ROME, Vendredi 15 avril 2011 (ZENIT.org) - Parmi tous ceux qui se font une joie de la prochaine béatification de Jean-Paul II, figurent aussi des musulmans dont Ali al-Samman, le président du Comité égyptien pour le dialogue interreligieux du Conseil suprême pour les affaires islamiques.

Ali al-Samman, qui est aussi un représentant de l'université Al-Azhar, la plus prestigieuse institution académique de l'islam sunnite, a eu un rôle décisif dans la conclusion de la célèbre convention qui a donné naissance, en 1998, au Comité conjoint réunissant l'université d'Al-Azhar, au Caire, et le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.

Des discussions avec les non-croyants ont été entamées récemment grâce à l'initiative du « Parvis des Gentils ». Vous êtes un homme de dialogue. Que pensez-vous de l'invitation faite par le Vatican ?

Ali al-Samman - L'élément essentiel est celui d'établir un dialogue entre personnes sur la base du fait qu'il s'agit d'êtres humains et l'être humain passe avant les religions. Le dialogue du Vatican avec les non-croyants remonte au Concile œcuménique Vatican II. Je suis favorable à ce dialogue et j'y participe avec plaisir depuis le temps de Jean-Paul II. Je crois que c'est un pas important pour la construction d'une humanité dotée de responsabilités et de sentiments communs.

Dans les médias arabes, certains ont interprété les paroles du cardinal Kurt Koch sur la promotion du dialogue entre juifs et chrétiens, comme n'étant pas en ligne avec le dialogue entre musulmans et chrétiens. Vous êtes d'accord ?

Ali al-Samman - Assurément pas. La convergence juif-chrétien ne me dérange absolument pas, cela fait partie du système que je défends, car nous sommes tous des fils d'Abraham et personne ne peut séparer les fils d'Abraham. Nous savons aussi que ce dialogue existe depuis longtemps. Il n'est pas nouveau. Je voudrais souligner la montée des mouvements d'extrême droite en Europe qui montrent de l'hostilité envers les juifs et avec lesquels je suis en désaccord. J'estime que la liberté de foi et de religion est une question essentielle pour notre vie quotidienne.

L'archevêque chaldéen de Mossoul (Irak), Mgr Louis Sako, a dit que les États islamiques ne vivront pas dans une démocratie effective tant que les chrétiens ne seront pas considérés comme de vrais citoyens. Partagez-vous ce sentiment ?

Ali al-Samman - La démocratie et la citoyenneté forment un tout. C'est un point acquis et crucial dans les débats sur la citoyenneté en Égypte, et qui font actuellement l'objet de sessions de dialogue au niveau national. Nous faisons un gros effort pour que la citoyenneté devienne le fondement des principes. Voilà ce que les personnes rationnelles du monde islamique demande.

Mais la réalité semble contredire ce que vous dites...

Ali al-Samman - Une partie de la réalité pourrait être différente. Il y a ceux qui exagèrent, mais dans l'autre sens, et il y a ceux qui s'y oppose et refusent leurs affirmations. Personnellement, j'ai participé à beaucoup de programmes télévisés et j'ai écrit des articles de journaux pour dénoncer ces attitudes qui séparent au lieu d'unir. Comme moi il y a beaucoup de personnes qui luttent pour faire prévaloir ce concept de citoyenneté.

Est-il possible que l'Égypte devienne un autre Irak et que la situation des coptes ressemble à celle des chrétiens irakiens aujourd'hui ?

Ali al-Samman - L'histoire de l'Égypte et la langue de son sage peuple affirment que ce pays ne deviendra pas un autre Irak. C'est un pari. L'Irak et l'Égypte n'utilisent pas le même langage. Malgré les dernières déclarations des extrémistes, je ne pense pas que l'Égypte puisse devenir un autre Irak.

Il faut souligner qu'il existe une véritable autorité qui gouverne en Égypte, représentée par le Conseil suprême et par les forces armées. Ces derniers ne manquent pas de dénoncer et de mettre en garde contre toute violation de la sécurité ou de la légitimité qui pèse sur les citoyens, notamment sur les coptes. Cela a été clarifié par le Conseil dans ses déclarations au sujet de rumeurs circulant ces derniers jours pour terroriser les femmes et les jeunes filles coptes en Égypte. Il a été dit clairement que les violations de la légitimité et de la loi ne seraient pas tolérées.

Vous avez largement contribué à l'organisation de la visite de Jean-Paul II en Égypte, et vous l'avez rencontré à plusieurs reprises... Quels sentiments suscitent en vous sa béatification ?

Ali al-Samman - Comme croyant, ma réaction est celle de vouloir prier pour lui. Selon moi on lui accorde ce qui lui est dû, pour son travail, pour le travail que j'ai vu, auquel j'ai participé et dont je suis témoin. Ceci me montre à quel point il ouvrait son cœur, son esprit et ses bras au monde entier. J'ai vécu cela personnellement à Assise, quand je suis allé prononcer un discours au nom de l'imam Muhammad Sayyid Tantawy. Ce jour-là, j'étais sans doute, l'être le plus heureux de la Création.

Propos recueillis par Emil Ameen