Afrique : Mondialiser la solidarité

Entretien avec un fonctionnaire de la Caritas pour l’Afrique

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ROME, Dimanche 17 avril 2011 (ZENIT.org) – L’histoire tragique de l’Afrique résonne dans son présent turbulent, mais, selon un agent de liaison de la Caritas pour l’Afrique, le continent souffrirait plus encore s’il n’y avait pas l’action de l’Église catholique.

Originaire du Congo, le père Pierre Cibambo Ntakobajira, peut constater personnellement la précieuse contribution de l’Église en Afrique. « Je ne sais comment serait la situation actuelle en Afrique si l’Église n’était pas si dynamique », a-t-il déclaré.

Dans cet entretien accordé au programme télévisé «  Where God Weeps » (« Là où Dieu pleure »), réalisé par la Catholic Radio and Television Network (CRTN), en collaboration avec l’association Aide à l’Eglise en détresse (AED), le père Ntakobajira parle de son histoire en tant que catholique et de la nécessité persistante de « mondialiser la solidarité ».

ZENIT – Vous êtes né en République démocratique du Congo. Avez-vous grandi dans un milieu catholique ?

Père Ntakobajira – Quand je suis né, en 1955, mes parents n’étaient pas chrétiens, n’étaient pas catholiques. Ils vivaient leur religion traditionnelle. Quelques uns de mes frères et sœurs étaient déjà catholiques, mais pas mes parents.

Est-ce que cela a été dur pour eux d’apprendre que vous vouliez devenir prêtre?

Père Ntakobajira – J’ai commencé à aller en classe à l’âge de 7 ans et j’ai été baptisé en 1966, donc à l’âge de 11 ans. J’ai été baptisé deux ans avant ma mère, parce que je fréquentais une école catholique. Il était donc plus facile pour moi d’être en contact avec la foi catholique, ce qui explique que j’ai été baptisé avant ma mère. 

Vous avez quitté Bukavu, en République démocratique du Congo, pour aller étudier dans une université catholique en Belgique. Vous êtes ensuite allé au Canada où
 vous avez fréquenté le Canadian Institute for Conflict Resolution. Pourquoi avez-vous quitté Bukavu ?

C’est mon évêque qui m’a demandé d’aller étudier pour renforcer notre engagement dans le domaine social et dans le développement.

Ainsi je suis allé en Belgique, où je suis resté trois ans. En 1994, je suis rentré dans mon pays, juste au moment où le génocide était en cours au Rwanda. On m’a demandé de diriger le bureau diocésain de la Caritas pour organiser le travail d’assistance de nombreux réfugiés qui, à cette époque, passaient la frontière du Rwanda au Congo.

Une étude des Nations unies compte plus de 50 pays en voie de développement, dont 34 sont des pays africains. Pourquoi l’Afrique est-elle un continent en souffrance?

Je pense qu’il serait trop long de répondre à cette question, mais je dirais que ceci est dû à un ensemble de facteurs : le passé historique, le contexte international des systèmes économiques, de la gouvernance et de la culture. C’est une combinaison de tous ces facteurs.

Si nous parlons de l’histoire africaine, nous devons comprendre que l’histoire de l’Afrique est une histoire triste : l’esclavage par exemple, et ses conséquences. C’est une histoire de colonialisme et d’exploitation. Elle n’explique pas et ne justifie pas à elle seule la situation actuelle de l’Afrique, mais il y a assurément un lien.

Est-ce que cela à avoir aussi avec la politique et la gouvernance actuelles ?

Pendant de longues années, le continent africain et ses nombreux pays, se sont retrouvés dans les mains de personnes qui avaient été placés là non parce qu’elles étaient les personnes justes mais parce qu’elles devaient servir les intérêts de quelqu’un d’autre.

