ROME, Vendredi 7 septembre 2007 (ZENIT.org) – Sans la souffrance, notre travail serait un pur travail social, ce ne serait pas l’œuvre de Jésus Christ, ce ne serait pas une participation à la Rédemption, a affirmé Mère Teresa de Calcutta.

C'est ce que la bienheureuse albanaise explique dans une lettre à un directeur spirituel, qui vient d'être publiée, avec d'autres lettres, dans un volume intitulé « Come Be My Light » (Viens, sois ma lumière), édité et présenté par le postulateur de sa cause de canonisation, le père Brian Kolodiejchuk, Missionnaire de la charité.

Dans cet entretien à ZENIT, dont nous publions ci-dessous la deuxième partie, le père Kolodiejchuk présente l’ouvrage qu’il vient d’éditer en nous faisant découvrir plus en profondeur l’extraordinaire vie intérieure de Mère Teresa. (Pour la première partie, cf. Zenit du 6 septembre).

Zenit – Le titre du livre « Viens sois ma lumière » était une demande de Jésus à Mère Teresa. Sa souffrance rédemptrice pour les autres, vécue dans la « nuit obscure » qu’elle traversait, a-t-elle un lien avec son charisme particulier ?

P. Kolodiejchuk – Dans les années 50 Mère Teresa s’est résignée et a accepté l’obscurité. Le père Neuner [l’un de ses directeurs spirituels] l’a aidée à comprendre cette situation en faisant le lien entre l’obscurité et son charisme d’étancher la soif de Jésus.

Elle disait que la plus grande pauvreté était de se sentir mal aimé, rejeté, délaissé, et c’est exactement ce qu’elle ressentait dans sa relation avec Jésus.

Elle vivait la souffrance réparatrice, ou souffrance pour les autres, comme une manière de vivre son charisme pour les plus pauvres d’entre les pauvres.

Souffrir ne signifiait donc pas seulement pour elle s’identifier aux pauvres sur le plan physique et matériel, mais elle s’identifiait, également sur le plan intérieur, aux personnes mal aimées, seules, rejetées.

Elle a renoncé à sa propre lumière intérieure, pour ceux qui vivaient dans l’obscurité, en disant : « Je sais que ce ne sont que des sentiments ».

Dans une lettre à Jésus elle écrivit : « Jésus, entends ma prière, si cela te fait plaisir. Si ma douleur et ma souffrance, mon obscurité et ma séparation te procurent une goutte de consolation. Mon Jésus, fais de moi ce que tu veux, à condition que ce soit sans un seul regard à mes sentiments et ma souffrance. Je suis à toi. Grave sur mon âme et ma vie les souffrances de ton cœur. Ne regarde pas mes sentiments, ni même ma souffrance ».

« Si le fait que je sois séparée de toi permet que d’autres personnes aillent vers toi et que tu trouves la joie et le plaisir dans leur amour et leur compagnie, je veux de tout mon coeur souffrir ce que je souffre, pas seulement maintenant mais pour l’éternité, si cela était possible ».

Dans une lettre à ses sœurs elle explicite le charisme de l’Ordre en disant : « Mes chères enfants, sans la souffrance notre travail serait un pur travail social, très bon et profitable mais ce ne serait pas l’œuvre de Jésus Christ, ce ne serait pas une participation à la Rédemption. Jésus a voulu nous aider en partageant notre vie, notre solitude, notre agonie et notre mort.

« Il a tout pris sur Lui et l’a porté dans la nuit la plus obscure. Ce n’est qu’en étant un avec nous qu’Il nous a sauvés.

« Il nous est permis de faire de même : toute l’affliction des pauvres, pas seulement leur pauvreté matérielle mais aussi leur profonde misère spirituelle, doit être rachetée et nous devons y participer. Priez donc lorsque c’est dur : ‘Je veux vivre dans ce monde qui est loin de Dieu, qui s’est tellement détourné de la lumière de Jésus, pour les aider, pour prendre sur moi une partie de leur souffrance’ ».

Et ceci résume ce que je considère sa mission : « Si un jour je deviens sainte, je serai certainement une sainte de ‘l’obscurité’. Je serai continuellement absente du Ciel, pour [allumer] la lumière de ceux qui se trouvent dans l’obscurité sur la terre… ».

Voilà comment elle comprenait son obscurité. Nous comprenons mieux certaines de ses déclarations et celles-ci ont une signification beaucoup plus profonde maintenant que nous savons ces choses.

Zenit – Que dites-vous à ceux qui qualifient son expérience de crise de la foi, qui prétendent qu’elle ne croyait pas vraiment en Dieu ou insinuent que son obscurité était un signe d’instabilité psychologique ?

P. Kolodiejchuk – Ce n’était pas une crise de la foi, ou un manque de foi mais elle vivait une épreuve de la foi dans laquelle elle avait le sentiment de ne pas croire en Dieu.
Cette épreuve a nécessité une grande maturité humaine. Sans cette maturité elle n’aurait pas réussi à la surmonter. Elle aurait perdu son équilibre.

Comme a affirmé le P. Garrigou-Lagrange, il est possible d’éprouver simultanément des sentiments apparemment contradictoires.

Il est possible d’éprouver une « joie chrétienne objective » comme l’a appelée Carol Zaleski, tout en traversant l’épreuve ou le sentiment de ne pas avoir la foi.

Il ne s’agit pas ici de deux personnes mais d’une seule personne avec des sentiments à différents niveaux. On peut réellement être en train de vivre la croix d’une certaine manière – c’est douloureux, cela fait mal et le fait de pouvoir la spiritualiser n’ôte pas la douleur, tout en étant dans la joie car on vit avec Jésus. Et ceci n’est pas faux.

C’est la raison pour laquelle Mère Teresa vivait une vie remplie de joie.

Zenit – En tant que postulateur de sa cause, pensez-vous que Mère Teresa sera bientôt canonisée ?

P. Kolodiejchuk – Nous avons besoin d’un miracle supplémentaire. Nous en avons examiné quelques uns mais aucun n’était suffisamment clair. Il y en avait un pour la béatification mais nous attendons le deuxième.

Dieu attendait peut-être que le livre soit d’abord publié car les gens savaient que Mère Teresa était sainte mais elle était tellement ordinaire et s’exprimait de manière tellement simple qu’ils n’ont pas compris la profondeur de sa sainteté.

On m’a rapporté la conversation de deux prêtres l’autre jour. L’un d’entre eux affirmait qu’il n’avait jamais été un grand « fan » de Mère Teresa car pour lui elle avait simplement fait preuve d’une grande piété, d’une grande dévotion et avait accompli une œuvre admirable, mais lorsqu’il a entendu parler de sa vie intérieure, tout a changé.

Nous voyons maintenant plus clairement sa profondeur spirituelle. Ses caractéristiques les plus profondes ont été en partie révélées.

Lorsque le miracle aura eu lieu, cela pourrait prendre deux ans, même si le pape pourrait accélérer le processus s’il le souhaite.

Zenit – Comment a vécu l’Ordre depuis la mort de Mère Teresa ?

P. Kolodiejchuk – Près de 1.000 nouvelles sœurs sont entrées dans l’Ordre qui est passé d’environ 3.850 sœurs à la mort de Mère Teresa à 4.800 aujourd’hui, avec plus de 150 nouvelles maisons dans plus de 14 pays.
L’œuvre de Dieu se poursuit.