D’un diocèse à un dicastère (I)

Entretien avec Mgr Bruguès, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique

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ROME, Mardi 15 janvier 2008 (ZENIT.org) – Avant de prendre ses fonctions comme nouveau secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, Mgr Bruguès, dominicain, évêque d’Angers, a accordé un entretien à ZENIT dans lequel il analyse quelques grands défis de l’Eglise.

Dans la première partie de cet entretien, Mgr Bruguès explique ce qui l’a particulièrement marqué en tant qu’évêque d’Angers : un synode qui a duré deux bonnes années et qui a mobilisé presque vingt mille personnes, mais aussi une expérience très positive avec les jeunes et la mise en place d’un enseignement de « culture chrétienne » dans les écoles catholiques, une expérience qu’il aimerait voir généralisée.

Zenit – Monseigneur, vous passez de la gestion d’un diocèse à une fonction qui est celle de secrétaire de Congrégation, à laquelle vous avez été nommé le 10 novembre dernier. Comment vivez-vous cette période intermédiaire ?

Mgr Bruguès – La période intermédiaire est une période difficile, parce qu’il m’a fallu venir déjà deux fois à Rome, et je dois y venir une troisième fois au cours du mois de janvier. On m’a présenté le travail de la congrégation, on m’a expliqué les dossiers qui étaient ouverts, et notamment les plus délicats ou les plus urgents. Ce qui veut dire que mon esprit se trouve déjà impliqué, en partie bien sûr, dans ce travail de la congrégation. Et en même temps, je reste dans mon diocèse où j’ai des activités qui se trouvent comme condensées dans ces dernières semaines. J’ai le souci de laisser un diocèse en bon état de marche. J’ai appris que le pape souhaitait me nommer secrétaire de la congrégation pour l’éducation catholique cinq jours après seulement la fin de notre synode diocésain. Un synode qui a duré deux bonnes années, qui a mobilisé presque vingt mille personnes (dans un diocèse qui compte 750 000 habitants, ça vous montre la mobilisation et l’intérêt). J’ai le souci dans cette période intérimaire de faire passer le message suivant : la charte du synode a été approuvée, donc elle est active ! Comme administrateur apostolique, je suis en droit de prendre des décrets d’applications (j’en ai déjà pris cinq) et l’aventure du synode continue, même si l’évêque vient à partir. Mon successeur se trouvera lié par cette charte synodale.

Zenit – Quels sont, au moment de quitter le diocèse d’Angers, les points les plus saillants que vous relevez dans ce que vous y avez vécu ?

Mgr Bruguès – Souvent, quand on demande à un écrivain : « Quel est le livre que vous préférez parmi ceux que vous avez écrits ? », il répond : « Le dernier ». Mon dernier gros chantier a été le synode, je viens d’en parler, qui s’est déroulé de manière excellente. Je crois que ça a été une expérience très forte de la présence de l’Esprit Saint. L’Eglise n’est pas seulement une construction humaine, même s’il faut évidemment des structures et une administration. Cette troisième personne de la Trinité qui reste quand même, en Occident, le grand inconnu, peut-être même le grand absent (j’entends dans la vie spirituelle : il n’y a pas beaucoup d’églises ou de lieux qui sont consacrés à l’Esprit Saint …), voilà que tout un diocèse a senti la force de sa présence et le réconfort, ou l’audace et le dynamisme, que sa présence suscite. C’est ma dernière grande expérience. A l’intérieur de cette expérience, ou avant selon les cas, j’ai eu des moments forts, notamment avec les plus jeunes. Je trouve significatif que notre synode ait donné comme premier principe de la mission : miser sur les jeunes et leur faire confiance.

Zenit – Comment décririez-vous la jeunesse actuelle ?

Mgr Bruguès – Chez nous, nous avons la chance d’avoir une jeunesse que je qualifierais d’extraordinaire. Elle est généreuse. Elle est minoritaire, c’est vrai, quand on regarde les chiffres d’ensemble, mais elle en veut. Elle sait qu’elle ne sait pas, du point de vue de la culture chrétienne, elle se rend compte à quel point le contenu de la foi lui est peu familier, mais elle veut apprendre ! D’où le succès des catéchèses auprès des jeunes, qu’il s’agisse des adolescents ou qu’il s’agisse des grands jeunes, étudiants ou jeunes professionnels. Et pour moi cette jeunesse m’aide à poser un acte de foi dans l’avenir de l’Eglise, y compris chez nous au sein d’une société en voie de sécularisation rapide. Chaque année, au mois de juillet, je suis allé à Lourdes avec six cents adolescents. Lorsque je faisais des catéchèses, c’était par centaines et parfois plus du millier que les jeunes venaient. Nous avons fait une fête de la catéchèse, nous avions sept mille enfants. Evidemment, les chiffres ne disent pas tout. Le titre du synode était : « Cet avenir à aimer », mais l’objectif était de réconcilier nos chrétiens, nos baptisés, avec leur avenir.

