ROME, Lundi 17 mai 2010 (ZENIT.org) - Dans le pontificat de Benoît XVI, il y aura un « avant » et un « après » son pèlerinage apostolique au Portugal : c'est ce qui ressort des entretiens avec les experts de l'information religieuse ou de leurs chroniques et impressions, qu'ils soient favorables ou hostiles à la pensée de Joseph Ratzinger.

A la veille de cette visite, tous s'accordaient à dire que le pape entreprenait son quinzième voyage apostolique international (du 11 au 14 mai), dans des circonstances particulièrement défavorables, du fait de la crise « terrifiante » que l'Eglise catholique a vécue ces derniers mois après les révélations d'abus sexuels commis contre des mineurs par des membres du clergé.

Une forteresse inattendue

Dès le premier jour du voyage, certains médias, qui avaient lancé des attaques sans précédent contre un pape, ont pris conscience que quelque chose était en train de changer radicalement. Le « New York Times » publiait, le 11 mai, sur Internet une chronique de Rachel Donadio, dans laquelle la journaliste considère que les paroles de l'évêque de Rome aux journalistes « ont été les plus dures » qu'il ait prononcées sur le sujet.

« Les attaques 'ne viennent pas seulement de l'extérieur' constatait le pape, mais 'les souffrances de l'Eglise viennent de l'intérieur même de l'Eglise, du péché qui existe dans l'Eglise'. Et la chronique revenait sur les récentes mesures prises par le pape pour purifier l'Eglise.

« Il s'agit là d'un exemple clair du changement de ton que le pape est en train d'imprimer au Vatican », commente John L. Allen Jr., vaticaniste de l'hebdomadaire américain National Catholic Reporter.

Miguel Mora, correspondant au Vatican du quotidien madrilène « El País », un des journaux européens les moins complaisants envers la papauté, dans une analyse intitulée "Le gladiateur solitaire", présentait le Saint-Père ainsi : « Alors que les scandales pédophiles couverts par le clergé déclenchaient la pire crise que l'Eglise ait connue depuis des décennies, Ratzinger a donné le meilleur de lui-même ». Et le correspondant du journal reconnaissait en ce pape « le courage et la férocité d'un gladiateur solitaire, inhabituels chez un homme de 83 ans », dans « la purification d'une Eglise 'pécheresse' ».

L'affection des fidèles en chiffres

Le changement d'attitude des journalistes est renforcé par les chiffres surprenants de la visite papale. Le pontife a rassemblé sur l'esplanade du sanctuaire de Fatima, le 13 mai, une foule de plus d'un demi-million de personnes, soit cent mille de plus qu'en 2000, lors du dernier pèlerinage de Jean Paul II à Fatima, pour la béatification de Jacinthe et François.

A Lisbonne, le pape a rassemblé quelque 200 000 personnes à la messe, et environ 120 000 à Porto. En comptant toutes les personnes présentes le long des rues dans les trois localités visitées, on arrive probablement au million. Dans un pays de 10 millions d'habitants, ce sont 10% d'entre eux qui ont rencontré le souverain pontife.

Un Benoît XVI jusqu'alors inconnu

Cette fois-ci, les médias n'ont pas vu dans la timidité du pape un hôte froid. Bien au contraire, ils ont su percevoir son côté le plus intime, en particulier lorsqu'ils l'ont vu s'agenouiller, le 12 mai, devant la Vierge, dans la chapelle des apparitions de Fatima.

Jean-Marie Guénois, chroniqueur Religion du Figaro, qui se trouvait alors à quelques mètres du pape, a immortalisé ces minutes où Benoît XVI a offert à la Vierge une rose en or et en argent.

« Puis, il s'est comme transformé au moment où son assistant lui a remis le fameux présent pour qu'il le dépose au pied de la statue. Et là, ce n'était plus un pape mais un enfant. Il s'est avancé avec le sourire d'un petit le jour de la fête des mères ». Benoît XVI a déposé ce cadeau au pied de la Vierge puis s'est mis à prier : « Longues minutes paradoxales où se lient l'absence, une étonnante présence et le silence ».

« Autour, près de 300 000 personnes vibraient au diapason », poursuit le chroniqueur. Son maître des cérémonies est alors venu lui prendre délicatement le bras : « L'enfant est redevenu pape ».

Dans le vol papal du retour à Rome dans l'après-midi de vendredi, Octávio Carmo, de l'agence de presse catholique portugaise "Ecclesia", choisit également ce moment pour résumer ce pèlerinage : « C'est sans doute le voyage qui définit le mieux le pontificat de Benoît XVI : un homme qui surprend les multitudes qui ne le connaissent pas, mais qui se révèle plus intensément en privé ».

La mission prophétique de Fatima n'est pas achevée

Andrea Tornielli, vaticaniste du quotidien italien "Il Giornale", a souligné les paroles de l'homélie que le pape a prononcée le 13 mai, quand il a prévenu « Celui qui penserait que la mission prophétique de Fatima est achevée se tromperait », considérant que le message de la Vierge ne se limite pas à l'attentat de 1981 contre Jean Paul II.

Dans sa fameuse conférence de presse dans l'avion, Benoît XVI lui-même a reconnu que dans le texte du troisième secret de Fatima « on voit la nécessité d'une passion de l'Église, qui naturellement se reflète dans la personne du pape ».

Jeudi, lors de sa rencontre avec les évêques du Portugal, Benoît XVI a présenté ainsi sa mission à la lumière de Fatima : « Le Pape a besoin de s'ouvrir toujours davantage au mystère de la Croix, en l'embrassant comme l'unique espérance et le moyen ultime pour gagner et réunir dans le Crucifié tous ses frères et sœurs en humanité ».

Après avoir laissé transparaître en direct des émotions aussi profondes, une nouvelle étape du pontificat de Benoît XVI commence, du moins pour les professionnels de l'information religieuse.

Jesús Colina