L’extraordinaire vie intérieure de Mère Teresa (I)

Entretien avec le postulateur de la cause de canonisation de la bienheureuse

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ROME, Jeudi 6 septembre 2007 (ZENIT.org) – Qu’elle ressente de l’amour ou non, Mère Teresa de Calcutta savait qu’elle était unie à Jésus car son esprit était fixé en lui et en lui seul.

C’est ce que la bienheureuse albanaise explique dans une lettre à un directeur spirituel, qui vient d’être publiée, avec d’autres lettres, dans un volume intitulé « Come Be My Light » (Viens, sois ma lumière), édité et présenté par le postulateur de sa cause de canonisation, le père Brian Kolodiejchuk, Missionnaire de la charité.

Dans cet entretien à ZENIT, dont nous publions ci-dessous la première partie, le père Kolodiejchuk présente l’ouvrage qu’il vient d’éditer en évoquant des détails de la vie intérieure de Mère Teresa que même ses sœurs les plus proches ne soupçonnaient pas.

ZENIT – On a découvert l’extraordinaire vie intérieure de Mère Teresa après sa mort. Comment est-il possible que toutes les personnes qui la connaissaient, à l’exception de ses directeurs spirituels, ignoraient ce qu’elle vivait intérieurement, notamment son expérience des ténèbres ?

P. Kolodiejchuk – Personne ne se doutait de ce qu’elle vivait intérieurement parce que ses directeurs spirituels conservaient ces lettres. Les jésuites en possédaient quelques unes, d’autres se trouvaient à l’archidiocèse et d’autres entre les mains du père Joseph Neuner, un autre directeur spirituel. C’est en cherchant les documents pour la cause que nous avons découvert ces lettres.

Lorsque Mère Teresa était en vie elle avait demandé à ce que les détails concernant sa biographie ne soient pas divulgués. Elle avait demandé à Mgr Ferdinand Perier, archevêque de Calcutta, de ne pas raconter à un autre évêque comment tout avait commencé. Elle déclara : « S’il vous plaît, ne lui donnez aucun détail sur le commencement car lorsque les gens commenceront à savoir comment les choses ont commencé, quand ils entendront parler des locutions intérieures, l’attention se portera sur moi et non sur Jésus ». Elle répétait sans cesse : « L’œuvre de Dieu. Ceci est l’œuvre de Dieu ».

Même les sœurs qui lui étaient le plus proches ne soupçonnaient rien de ce qu’elle vivait intérieurement. Beaucoup auraient pensé qu’elle avait une grande intimité avec Dieu pour lui permettre d’aller de l’avant étant donné les difficultés de l’ordre et la pauvreté matérielle dont elle souffrait.

ZENIT – Dans votre ouvrage il est question du vœu que Mère Teresa fit secrètement au début de sa vocation, lorsqu’elle promit de ne rien refuser à Dieu concernant la souffrance du péché mortel. Quel rôle cela a-t-il joué dans sa vie ?

P. Kolodiejchuk – Mère Teresa a fait le vœu de ne rien refuser à Dieu, en 1942. Ses lettres d’inspiration de Jésus sont arrivées juste après. Dans l’une de ces lettres, sinon dans les deux, Jésus dit, en reprenant son vœu : « Refuseras-tu de faire cela pour moi ? »

Le vœu est donc le cadre de sa vocation. Nous voyons alors dans les lettres d’inspiration où Jésus montre clairement son appel.

Elle va ensuite de l’avant car elle sait ce que veut Jésus. Elle est motivée par la pensée de sa soif et de sa souffrance parce que les pauvres ne le connaissent pas et par conséquent ne veulent pas de lui.
Ceci est l’un des piliers qui lui ont permis d’aller de l’avant à travers les épreuves des ténèbres. Comme elle était sûre de son appel et à cause de son vœu, elle écrit dans l’une des lettres : « J’étais sur le point de craquer puis je me suis souvenue du vœu, et ça m’a redonné du courage ».
ZENIT – On a beaucoup parlé de la « nuit obscure » de Mère Teresa. Elle est décrite dans votre livre comme un « martyre du désir ». Cette soif de Dieu est largement méconnue. Pouvez-vous en parler ?

