Journée de prière pour la sanctification des prêtres : Lettre du card. Hummes

ROME, vendredi 15 juin 2007 (ZENIT.org) – L’Eglise célébrait ce vendredi la solennité du Sacré-Cœur, qui coïncide avec la Journée mondiale de prière pour la sanctification des prêtres. A cette occasion, le cardinal Claudio Hummes, O.F.M., préfet de la Congrégation pour le clergé, publie ce message aux prêtres du monde.

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Chers amis prêtres,

La Journée mondiale de Prière pour la Sanctification des Prêtres, qui sera célébrée lors de l’imminente Solennité du Sacré-Cœur de Jésus, nous offre l’occasion de réfléchir ensemble sur le don de notre ministère sacerdotal, en partageant votre sollicitude pastorale pour tous les croyants et pour l’humanité tout entière, et de manière spécifique pour la portion du Peuple de Dieu qui est confiée à vos Evêques respectifs, dont vous êtes les plus précieux collaborateurs.

Le thème qui est proposé cette année, «Le prêtre, nourri par la Parole de Dieu, est le témoin universel de la charité du Christ», est en harmonie avec le récent Magistère de Benoît XVI et, de manière particulière, avec l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum Caritatis (22 février 2007). Dans celle-ci, le Saint-Père écrit: «Nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans ce Sacrement. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous. Ce dont le monde a besoin, c’est de l’amour de Dieu, c’est de rencontrer le Christ et de croire en lui. C’est pourquoi l’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Eglise; elle est aussi source et sommet de sa mission: “Une Eglise authentiquement eucharistique est une Eglise missionnaire” (Propositio 42)» (n. 84).

1. Homme de Dieu, homme de la mission

Apporter Dieu aux hommes: telle est la mission essentielle du prêtre, une mission que le saint ministre est rendu apte à réaliser car, étant choisi par Dieu, il vit avec Lui et pour Lui. Le Saint-Père, dans son discours à la session d’inauguration de la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes (13 mai 2007; cf. ORLF n. 22 du 29 mai 2007), ayant pour thème «Disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui», a dit, en s’adressant aux prêtres: «Les premiers promoteurs de la condition de disciple et de la mission sont ceux qui ont été appelés “pour être avec Jésus et être envoyés prêcher” (cf. Mc 3, 14)… Le prêtre doit être avant tout un “homme de Dieu” (1 Tm6, 11) qui connaît Dieu directement, qui a une profonde amitié personnelle avec Jésus, qui partage avec les autres les sentiments du Christ lui-même (cf. Ph 2, 5). C’est uniquement de cette manière que le prêtre sera capable de conduire les hommes à Dieu, incarné en Jésus Christ, et d’être le représentant de son amour» (n. 5).

Cette vérité est exprimée dans le verset d’un psaume sacerdotal, qui faisait autrefois partie du rite d’admission à l’état clérical: «Seigneur, mon partage et ma coupe: de toi dépend mon sort» (Ps 16, 5). Nous savons par le Deutéronome (cf. 10, 9) qu’après la prise de possession de la Terre promise, chaque tribu était bénéficiaire — par tirage au sort — d’une portion de celle-ci, accomplissant ainsi la promesse divine faite à Abraham. Seule la tribu de Lévi ne recevait aucune terre, car sa terre était Dieu lui-même. Cette affirmation avait certainement aussi une raison pratique: les prêtres ne vivaient pas, comme les autres tribus, de la culture de la terre, mais des offrandes. Toutefois, cette assertion du psalmiste est le signe et le symbole d’une réalité plus profonde: le véritable fondement de la vie sacerdotale, la base de l’existence du prêtre, la terre de sa vie est Dieu lui-même. L’Eglise a vu dans cette interprétation vétéro-testamentaire l’explication de ce que signifie la mission sacerdotale, à la suite des apôtres et dans la communion avec le Christ lui-même.

