ROME, Mardi 25 octobre 2011 (ZENIT.org) – Jeudi prochain, 27 octobre, Assise accueillera une nouvelle fois l’un des plus grands événements spirituels de notre temps : le pèlerinage des représentants religieux du monde pour prier ensemble pour la paix.
Cette initiative aété lancée par Jean-Paul II il y a 25 ans en 1986. Benoît XVI a voulu la répéter, en invitant le 1er janvier dernier,les chrétiens d’autres confessions et les représentants d’autres religions à venir célébrer dans la ville de saint François les 25 ans de ce rassemblement « historique ».
Assise, en accueillant les participants à cette rencontre, se transforme en une énorme cathédrale d’où s’élèvent vers le ciel de fervents appels à l’aide pour la famille humaine.
A la veille de ce nouveau rendez-vous, nous nous sommes entretenus avec le père Giuseppe Piemontese, « gardien » de la basilique Saint-François à Assise, où le saint est enterré et où se déroulera la rencontre de prière des leaders religieux.
Elu custode général du saint couvent d’Assise en 2009, le père Giuseppe Piemontese est originaire des Pouilles, en Italie. Diplômé en théologie, il a aussi été ministre provincial de sa région natale. Nous avons voulu approfondir avec lui le sens de cette rencontre.
ZENIT – L’expression « esprit d’Assise » est devenue emblématique : Comment est-elle née et qu’elle est sa signification profonde ?
Guiseppe Piemontese – Jean-Paul II est le premier à avoir utilisé cette expression, et il l’a fait le 29 octobre 1986 en recevant au Vatican un groupe de représentants de religions non chrétiennes. Deux jours auparavant, ils étaient avec lui à Assise et, avant de quitter l’Italie, avaient souhaité le rencontrer.
Le pape leur a rappelé le sens de ce qui s’était passé à Assise, les a remerciés d’avoir participé à cette journée, et a conclu : « Vous allez regagner vos maisons et vos centres. Je vous remercie encore d’être venus et souhaite que votre voyage se passe bien. Continuons à vivre ‘l’esprit d’Assise’ ». Puis Jean-Paul II a repris cette expression surtout dans les messages qu’il envoyait à l’occasion des rencontres « Hommes et Religions » organisés par la communauté de Sant’ Egidio, en souvenir de la première rencontre d’Assise.
Cette expression « l’esprit d’Assise » résume de manière visible et concrète ce que le Concile Vatican II a exprimé dans sa Constitution « Lumen gentium ». L’Eglise y est présentée comme « signe et instrument de l’union avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium, 1) et l’enseignement conciliaire, en particulier, souligné en termes de rapport entre le christianisme et les religions (Déclaration « Nostra aetate »).
Ce que renferme précisément l’expression « esprit d’Assise » peut se résumer en trois points : valeur inestimable de la paix et responsabilité des religions pour l’atteindre ; conscience de l’importance de la prière pour obtenir le don de la paix ; nécessité d’une connaissance et d’une estime réciproque entre les hommes, indépendamment de leurs religions d’appartenance.
Tous les saints sont des promoteurs de paix, mais pourquoi Jean-Paul II, en décidant de réaliser cette extraordinaire « intuition », a-t-il pensé à saint François d’Assise ?
Saint François est le saint qui a incarné, de la manière la plus totale, l’Evangile, devenant une « image vivante du Christ crucifié ». Son expérience humaine et chrétienne, riche en humanité, spiritualité, poésie, représente cet idéal d’homme dont les hommes et les femmes de tout lieu, de toute culture, de toute religion, ont la nostalgie.
Sa recherche de paix est devenue proverbiale, elle est l’emblème de toute sa vie. Sa phrase de salut, révélée par Dieu lui-même, est : « Que le Seigneur te donne la paix! ». Toutes ces raisons font que de nombreux hommes vont vers lui sans les préjugés que l’histoire a semés ou sont nés de fausses interprétations des faits.
Et c’est dans ce même esprit de bienveillance et de sympathie, mais aussi conscient du caractère particulièrement significatif, grandiose et universel, d’un homme compréhensif comme François, que Jean-Paul II a voulu se retrouver à Assise, patrie du saint, lieu de son tombeau et berceau de son histoire humaine et chrétienne.
En 1986, l’initiative de Jean-Paul II a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme mais avec quelque réserve aussi. Pourquoi ?