P. Kolodiejchuk – Pour comprendre certaines de ces choses il y a un bon livre à lire : « Fire Within » du père Thomas Dubay. Il parle de la souffrance de la perte et de celle de la soif, en expliquant que la souffrance de la soif est plus pénible.
Comme l’explique le P. Dubay, sur le chemin d’une union authentique avec Dieu, il y a l’étape purgative appelée la nuit obscure. L’âme passe ensuite à une étape d’extase et d’union véritable avec Dieu.
Pour Mère Teresa, l’étape purgative, semble avoir eu lieu au cours de sa période de formation à Loretto. A l’époque de sa profession de foi elle affirme que sa compagne était le plus souvent l’obscurité. Le style de lettres que nous lisons là, pendant la nuit obscure, sont des lettres typiques d’une personne vivant une nuit obscure.

Le P. Celeste Van Exem, son directeur spirituel à l’époque, affirme qu’elle était peut-être déjà proche de l’extase en 1946 ou 1945. Après cela, il y a une référence au moment où les inspirations et les locutions intérieures sont apparues, au moment où les difficultés par rapport à la foi ont cessé.
Plus tard, elle écrivit au P. Neuner, en expliquant : « Puis on comprend comment ça s’est passé. Et là, comme si Notre Seigneur venait de se donner à moi entièrement. Mais la douceur, la consolation et l’union de ces six mois sont passées trop vite ».

Mère Teresa a donc eu six mois d’union intense après les locutions intérieures et l’extase. Elle se trouvait déjà dans la véritable union transformatrice lorsque l’obscurité est revenue.

Mais désormais, cependant, l’obscurité qu’elle vivait était au niveau de l’union avec Dieu. Cela ne signifie pas qu’elle a vécu l’union et l’a ensuite perdue. Elle a perdu la consolation de l’union et a vécu en alternance la souffrance de la perte et une profonde et authentique soif.

Comme l’écrit le P. Dubay : « Parfois la contemplation est merveilleuse et à d’autres moments elle est remplacée par une profonde soif de Lui ». Mais Mère Teresa, mis à part un mois en 1958, n’avait pas cette consolation de l’union.

Dans une lettre elle écrit : « Non Père, je ne suis pas seule. J’ai Son obscurité, j’ai Sa souffrance, j’ai une terrible soif de Dieu. Aimer et ne pas être aimé, je sais que je possède Jésus dans l’union intacte, car mon esprit est fixé en lui et en lui seul ».

Son expérience de l’obscurité dans l’union est extrêmement rare même parmi les saints car pour la plupart, la fin est l’union sans l’obscurité.

Pour reprendre le terme du P. Reginald Garrigou-Lagrange, théologien dominicain, sa souffrance est donc réparatrice, pour les péchés des autres, et non purificatrice, pour ses propres péchés. Elle est suffisamment unie à Jésus dans la foi et l’amour pour partager son expérience du Jardin de Gethsémani et de la croix.

Mère Teresa a affirmé que la souffrance dans le Jardin de Gethsémani était pire que la souffrance sur la croix. Nous comprenons pourquoi elle affirmait cela : parce qu’elle comprenait la soif des âmes de Jésus.

L’important est qu’il s’agit d’une union. Comme l’a souligné Carol Zaleski dans son article publié dans « First Things », ce style d’épreuve est un nouveau style d’épreuve. Il s’agit d’une expérience moderne des saints des cent dernières années environ : avoir le sentiment de ne pas avoir la foi et que la religion n’est pas vraie.

[Fin de la première partie]

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ZENIT Staff

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