Benoît XVI a dit à ce propos: «Le prêtre peut et doit dire aujourd’hui également avec le Lévite: “Dominus pars hereditatis meae et calicis mei”. Dieu lui-même est ma part de terre, le fondement extérieur et intérieur de mon existence. Ce théocentrisme de l’existence sacerdotale est nécessaire précisément dans notre monde totalement fonctionnel, dans lequel tout est fondé sur des prestations qui peuvent être calculées et vérifiées. Le prêtre doit véritablement connaître Dieu de l’intérieur et l’apporter ainsi aux hommes: tel est le service prioritaire dont l’humanité a besoin aujourd’hui» (Discours à la Curie romaine à l’occasion des vœux de Noël, du 22 décembre 2006; cf. ORLF n. 1 du 2 janvier 2007).

Si un prêtre, dans sa vie, perd de vue le caractère central de Dieu, tout le fondement de l’action pastorale disparaît et, dans l’excès de l’activisme, il risque de perdre le contenu et le sens du service pastoral.

C’est alors que pourraient se développer la volonté de se mettre en avant et des extravagances déplacées. Au lieu de donner la substance, ce sont des succédanés qu’il transmettrait. Il s’agiterait en vain, s’épuisant sans progresser.

Seuls ceux qui ont appris «à rester avec le Christ», sont prêts pour être «envoyés évangéliser» par Lui avec authenticité (cf. Mc 3, 14). Un amour passionné pour le Christ est le secret d’une annonce convaincue du Christ. «Sois un homme de prière avant d’être un prédicateur», disait saint Augustin (De Doctrina christiana, 4, 15, 32: PL 34, 100), en exhortant les ministres ordonnés à être des disciples de prière à l’école du Maître.

L’Eglise, en célébrant la Solennité du Très Saint Cœur de Jésus, invite tous les croyants à élever le regard de la foi «vers Celui qu’ils ont transpercé» (Jn19, 37), vers le Cœur du Christ, signe vivant et éloquent de l’amour invicible de Dieu et source intarissable de grâce. Elle le fait, en exhortant les prêtres à rechercher en eux-mêmes ce signe, en tant que dépositaires et administrateurs des richesses du Cœur du Christ, et à diffuser l’amour miséricordieux du Christ sur les autres, sur tous.

Véritablement, «l’amour du Christ nous saisit» (2 Co 5, 14), écrit saint Paul. «Si tu veux aimer le Christ, étends ta charité à toute la terre, car les membres du Christ se trouvent dans le monde entier», nous rappelle saint Augustin (Commentaire à la Ière Lettre de saint Jean 10, 5).

C’est pourquoi chaque prêtre doit avoir un esprit missionnaire; ou plutôt, un esprit véritablement «catholique», il doit «repartir du Christ» pour s’adresser à tous, en se rappelant de ce que notre Sauveur a affirmé, Lui qui désire que «tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité» (1 Tm 2, 4-6). Le prêtre est appelé à rencontrer le Christ dans la prière, et à le connaître et l’aimer également sur le chemin de la Croix, qui est le chemin actif et rempli d’abnégation du service de la charité. Ce n’est qu’ainsi qu’est prouvée et témoignée l’authenticité de son amour pour Dieu et que se reflète sur tous le Visage miséricordieux du Christ. «La beauté de cette image resplendit en nous qui sommes dans le Christ, lorsque nous nous montrons des hommes bons dans les œuvres», nous rappelait saint Cyrille d’Alexandrie (Tractatus ad Tiberium Diaconum socioque, II, in divi Johannis Evangelium).

2. Pour être un authentique témoin de la charité du Christ dans la société

La mission que le prêtre reçoit dans l’Ordination n’est pas un élément extérieur et juxtaposé à la consécration, mais elle en constitue la destination intrinsèque et vitale: «La consécration est pour la mission» (Jean-Paul II, Exhort. ap. Pastores dabo vobis, n. 24).

«L’amour de Dieu et l’amour du prochain se fondent l’un dans l’autre: dans le plus petit, nous rencontrons Jésus lui-même et en Jésus nous rencontrons Dieu», a écrit le Saint-Père (Lett. enc. Deus caritas est, n. 15). Dans l’Eucharistie — qui est un trésor inestimable de l’Eglise —, en particulier en devenant de généreux ministres du Pain de vie éternelle, nous sommes invités à contempler sans cesse la beauté et la profondeur du mystère de l’amour du Christ et à reverser l’élan de son Cœur amoureux sur tous les hommes sans distinction, en parti
culier sur les pauvres et sur les plus faibles, sur les pauvres d’entre les pauvres que sont les pécheurs, à travers un service de charité constant, humble et le plus souvent caché.

