Si on brûle des livres sacrés, les media doivent boycotter les images

Prise de position de responsables de religeux en Asie

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ROME, Jeudi 9 septembre 2010 (ZENIT.org) – Dans toute l’Asie, des responsables religieux condamnent le projet d’un pasteur américain de brûler des corans le 11 septembre. Ils invitent les media à boycotter les images indique, ce 9 septembre, « Eglises d’Asie » (EDA), l’agence des Missions étrangères de Paris.

Un peu partout en Asie, les mises en garde se multiplient pour dénoncer le projet d’un pasteur américain de brûler deux cents exemplaires du Coran le jour du neuvième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Les responsables religieux voient leurs appels relayés par les responsables politiques.

Dès que le projet du pasteur américain du Dove World Outreach Center en Floride a commencé à être connu, les responsables des Eglises chrétiennes en Asie ont perçu le danger pour les relations entre les communautés religieuses et notamment la très forte possibilité que les minorités chrétiennes de leurs pays soient victimes de représailles au cas où le pasteur américain irait jusqu’au bout de son projet.

Ainsi, dès le 24 août dernier, Mgr Leo Cornelio, archevêque catholique de Bhopal, au Madhya Pradesh, rencontrait une délégation de responsables musulmans afin de condamner l’initiative venue des Etats-Unis et de discuter de son éventuel impact en Inde. A l’issue de la rencontre, une lettre commune avait été envoyée au pape Benoît XVI, au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon et au président américain Barack Obama (1).

L’initiative n’a, semble-t-il, pas suffi à apaiser les esprits car, par un courrier posté le 31 août, l’église Bethlehem, lieu de culte de l’Eglise de l’Inde du Nord (2) situé à Bhopal, était menacée d’un attentat à la bombe. Selon son pasteur, le Rév. Sanjay Solomon, la lettre disait que la communauté chrétienne serait tenue pour « responsable » au cas où un seul exemplaire du Coran était profané. Immédiatement informée de la menace, la police a renforcé sa présence autour de l’église. L’archevêque de Bhopal a rappelé, à cette occasion, que les chrétiens condamnaient le projet du pasteur américain car brûler un livre saint « est un crime grave qui ne peut être pardonné ». De son côté, le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay et président de la Conférence épiscopale indienne, a qualifié le projet de « totalement irrespectueux envers le Coran ; une initiative d’autant plus choquante qu’elle s’inscrit en complète opposition avec l’enseignement de Jésus-Christ ».

Au plan gouvernemental, l’Inde a appelé les médias indiens à ne pas diffuser les images éventuelles de corans qui viendraient à être brûlés. Tout en demandant aux autorités américaines d’agir « pour éviter qu’un tel outrage soit commis », elle a réaffirmé sa condamnation du projet du pasteur américain. Majoritairement hindoue, la population indienne compte une forte minorité musulmane (13,4 % de la population), une petite minorité chrétienne (2,3 %) et connaît régulièrement des violences interreligieuses.

En Malaisie, où les relations entre musulmans et chrétiens ont été tendues dernièrement par une polémique liée à l’usage du mot « Allah » dans la principale publication catholique du pays (3), la branche jeunesse du Conseil des Eglises de Malaisie a remis, le 8 septembre, un mémorandum à l’ambassade des Etats-Unis demandant que le gouvernement américain empêche le pasteur d’agir et fasse du 11 septembre « une journée internationale de réconciliation ». De nombreux chrétiens se sont dit incapables de comprendre comment un pasteur protestant pouvait ne pas voir que « brûler le livre saint des musulmans va à l’encontre de tout ce que le livre saint des chrétiens, la Bible, enseigne ». Le gouvernement malaisien, pour sa part, a qualifié de « crime haineux » le projet du pasteur évangélique américain et demandé aux Etats-Unis d’empêcher cet acte. « C’est l’action et le crime le plus haineux qui soit, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Anifah Aman. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une attaque contre les musulmans, mais cela ne révolte pas seulement les musulmans de Malaisie et des autres pays. Les chrétiens non plus ne peuvent pas laisser faire ce type d’action. »

En Indonésie, pays qui compte la plus importante population musulmane de la planète ainsi qu’une forte minorité chrétienne (environ 10 % de la population), le projet américain a amené la Conférence épiscopale catholique (KWI) à organiser une rencontre des principaux leaders religieux pour le condamner. Le 2 septembre, au siège de la KWI, Mgr Petrus Canisius Mandagi, évêque d’Amboine, et Mgr Johannes Pujasumarta, de Bandung, ont ainsi accueilli le Rév. Andreas A. Yewangoe, président de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, plusieurs responsables religieux hindous, bouddhistes et confucéens ainsi que les responsables du Front des défenseurs de l’islam (FPI). Habituellement considéré comme appartenant à la mouvance islamique dure du pays, le FPI s’est dit sensible à la démarche des chrétiens d’Indonésie, son chef Habib Rizieq Shihab déclarant qu’il ne doit jamais être pratiqué d’autodafé de livres saints, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent. Cette affaire est « une opportunité pour nous d’approfondir le dialogue » entre chrétiens et musulmans, a-t-il ajouté. Auparavant, le 13 août, le P. Benny Susetyo, au nom de la KWI, avait remis 100 exemplaires du Coran à Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah, la deuxième plus importante organisation musulmane de masse du pays, à charge pour lui de les remettre à des Indonésiens musulmans détenus en Australie (de nombreux Indonésiens sont détenus dans ce pays pour avoir enfreint la législation sur l’immigration). « C’est une manière pour nous de bâtir une amitié vraie et un dialogue sincère fondés sur l’amour pour chacun », a déclaré à cette occasion le P. Susetyo.

Du côté gouvernemental, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a envoyé, ce jeudi 9 septembre, une lettre au président Barack Obama lui demandant de prendre des mesures pour empêcher que le livre saint des musulmans soit brûlé et éviter ainsi des tensions entre les religions. Un porte-parole de la présidence, Teuku Faizasyah, a indiqué : « Le projet de brûler le Coran suscite une très vive inquiétude car cela pourrait provoquer un conflit entre les religions. (…) Dans cette lettre, le président Yudhoyono a écrit que l’Indonésie et les Etats-Unis sont en train de construire un pont entre le monde occidental et l’islam. Si le Coran est brûlé, ces efforts seront anéantis. »

(1)           Le 8 septembre, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a condamné le projet du pasteur américain. « Chaque religion, avec ses livres saints, ses lieux de culte et ses symboles, a le droit au respect et à être protégée », peut-on lire dans le communiqué diffusé par le Saint-Siège.

(2)           L’Eglise de l’Inde du Nord (Church of North India, CNI) a été créée en 1970 à partir d’un regroupement de différentes dénominations protestantes. Elle comprend aujourd’hui environ 3 000 communautés rattachées à une vingtaine de diocèses.

(3)           Voir EDA 521, 522, 525

© Les dépêches d’Eglises d’Asie peuvent être reproduites, intégralement comme partiellement, à la seule condition de citer la source.

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ZENIT Staff

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