Homélie du cardinal André Vingt-Trois à Saint-Pierre de Rome le 7 juin 2009

Séminaire pontifical français, des Spiritains à la conférence épiscopale

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ROME, Mercredi 17 juin 2009 (ZENIT.org) – « Le Dieu auquel nous croyons est le Dieu de l’Alliance de l’amour et de la fidélité. Il est constamment présent et actif au milieu des hommes », a fait observer le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la conférence des évêques de France, lors de la messe qu’il a présidée le dimanche 7 juin, dimanche de la Sainte-Trinité, à Rome, en la Basilique Saint-Pierre.

Cette célébration marquait le passage de flambeau entre les Pères Spiritains et la conférence épiscopale française pour la responsabilité du séminaire pontifical français de Rome.

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et sœurs,

Le mystère de la Trinité n’est pas d’abord une énigme posée pour exercer les capacités remarquables des théologiens et leur habileté à manœuvre les concepts pour expliquer les relations entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Ce mystère est le cœur de notre foi. Et si les théologiens sont sollicités pour l’explorer, c’est précisément parce que dire quelque chose de ce mystère qui est au cœur de notre foi, porte un enjeu qui dépasse largement la formulation d’une impossible conjugaison entre l’adhésion à un Dieu unique et la reconnaissance de trois personnes également divines. Trop souvent, nous nous laissons saisir par le sentiment de cette aporie qui ne pourrait être dépassée qu’au prix d’une trahison de la foi monothéiste, en devenant des « polythéistes qui s’ignorent ». Ce n’est pas ainsi que la révélation judéo-chrétienne nous donne à découvrir qui est le Dieu auquel nous croyons. Car ce n’est pas ainsi que Dieu se manifeste à l’humanité.

Les relations trinitaires sur lesquelles tant d’esprits ont pali depuis les origines de la théologie chrétienne ne sont pas simplement le régime qui règle les rapports internes à la réalité de Dieu. Ces relations portent la manière même dont Dieu pénètre l’histoire des hommes et dont il se fait connaître. L’histoire nous montre que les hommes peuvent vraiment rendre témoignage à cette indivisible Trinité, au point que certains au cours des siècles ont donné leur vie par fidélité à la divinité du Christ et à la divinité de l’Esprit. Mais en même temps, nous découvrons que nos balbutiements ne peuvent se fonder que sur ce qui nous est révélé, sur l’histoire des relations entre Dieu et l’humanité. Dieu ne nous invite pas à spéculer sur ce que nous ignorons. Il nous invite à nous plonger dans ce qu’il nous révèle de lui-même, et à découvrir combien nous ignorons qui il est.

Nous pouvons dire sans crainte que le trait principal de ce Dieu qui se révèle à nous, est sa proximité avec l’humanité. Dans la foi d’Israël en la création, dans sa manière de vivre l’Alliance conclue avec Moïse, en passant par tous les épisodes de l’histoire tourmentée des relations de Dieu avec son peuple choisi, nous découvrons que le Dieu unique et sans autre pareil, invisible, insaisissable, impossible à localiser et à représenter, est très profondément impliqué dans le déroulement de l’histoire humaine. Il y est présent et actif par sa parole, par ses messagers, par le code de l’Alliance qu’il donne sur le Sinaï, par des actes de force et de puissance quand il arrache son peuple à l’Egypte, par des signes de tendresse et de miséricorde quand il relève le peuple pécheur, par une promesse d’espérance quand la nation est détruite et que tout semble perdu dans l’exode comme dans l’exil. Dieu est toujours présent, il est celui qui n’abandonne pas son peuple. Et cette réalité se manifeste d’une façon inimaginable dans l’envoi de son Fils unique. Celui-ci n’est plus simplement un messager et un intermédiaire. Il est Dieu lui-même en notre chair. Il établit sa présence au cœur des fidèles par l’envoi de son Esprit.

Le Dieu auquel nous croyons est le Dieu de l’Alliance de l’amour et de la fidélité. Il est constamment présent et actif au milieu des hommes. Dieu n’est pas seulement là pour des épisodes fondateurs, comme la naissance, la vie, la mort et la résurrection de Jésus ou l’envoi de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Car alors, l’expérience de la foi des générations suivantes serait vécue dans l’impression et le sentiment d’une absence plutôt que d’une présence, en contradiction avec la Parole du Christ que nous venons d’entendre : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Le don de l’Esprit Saint qui vient habiter nos cœurs et qui fait de nous des enfants de Dieu, nous permet d’attester dans la foi que la présence active de Dieu est continue au long des siècles dans le cœur des croyants et à travers ses interventions libres et imprévisibles qui vont toucher des hommes et des femmes, même quand ils n’ont jamais entendu parler de lui.

Croire au Dieu Trinité c’est avoir foi en cette présence active de Dieu à l’humanité, c’est vivre cette espérance que jamais aucun homme sur cette terre ne peut se considérer comme abandonné de Dieu et rejeté de lui, c’est avoir la certitude que tous ceux qui écoutent sa Parole et mettent en pratique ses commandements deviennent témoins de sa présence, acteurs de sa proximité et instruments de son amour. Ceux qui croient sont établis dans l’Alliance entre Dieu et l’humanité, que Jésus scelle par le don qu’il fait de sa vie, que nous établissons en nous unissant à l’offrande du Christ, et que nous sommes chargés d’annoncer à l’humanité toute entière, même si aujourd’hui encore beaucoup n’y sont pas encore entrés.

Baptisés dans le Père, le Fils et le Saint Esprit, plongés dans l’amour qui unit le Père, le Fils et le Saint Esprit, nous découvrons les manifestations de cet amour à travers l’existence de tant d’hommes et de femmes qui donnent à l’Evangile sa figure visible au milieu des hommes. Parler de la Trinité, de l’Esprit Saint, de Jésus Fils de Dieu et de Dieu le Père, ce n’est pas parler de ce que nous ne connaissons pas. C’est remonter de ce que nous connaissons vers ce que Dieu veut nous faire connaître. C’est remonter de l’expérience vécue de l’amour que nous nous portons les uns aux autres par la grâce de Dieu vers l’origine de cet amour. C’est remonter de l’expérience du service des hommes que par la grâce de la charité les membres de l’Église essayent d’accomplir comme ils peuvent à travers toutes les circonstances de l’Histoire, vers le foyer de cette charité. C’est remonter du don que nous faisons de nous-mêmes pour découvrir la source de ce don. C’est savoir que Dieu, des origines jusqu’à la fin des temps, est essentiellement un être de don, qui se donne totalement lui-même à l’humanité.

Nous avons reçu cette grâce d’être plongés dans cette vie du don perpétuel de Dieu. Dans nos faiblesses, dans nos étroitesses, dans nos lenteurs et dans notre indifférence, ce don ouvre une brèche pour que nous puissions faire à notre tour le don de notre personne. Baptisés et confirmés dans le Christ, nous sommes tous invités à participer à la Passion du Christ pour devenir en Lui les enfants bien-aimés du Père et donner au monde le signe que Dieu est Père, Fils et Esprit. Comment mieux affirmer notre sens de ce baptême trinitaire et montrer qu’il marque le cœur de notre vie et même chaque instant de notre existence qu’en refaisant avec toute la conscience dont nous sommes capables, le geste et la parole du signe de croix, qui nous désignent comme ceux qui ont été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Amen.

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ZENIT Staff

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