La tension missionnaire représente une part constitutive de l’existence sacerdotale. Le Saint-Père écrit à ce sujet: «La mission première et fondamentale qui nous vient des saints Mystères que nous célébrons est de rendre témoignage par notre vie. L’émerveillement pour le don que Dieu nous a fait dans le Christ imprime à notre existence un dynamisme nouveau qui nous engage à être témoins de son amour. Nous devenons témoins lorsque, par nos actions, nos paroles et nos comportements, un Autre transparaît et se communique» (Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, n. 85).

Le prêtre est appelé à se faire «pain rompu pour la vie du monde», à servir chacun avec l’amour du Christ qui nous a aimés «jusqu’au bout»: ainsi, l’Eucharistie devient dans la vie sacerdotale ce qu’elle signifie dans la célébration. Le Sacrifice du Christ est un mystère de libération qui nous interpelle et nous provoque continuellement.

Que chaque prêtre ressente en lui-même l’urgence d’être réellement un artisan de justice et de solidarité au milieu des hommes: devant eux, le prêtre est appelé à témoigner du Christ lui-même. Nourri de la Parole de vie, les prêtres ne peuvent pas demeurer en marge du combat pour la défense et la proclamation de la dignité de la personne humaine et de ses droits universels et inaliénables. Benoît XVI a écrit à cet égard: «C’est précisément en vertu du Mystère que nous célébrons qu’il nous faut dénoncer les situations qui sont en opposition avec la dignité de l’homme, pour lequel le Christ a versé son sang, affirmant ainsi la haute valeur de toute personne» (ibid, n. 89).

Nous découvrirons le sens véritable de l’amoris officium, de cette charité pastorale dont nous parle saint Augustin (In Iohannis Evangelium Tractatus 123, 5: CCL 36, 678): l’Eglise comme Epouse du Christ, veut être aimée par le prêtre de la manière totale et exclusive avec laquelle le Christ lui-même, Tête et Epoux, l’a aimée. Nous comprendrons la motivation théologique de la loi ecclésiastique sur le célibat dans l’Eglise latine et de son lien de coexistence très profonde avec l’Ordination sacrée: comme un don inestimable de Dieu, comme la participation singulière à la paternité de Dieu et à la fécondité de l’Eglise, comme une formidable énergie missionnaire, comme amour plus grand, comme un témoignage au monde du Royaume eschatologique. Le célibat, accueilli dans une décision libre pleine d’amour, devient don de soi, dans et avec le Christ, à son Eglise et exprime le service du prêtre à l’Eglise dans et avec le Seigneur (cf. Conc. Œcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum ordinis, n. 16; Jean-Paul II, Exhort. ap. Pastores dabo vobis, n. 29).

Nous pouvons nous demander: mais quels sont ces domaines du témoignage sacerdotal de la charité du Christ?

a. Tout d’abord, la mission, le kérygme et la catéchèse; catéchèse des jeunes et des adultes, des personnes proches et lointaines. En elle, le message du Christ est transmis sous une forme complète et claire. A l’époque actuelle, une connaissance adaptée de la foi est urgente, telle qu’elle est synthétisée dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, ainsi que dans son Compendium.

Il s’agit de ne pas épargner les efforts pour aller à la recherche des catholiques qui se sont éloignés et de ceux qui ne connaissent rien ou presque rien du Christ. En s’adressant aux Evêques du Brésil, Benoît XVI a dit récemment à ce propos: «L’éducation aux vertus personnelles et sociales du christianisme fait elle aussi partie de la catéchèse essentielle, ainsi que l’éducation à la responsabilité sociale… nous devons être de fidèles serviteurs de la Parole, sans vision réductrice ni confusion dans la mission qui nous est confiée. Il ne suffit pas d’observer la réalité à partir de la foi personnelle; il est nécessaire de travailler avec l’Evangile à la main, en étant ancrés à l’authentique héritage de la Tradition apostolique, sans interprétations motivées par des idéologies rationalistes» (Discours lors de la Rencontre et de la Célébration des Vêpres avec les Evêques du Brésil, du 11 mai 2007, nn. 4-5; cf. ORLF (Osservatore Romano en Langue Française) n. 21 du 22 mai 2007).

