ROME, Jeudi 2 septembre 2010 (ZENIT.org) – Ce qui caractérise le Canadien Alfred Bessette, qui deviendra frère André et qui sera canonisé le 17 octobre, c’est sans aucun doute son « accueil inconditionnel de l’autre », sa « compassion », et sa « confiance en Dieu ». Dans cet entretien à Zenit, le vice-postulateur de sa cause de canonisation, le P. Mario Lachapelle, fait le portrait de ce futur saint auquel plus d’un million de personnes étaient venues rendre hommage, lors de ses funérailles, en janvier 1937.
Zenit – Comment Fr. André a-t-il compris qu’il avait reçu la vocation de consacrer toute sa vie à Dieu ?
P. Mario Lachapelle – On peut discerner trois étapes importantes dans le développement de la vie de foi de frère André. Celle de sa jeunesse (1845-1870) où il connut de grandes épreuves (une santé faible et le manque d’instruction, la perte de ses deux parents à un âge jeune, l’exil en pays étranger pour trouver du travail) ; cette période permit à frère André de consolider fortement sa relation à Dieu. On aurait dit qu’au lieu de le détourner de Dieu, les événements malheureux de la vie ne faisaient que l’en approcher. Il y a ensuite la période qui s’étend de 1870 (son entrée dans la Congrégation de la Sainte-Croix comme religieux frère) à 1904 (la construction de la chapelle primitive dédiée à saint Joseph sur le Mont-Royal). Beaucoup d’obédiences sont alors confiées au jeune religieux malgré son mauvais état de santé. Il est nommé, entre autres choses, portier au Collège Notre-Dame de la Côte-des-Neiges à Montréal au Canada. Il accueille visiteurs et parents. L’autre devient alors une réalité importante pour frère André ; il s’ouvre au prochain comme il a su s’ouvrir auparavant à Dieu. Il échappe ainsi à l’enfermement d’une relation exclusive à Dieu où les épreuves de la vie auraient pu le conduire. Il apprend qu’on ne peut aimer vraiment Dieu sans aimer son prochain ni aimer les autres sans reconnaître la présence de Dieu en eux. L’accueil, la compassion, l’ouverture à l’autre deviennent des traits caractéristiques de sa personne. Sa réputation de thaumaturge commence aussi à se répandre au-delà des murs du collège. Enfin, de 1904 à sa mort le 6 janvier 1937, commence son ministère public. À 60 ans, à un âge où souvent on ne pense qu’à la retraite, il se fait bâtisseur du plus grand sanctuaire jamais dédié à saint Joseph. Frère André n’est pas seulement un bâtisseur d’un édifice de pierres mais d’une communauté chrétienne vivante. Il devient un rassembleur remarquable. Plus d’un million de personnes viendront lui rendre hommage à ses funérailles malgré un temps d’hiver des plus difficiles et aujourd’hui encore, plus de deux millions et demi de pèlerins et de visiteurs viennent chaque année à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.
Comment était sa relation avec Dieu avant qu’il devienne frère ? Pendant son enfance et sa jeunesse ?
C’est sur les genoux de sa mère qu’il a appris ses premières prières et qu’il a appris à aimer Dieu. La perte de son père à l’âge de 9 ans et celle de sa mère à l’âge de 12 ans l’a profondément ébranlé. Marie et Joseph deviendront alors ses parents d’adoption. Ils lui serviront de guide pour aller à Dieu. La prière et la fréquentation des sacrements occupent une grande partie de sa vie. Il apprend la confiance en Dieu malgré de rudes épreuves. « La prière – confia-t-il plus tard à un de ses amis – est ma meilleure arme ».
Pouvez-vous nous parler de son service en tant que concierge au collège Notre-Dame ?
C’est sans doute peu à peu que le frère André découvrit sa vocation à servir et à faire aimer le Seigneur. Sa fonction de portier au Collège Notre-Dame de la Côte-des-Neiges à Montréal a dû l’aider dans ce sens puisqu’il y avait à recevoir beaucoup de parents et de visiteurs. Il s’informait discrètement auprès de chacun de l’état de santé des membres de la famille et de leurs affaires. Il en profitait souvent pour placer un bon conseil et pour encourager tous et chacun à faire confiance au Seigneur.
Quel a été le miracle qui a conduit à sa canonisation ?
Un jeune garçon de 9 ans fut victime d’un accident de la route qui lui infligea un sérieux traumatisme crânien et le plongea dans un coma irréversible menant à la mort. Les prières des gens très proches de lui, et l’intercession de frère André, l’ont ramené à l’état conscient et à la santé, et cela a été jugé scientifiquement inexplicable par plusieurs experts en médecine. Ce cas s’est produit en 1999.
Quelles étaient ses principales vertus ?
Sans nul doute, la compassion, l’accueil des plus démunis et la confiance en Dieu. Il aimait à dire que « Dieu, c’est avec les plus petits pinceaux qu’il fait les plus beaux tableaux ». Cela signifie que chacun a du prix aux yeux de Dieu et personne ne devrait être exclu de son amour ou se trouver indigne de Lui. À une époque où trop souvent ses contemporains avaient une image d’un Dieu lointain et justicier, il se plaît à dire que Dieu est tout proche de chacun de nous et que l’on ne devrait pas oublier de parler de sa miséricorde. Il sut aussi très tôt s’entourer de laïcs et leur faire confiance. Son accueil inconditionnel de l’autre le conduisit à un œcuménisme avant-gardiste. Une des plus grandes qualités de frère André résidait sûrement dans sa grande habilité à parler tout simplement, avec des mots de tous les jours, de la grandeur et de l’amour de Dieu. Il savait parler au cœur des gens. Lorsque les gens venaient le visiter à son bureau d’accueil, tous n’étaient pas guéris dit-on mais tous repartaient transformés.
Que signifie sa canonisation pour le Canada ?
À une époque difficile pour l’Eglise canadienne, les croyants du Canada tout entier se réjouissent de constater que Dieu est bien parmi eux et qu’il manifeste des signes non-équivoques de sa présence. La reconnaissance officielle faite présentement par l’Eglise universelle de la sainteté d’un humble frère canadien donne à tous et chacun une raison de persévérer plus que jamais dans leur foi. Au cours des récentes années, plus de 10 millions de pèlerins qui sont venus à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal ont signifié par écrit leur désir que l’Église reconnaisse au plus tôt la sainteté de l’humble ami des pauvres et des affligés. C’est un nouveau souffle d’espérance pour l’Église canadienne.
A-t-il écrit quelque chose ? Etes-vous en possession de ses écrits ?
Frère André n’a jamais écrit de sa vie. Nous possédons seulement quelques signatures de sa main. La connaissance de ses dévotions, de sa spiritualité et de sa personne nous vient surtout de personnes qu’il a côtoyées et qui ont laissé un témoignage écrit de leurs rencontres.
Propos recueillis par Carmen Elena Villa