Zenit – En France vient d’avoir lieu un grand débat sur la catéchèse et les écoles catholiques. Quelles sont votre position et vos réflexions sur ce sujet ?

Mgr Bruguès – La situation de l’école catholique diffère beaucoup d’un pays à l’autre. Je limite mon analyse à la France. Encore un chiffre : dans mon diocèse, l’enseignement catholique regroupe 41 % des jeunes. Presque un sur deux. Quand on dit que l’Eglise n’a plus de contact avec les jeunes, ce n’est évident pas vrai, puisque chez nous, elle a, comme naturellement par ces écoles, la possibilité de s’adresser presque à un jeune sur deux. Que faisons-nous de cette chance ? C’est la question qui nous est posée. Je crois qu’aujourd’hui nous avons à propos de l’école catholique un débat que je trouve intéressant, bienvenu, même si quelquefois il est mené à coup de canon, un débat qui nous oblige à redire, nous, évêques, prêtres, directeurs d’établissements, enseignants : une école catholique, c’est quoi ? De la manière la plus légitime, nous pouvons rappeler que le terme « catholique » a deux sens. Catholique c’est universel, donc nos établissements doivent avoir comme souci de s’ouvrir à ceux qui viennent frapper à la porte de ces établissements, notamment ceux qui ont plus de difficultés peut-être à l’intérieur de la société. Catholique veut dire, deuxième sens, ouverte au plus grand nombre, confession d’une foi. Une école catholique, c’est une école dans laquelle la culture dispensée est orientée vers la confession de foi spécifique.

Zenit – Comment peut-on articuler ces deux dimensions de l’école catholique ?

Mgr Bruguès – Alors, entre ces deux définitions du terme catholique, universelle et spécificité, il existe, il a toujours existé, une tension que je trouve salutaire. Le danger serait de vouloir supprimer un des deux termes, afin de réduire ou de supprimer cette tension. Si vous supprimez la dimension universelle, vous faites de l’école catholique une école de communauté particulière, et dans certains cas, peut-être, une école ghetto. Si vous supprimez la dimension de confession de foi, vous faites de l’école catholique une école « courant d’air », sans génie propre. Si vous ouvrez toutes les fenêtres dans une maison, vous obtenez du courant d’air, mais pas du travail suivi. Donc je suis partisan déterminé de cette tension.

Zenit – Concrètement, qu’est ce que ça veut dire ?

Mgr Bruguès – Je vous donne un exemple précis. Quand je suis arrivé dans le diocèse, je me suis rendu compte que lorsque des parents viennent faire inscrire leurs enfants dans un établissement catholique, le directeur de l’établissement disait qu’il y avait dans cette école une proposition de la foi qui était faite, une proposition catéchétique. Les parents étaient libres d’accepter ou de refuser. Que se passait-il lorsqu’ils refusaient. Rien. Il n’y avait plus rien. C’était catéchèse ou rien. Je crois que c’est une
mauvaise manière de poser la question et donc nous avons tenté une expérience dont je suis très content, très heureux, très fier aussi. Nous avons commencé à constituer un cycle de culture chrétienne, je ne dis pas culture religieuse, mais culture chrétienne.

Zenit – En quoi consiste cette proposition de culture chrétienne ?

Mgr Bruguès – Avec les supports les plus modernes, nous avons créé une pédagogie, une méthodologie de culture chrétienne qui, très bien réalisée sur le plan technique, enchante les enfants. Donc, dans la moitié des établissements scolaires de notre diocèse, la culture chrétienne est obligatoire pour tous. Si les parents veulent faire inscrire leurs enfants dans cette école, ils savent au début qu’il y aura un enseignement vivant de culture chrétienne. Ce n’est pas la catéchèse. Et pour ceux qui le souhaiteraient, il y a en plus, une proposition catéchétique. Donc ce n’est pas « ou-ou », c’est « et-et » ! Ce que nous constatons, c’est que cet enseignement de culture chrétienne est vécu comme une première annonce de la foi pour plusieurs, à tel point que le nombre d’enfants qui s’inscrivent en catéchèse a augmenté du tiers. Je souhaiterais donc que cette expérience soit mieux connue, reconnue, et pourquoi pas généralisée, d’autant plus que les diocèses d’Angers et de Nantes qui se sont associés, ont créé avec ce document « Anne et Léo reporters » un instrument extraordinaire. Cet exemple permet de reconnaître comment on peut vivre avec le plus grand profit cette tension entre l’universel et la spécificité.

Vous avez parlé de ces lieux auxquels on vient frapper parfois, comme l’école catholique. Dans votre nouvelle fonction, vous aurez aussi en charge les séminaires. Quelle peut être en occident, la politique des séminaires face à la baisse des vocations.

Fin de la première partie

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ZENIT Staff

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