Dans ce domaine, les lieux traditionnels de la catéchèse — les leçons, les conférences ou les cours de Bible ou de théologie — ne sont pas suffisants, mais il est nécessaire de s’ouvrir aux autres nouveaux aréopages de la culture mondialisée: non seulement à la presse, à la radio et à la télévision, mais il faudra également avoir recours davantage au courrier électronique, aux sites internet, aux pages, aux vidéoconférences et à tant d’autres systèmes récents, pour transmettre efficacement le kérygme à un grand nombre de personnes. La présence même du pasteur, également extérieure, avec une attitude adaptée à son «être» doit constituer une catéchèse pour tous. Nous avons peut-être, parfois, trop sous-évalué cet aspect que les personnes apprécient et qui, si elle exprime des contenus, ne constitue pas un formalisme mais une forme en mesure de véhiculer de la substance.

b. Un autre domaine de ce témoignage est la promotion des institutions ecclésiales de bienfaisance qui, à divers niveaux, peuvent accomplir un précieux service à l’égard des plus nécessiteux et des plus faibles. «Si les personnes rencontrées vivent dans une situation de pauvreté, il faut les aider comme le faisaient les premières communautés chrétiennes, en pratiquant la solidarité pour qu’elles se sentent vraiment aimées», a récemment rappelé le Pape lors de la rencontre que nous venons d’évoquer (Benoît XVI, ibid., n. 3).

«Nous devons dénoncer ceux qui dilapident les richesses de la terre, provoquant des inégalités qui crient vers le ciel (cf. Jc 5, 4)», a écrit Benoît XVI, et il poursuivait en affirmant: «Le Seigneur Jésus, Pain de vie éternelle, nous pousse à être attentifs aux situations de misère dans lesquelles se trouve encore une grande partie de l’humanité: ce sont des situations dont la cause implique souvent une responsabilité claire et inquiétante des hommes» (Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, n.90).

c. Le soutien de la culture de la vie. Partout, les prêtres, en communion avec leurs Evêques, sont appelés à promouvoir une culture de la vie qui permette, comme l’affirmait Paul VI, «la montée de la misère à la possession du nécessaire… l’acquisition de la culture… la coopération au bien commun… jusqu’à la reconnaissance par l’homme des valeurs suprêmes, de Dieu qui en est la source et le terme» (Lett. enc. Populorum progressio, n. 21). A cet égard, il sera nécessaire de souligner, dans la formation des fidèles laïcs, que le développement authentique doit être intégral, c’est-à-dire, orienté à la promotion de tout l’homme et de tous les hommes, en suggérant les moyens nécessaires visant à supprimer les graves inégalités sociales et les immenses différences dans l’accès au bien.

d. La formation des fidèles laïcs. Formés à l’école de l’Eucharistie, ils seront toujours davantage exhortés et aidés à assumer directement leurs responsabilités politiques et sociales dans une véritable cohérence avec leur baptême. Tous les hommes et les femmes baptisés doivent prendre conscience qu’ils ont été configurés dans l’Eglise au Christ Prêtre, Prophète et Pasteur, à travers le sacerdoce commun des fidèles. Ils doivent se sentir coresponsables de la construction de la société selon les critères de l’Evangile et, en particulier, selon la doctrine sociale de l’Eglise. «Cette doctrine, mûrie tout au long de l’histoire bimillénaire de l’Eglise, se cara
ctérise par son réalisme et son équilibre, aidant ainsi à éviter les compromis erronés ou les vagues utopies» (Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, n. 91).

