énergiquement nié.

Le 23 mai, le directeur des Services de sécurité et de protection civile a envoyé au procureur du Vatican un rapport faisant part de suspicions envers Paolo Gabriele.

Une perquisition a été autorisée dans l’appartement de la famille Gabriele, où a été découverte “une énorme quantité de documents, dont certains étaient de la propriété du Saint-Siège et de l’Etat de la Cité du Vatican”. Une grande partie de ces documents ont déjà été publiés dans le livre italien.

Le procureur raconte que M. Gabriele, interrogé les 5 et 6 juin, après son arrestation, a déclaré avoir “procédé à la duplication des documents en les photocopiant au bureau et les portant ensuite à la maison ». et n’avoir « conservé aucun document original car leur absence aurait été remarquée”.

Quant au mobile de son action, l’accusé a déclaré que: “même si la possession de tels documents et illicite, je pensais devoir le faire, poussé par diverses raisons (…) j’estimais que le pape n’était pas correctement informé”.

“En voyant le mal et la corruption partout dans l’Eglise, a expliqué M. Gabriele, j’étais sûr qu’un choc, notamment médiatique, aurait pu être salutaire pour remettre l’Eglise sur la bonne voie… Je pensais que dans l’Eglise ce rôle était justement celui de l’Esprit-Saint, par lequel je me sentais d’une certaine façon infiltré”.

Sur sa mise en relation avec l’auteur du livre, M. Gabriele a déclaré l’avoir cherché et contacté lui-même, l’avoir rencontré entre “novembre 2011 et janvier 2012” à fréquence hebdomadaire ou bihebdomadaire, et n’avoir “jamais reçu d’argent ou autre bénéfice”. 

Paolo Gabriele soutient en outre avoir remis une copie des documents à son père spirituel qui dans le réquisitoire du procureur est appelé “B”.

Cette personne, non inculpée, convoquée comme témoin, a déclaré les avoir conservés durant quelques jours et puis les avoir brûlés en sachant « qu’ils étaient le fruit d’une activité non légitime et non ‘honnête’ et craignant qu’on puisse de même en faire un usage non légitime et non honnête ».

Notons également que trois objets qui ne lui appartenaient pas ont été trouvés dans la maison de M. Gabriele : un chèque de 100.000 euros adressé à Benoît XVI, daté du 26 mars 2012, provenant de l’Université catholique San Antonio de Guadalupe; une pépite d’or destinée au pape; une édition rare de l’Eneide, traduite par Annibal Caro en 1581.

Paolo Gabriele a expliqué qu’il était “chargé de porter certains dons à l’entrepôt et d’autres au bureau” et que “certains de ces dons servent pour les tombolas du Corps de la gendarmerie, de la Garde Suisse pontificale et d’autres œuvres de bienfaisance”.

Le réquisitoire révèle qu’une deuxième personne serait impliquée : Claudio Sciarpelletti, un citoyen italien informaticien de profession, dépendant de la Secrétairerie d’Etat, accusé de “faux témoignage, participation réelle au délit de vol aggravé de documents, complicité et délit de violation de secrets”.

L’informaticien a été arrêté le 25 mai, puis libéré sous caution avec l’obligation d’observer certaines exigences, après un interrogatoire.

Au cours de cet interrogatoire, Claudio Sciarpelletti aurait parlé de deux personnes identifiées sous “W” et “X” qui lui auraient transmis des documents à remettre à Paolo Gabriele.

Le rôle joué par M. Sciarpelletti ne semble pourtant pas majeur. Selon le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse vaticane, il est même « marginal ».

Le réquisitoire de M. Nicola Picardi, se poursuit sur une partie longue et détaillée qui s’étend sur les expertises psychologique et psychiatrique menées sur l’accusé par Roberto Tatarelli de l’Université La Sapienza de Rome et Tonino Cantelmi, de l’Université pontificale grégorienne, avec l’aide de Martina Aiello, psychologue et physiothérapeute.

L’objectif est d’établir si “Paolo Gabriele, dans la période de 2011-2012, et actuellement, était et est dans un état mental qui diminuerait la responsabilité de ses actes; s’il est aujourd’hui une personne socialement dangereuse; s’il est influençable et capable d’initiatives criminelles autosuggérées et/ou suggérées par d’autres”.

Répondant au réquisitoire du procureur, le juge d’instruction Piero Antonio Bonnet déclare « la fermeture partielle de l’instruction ».

Il prononce « le renvoi de M. Paolo Gabriele devant le Tribunal de l’Etat de la Cité du Vatican pour le délit de vol aggravé ».

Il déclare « ne pas poursuivre les inculpations contre Claudio Sciarpelletti pour délit de violation du secret, et délit de participation réelle au délit de vol aggravé de documents, par manque de preuve ».

Et il renvoie « M. Claudio Sciarpelletti devant le tribunal pour délit de complicité ».

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ZENIT Staff

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