Certains, dans l’Eglise catholique aussi, estiment qu’il ne doit pas y avoir de relations avec celui qui professe une autre religion. Ils craignent que des manifestations de prière avec des représentants d’autres religions conduisent au relativisme et au syncrétisme religieux. En 1986, cette attitude était assez répandue et Jean-Paul II, le 22 décembre 1986, est intervenu, précisant dans un discours à la curie romaine qu’à Assise tout avait été pensé « sans aucune ombre de confusion et syncrétisme ». Il souligna précisément les bienfaits que représentait la prière pour la paix : « ensemble pour prier » dans une situation extraordinaire et d’urgence pour que chacun trouve au fond de ses racines la qualité du bien et cette référence à la paix, don Dieu.
Du reste, le Concile Vatican II invite avec courage au dialogue œcuménique et interreligieux. Le pape, sans confusion théologique, a interprété cette exigence de rencontre à Assise, partant du thème de la recherche et de la promotion de la paix.
Vous les franciscains êtes particulièrement impliqués dans cet événement. Le mouvement « esprit d’Assise » est né chez vous, s’inspire de votre fondateur, de votre spiritualité « spécifique » : Est-ce que cela a eu une influence concrète particulière sur votre vie communautaire et personnelle ?
« L’esprit d’Assise » a soulevé quelque question d’ordre pratique aussi ici, dans la vie du saint Couvent. D’une attitude de défense ont est passé à une attitude plus courageuse de proposition.
En attendant, cela nous a encouragé à promouvoir et à favoriser le dialogue, la rencontre avec des personnes de toute religion, et avec les non-croyants aussi ; des rencontres et confrontation sur des thèmes d’ordre théologique mais aussi et surtout sur des questions comme la paix, la promotion humaine, la justice, la protection de la création.
On intervient lors d’événements spéciaux, dans de nombreuses régions du monde. Mais nous pratiquons un œcuménisme et un dialogue plus quotidien et familial avec des représentants d’autres religions et des non-croyants lors de leur visite sur la tombe de saint François ou au saint couvent : un parcours spirituel et artistique se conclue souvent par des agapes fraternelles qui laissent une marque dans le sens du partage et de la fraternité propre aux franciscains, qui va bien au-delà de tout discours.
L’esprit d’Assise a aussi pénétré le tourisme ?
Assise renvoie à cet esprit car elle est imprégnée de la présence de saint François, frère universel, autre Jésus Christ et instrument de sa paix. Les touristes ne comprennent probablement pas tous ces questions, mais ils sont attirés par l’art. En voyant la beauté des basiliques, des fresques, ils captent ce climat de paix et tombent sous le charme.
Parmi les pèlerins y en a-t-il qui, dans leurs conversations, privilégient les thèmes de la paix et de la conciliation ?
Les pèlerins ont déjà une compréhension de ces thèmes. Ils cherchent, approfondissent et trouvent confirmation, en allant sur les lieux franciscains ou en participant à diverses initiatives (congrès, exercices spirituels, manifestations, etc).
Quelles initiatives, vous les franciscains, avez-vous entreprises dans votre basilique, pour véhiculer cet « esprit d’Assise » ?
Déjà avant 1986, le saint couvent, avec le soutien de quelques frères, avait organisé, grâce au « Centre œcuménique du saint Couvent », des rencontres et des échanges avec des représentants d’autres religions tant à Assise qu’ailleurs dans le monde. Après 1986, ces initiatives se sont multipliées et renforcées.
Le père Massimiliano Mizzi (1930-2008), inlassable promoteur de dialogue avec des groupes et représentants de toutes les religions tant au saint couvent qu’à l’étranger, est devenu animateur et responsable du CEFID (Centre franciscain international pour le dialogue), qui propose des initiatives de formation, d’accueil et de rencontre avec des représentants de différentes confessions chrétiennes et non chrétiennes.
Actuellement le saint couvent, en collaboration avec le CEFID, poursuit ses buts en organisant des rencontres, des journées d’étude et de dialogue avec divers représentants religieux, comme j’ai déjà dit.
Dans les différentes nations, il existe sept centres nationaux de dialogue et de paix, animés par des frères mineurs conventuels, qui proposent de riches programmes.
Propos recueillis par Renzo Allegri