Comme l’a plusieurs fois rappelé le Magistère pétrinien, aux fidèles laïcs incombe la responsabilité spéciale de transformer les structures injustes et d’ériger les structure justes, sans lesquelles ne peut pas trouver d’appui une société juste, en produisant le consensus nécessaire sur les valeurs morales et la force pour vivre selon le modèle de ces valeurs (cf. Benoît XVI, Discours à la session inaugurale de la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes, n. 4).

e. Le soutien à la famille. Tous les prêtres sont appelés à soutenir la famille chrétienne en promouvant, de diverses façons, les différents charismes vocationnels et la mission qui leur est confiée, une pastorale familiale adaptée et organisée dans les communautés ecclésiales respectives (cf. Jean-Paul II, Novo millennio ineunte, n. 47). La nécessité de soutenir la valeur de l’unicité du mariage, comme union pour toute la vie entre un homme et une femme, dans laquelle, en tant que mari et femme, ils participent à l’œuvre pleine d’amour de la création de Dieu, revêt une importance particulière.

Malheureusement, beaucoup de doctrines politiques et de courants de pensée continuent de fomenter une culture qui blesse la dignité de l’homme, en ignorant ou en compromettant, à divers degrés, la vérité sur le mariage et sur la famille. Sans se lasser, le prêtre doit proclamer au nom du Christ, que la famille, en tant que formatrice par excellence des personnes, est indispensable pour une véritable «écologie humaine» (cf. Jean-Paul II, Centesimus annus, n.39).

3. Joyeux d’élever la coupe du salut et d’invoquer le nom du Seigneur (cf. Ps 115, 12-13)

Jean-Paul II, dans sa Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint 2002, s’exclamait: «Quelle vocation merveilleuse est la nôtre, mes chers frères prêtres! Nous pouvons vraiment redire avec le Psalmiste: “Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait? J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur” (Ps 115, 12-13)».

Cette coupe est la coupe de bénédiction (cf. 1 Co 10, 16), la coupe de la nouvelle alliance (cf. Lc 22, 20; 1 Co 11, 25).

Saint Basile fait le commentaire suivant à ce sujet: «Comment donc rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait? Non par des sacrifices, ni des holocaustes… mais par toute ma propre vie. C’est pourquoi le psalmiste dit: j’élèverai la coupe du salut, appelant coupe, la souffrance dans le combat spirituel, la résistance au péché jusqu’à la mort» (Homélie sur le Psaume 115 (116): PG XXX, 109).

Comme de si nombreux saints prêtres en ont fait l’expérience dans l’accomplissement héroïque de leur ministère, ainsi, nous aussi sommes invités à tirer de l’Eucharistie la force nécessaire pour témoigner de la Vérité, sans faiblesse, irénismes, «sans faux compromis, pour ne pas diluer l’Evangile!», comme le rappelait Benoît XVI lors de sa rencontre avec les Evêques d’Allemagne (Discours au Séminaire de Cologne, du 21 août 2005; cf. ORLF n. 35 du 30 août 2005).

Dans des sociétés et des cultures souvent fermées à la transcendance, étouffées par des comportements con-sumistes, esclaves d’idolâtries anciennes et nouvelles, redécouvrons avec émerveillement le sens du mystère eucharistique. Renouvelons nos célébrations liturgiques pour qu’elles soient des signes plus éloquents de la présence du Christ dans nos diocèses, en particulier dans nos paroisses; réservons de nouveaux espaces au silence, à la prière et à la contemplation dans l’adoration de l’Eucharistie, pour avoir en nous un véritable esprit missionnaire vibrant.

Jean-Paul II affirma à nos frères prélats du Portugal: «En tant que sentinelles de la Maison de Dieu, veillez, chers frères, afin que dans toute la vie ecclésiale se reproduise d’une certaine manière le rythme binaire de la Messe, avec la liturgie de la parole et avec la liturgie eucharistique. Que vous serve d’exemple le cas des disciples d’Emmaüs, qui reconnurent Jésus uniquement à partir du pain (cf. Lc 24, 13-35)» (Discours aux Evêques du Portugal en visite ad limina Apostolorum, n. 6).

Dans l’Eucharistie est contenu le secret de la fidélité et de la persévérance de nos fidèles, de la sécurité et de la solidité de nos communautés ecclésiales, au milieu des afflictions et des difficultés du monde. Dans notre pastorale, faite de paroles et de Sacrement, nous éviterons les écueils de l’activisme, de l’action pour l’action, et nous surmonterons les attaques du laïcisme et du sécularisme où le Christ n’a ni voix ni place, en y apportant le Pain de vie éternelle.