Durant la guerre froide, nous avons eu par exemple, au Congo, Mobutu pendant 32 ans et cet homme n’a rien fait pour le Congo. Ce dont nous souffrons aujourd’hui au Congo, a ses racines dans cette époque-là. Mobutu avait été mis là dans le contexte de la guerre froide ; il était soutenu et financé par la communauté internationale mais avec cet argent il soignait ses propres intérêts et ne travaillait pas pour les exigences de développement du pays.

Ce pays est un pays qui a quatre fois les dimensions de la France, avec 60 millions de personnes. Nous avons toutes les ressources naturelles que l’on peut imaginer. C’est comme un paradis, et pourtant les gens meurent de faim… Vous me comprenez ?

L’Afrique possède les plus grandes richesses naturelles, pourtant elle souffre d’une grande pauvreté. C’est une contradiction qui implore une réponse.

Les abondantes ressources naturelles ont été exploitées par des sociétés étrangères et on peut voir maintenant que ces ressources naturelles sont justement le motif principal de la guerre. Une guerre qui est en train de ravager des pays comme le Congo. Nombre de pays qui possèdent du pétrole, de l’or ou des diamants sont réduits à la misère. C’est comme si avoir toutes ces choses sur son propre sol était une malédiction…

Dans le jardin de votre maison…

Oui, précisément, parce que ces ressources ont été exploitées et les recettes dépensées pour faire entrer des armes dans le pays. Au Congo, surtout dans la partie orientale, nous souffrons de la présence des responsables du génocide du Rwanda. Ils sont entrés au Congo et maintenant occupent plusieurs régions du pays, où ils extraient les ressources naturelles et les vendent aux sociétés étrangères. Les gains sont ensuite utilisés pour acheter des armes et se préparer à la guerre, pour tuer des populations locales et menacer la sécurité de toute la région. Oui, c’est donc une contradiction, et elle est terrible ; c’est une catastrophe.

L’Église catholique est essentielle pour l’Afrique. Elle l’est en termes d’instruction, avec un million d’élèves environ, et en termes de santé, avec plus de 2.000 hôpitaux, pour ne pas parler des cliniques et des orphelinats.

A quel point le travail de l’Église catholique est important pour les infrastructures des pays africains?

En Afrique, grâce à Dieu, nous avons l’Église mais surtout l’Église catholique. Je ne sais comment serait la situation actuelle en Afrique si l’Église n’était pas si dynamique.

Pour en revenir à la situation du Congo, je viens d’un diocèse de l’archidiocèse de Bukavu, qui gère plus de 500 écoles et une université catholique. Le diocèse gère aussi plus de 10 hôpitaux et plus de 200 centres de santé. On peut donc imaginer l’engagement et l’impact de l’Église locale dans cette zone. Tous le reconnaissent. L’Église contribue beaucoup à l’amélioration des conditions de vie des populations, surtout dans le domaine de l’instruction et de la santé.

A quel point le travail d’institutions comme la Caritas, Aide à l’Église en détresse et autres organisations de bienfaisance, est important?

Le pape Jean-Paul II avait fait appel au monde entier en disant : nous devons mondialiser la solidarité. Les organisations catholiques comme Aide à l’Eglise en détresse sont une manière concrète de mondialiser la solidarité selon l’Évangile et la doctrine sociale de l’Église. Il est donc extrêmement important que ces organisations viennent soutenir les Églises locales, car les Églises locales ont besoin d’être soutenues dans leur mission.

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Cette entretien a été fait sous la direction de Mark Riedemann pour « Where God Weeps », un programme télévisé et radiophonique hebdomadaire, produit par Catholic Radio and Television Network en collaboration avec l’organisation internationale Aide à l’Eglise en détresse.

Sur le Net :

– Aide à l’Eglise en détresse France  
www.aed-france.org

– Aide à l’Eglise en détresse Belgique

www.kerkinnood.be

– Aide
à l’Eglise en détresse Canada  
www.acn-aed-ca.org

– Aide à l’Eglise en détresse Suisse 
www.aide-eglise-en-detresse.ch

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ZENIT Staff

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