Nous pensons à l’importance missionnaire de nos paroisses qui constituent en quelque sorte le tissu au sein même de nos diocèses (cf. CDC, can. 374, §1).

Nous pensons à chaque paroisse, qui constitue une comunitas christifidelium et qui ne peut pas l’être si elle n’est pas une communauté eucharistique et ouverte aux personnes les plus éloignées, c’est-à-dire si elle n’est pas une communauté capable de célébrer l’Eucharistie avec un esprit missionnaire, dans laquelle se trouvent la racine vivante de sa construction et le lien sacramentel de sa nature en pleine communion avec toute l’Eglise (cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. Christifideles laici, n. 26, du 30 décembre 1988).

Nous pensons aux curés, qui ne peuvent pas ne pas être des prêtres ordonnés, parce qu’ils font et disent dans la Liturgie eucharistique et dans la liturgie de la Parole ce qu’eux-mêmes «personnelement», «par eux-mêmes», ne peuvent pas faire et dire: en effet, ils agissent et parlent «in persona Christi capitis». Nous pensons à tous les prêtres, jeunes et âgés, en bonne santé ou malades qui, en redécouvrant le don radical d’eux-mêmes, au cœur de leur ministère ordonné, peuvent répéter avec les paroles de Jean-Paul II: «Le temps est venu de parler courageusement de la vie sacerdotale, comme d’une valeur inestimable et comme d’une forme splendide et privilégiée de vie chrétienne»! (Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, n.39).

Ainsi, l’Eglise de la Parole et des Sacrements sera nécessairement l’Eglise de l’exercice inlassable du sacerdoce ministériel, ce sera l’Eglise du prêtre saint, du prêtre qui aime à la racine de son âme, de tout son être, l’appel qu’il a reçu du Maître, pour se comporter à chaque instant comme ipse Christus.

Benoît XVI a dit récemment dans son discours aux Evêques de la Conférence épiscopale du Canada-Québec en visite ad limina Apostolorum (11 mai 2006): «Cependant, la diminution du nombre des prêtres… en certains lieux, met en cause de manière préoccupante la place de la sacramentalité dans la vie de l’Eglise. Les nécessités de l’organisation pastorale ne doivent pas compromettre l’authenticité de l’ecclésiologie qui s’y exprime. Le rôle central du prêtre qui, in persona Christi capitis, enseigne, sanctifie et gouverne la communauté, ne doit pas être minimisé. Le sacerdoce ministériel est indispensable à l’existence d’une communauté ecclésiale. L’importance du rôle des laïcs, dont je salue la générosité au service des communautés chrétiennes, ne doit jamais occulter le ministère absolument irremplaçable des prêtres pour la vie de l’Eglise» (cf. ORLF n. 20 du 16 mai 2006).

Nous prêtres, préoccupons-nous de faire resplendir notre identité véritable, ontologique, d’exercer un ministère joyeux même dans les difficultés les plus âpres, un ministère ardemment missionnaire parce qu’il est la conséquence de notre identité et, avec tous les fidèles, occupons-nous de prier inlassablement le Seigneur de la moisson afin qu’il envoie des ouvriers pour
sa moisson. Les vocations existent, mais nous devons en favoriser la réponse positive par ces moyens, par les moyens que nous a enseignés le Seigneur et aucun autre.

Et telle est l’Eglise que nous souhaitons voir refleurir et donner de nouveaux fruits, dans sa vitalité et dans son activité. Telle est l’Eglise de la mission divine, l’Eglise in statu missionis.

Nous nous tournons vers Marie, Reine des Apôtres et Mère des prêtres. Nous nous confions à elle, ainsi que notre ministère pastoral et tous les prêtres. A son image, qu’elle nous aide à être des tabernacles et des ostensoirs de Jésus Bon Pasteur!

Cláudio Card. HUMMES
Préfet
S.Exc. Mgr Mauro PIACENZA
Archevêque titulaire de Vittoriana
Secrétaire

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ZENIT Staff

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