« L'Église au pied du Mur. Juifs et chrétiens, du mépris à la reconnaissance »

Entretien avec l’auteur, le P. Michel Remaud

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ROME, Mardi 9 janvier 2007 (ZENIT.org) – « L’Église au pied du Mur. Juifs et chrétiens, du mépris à la reconnaissance » : le P. Michel Remaud, directeur de l’Institut chrétien d’Etudes juives et de littérature rabbinique (www.institut-etudes-juives.net), publie ce nouveau livre aux éditions Bayard (100 pp., 12 €). Il a bien voulu expliquer à Zenit le « pourquoi » de ce livre « grand public » sur les relations entre Israël et l’Eglise.

Zenit : « L’Église au pied du Mur » : le titre fait choc !?

P. M. Remaud : Le titre et la photo de couverture s’expliquent l’un l’autre: la photo montre la main de Jean-Paul II appuyée au mur occidental du temple de Jérusalem, après y avoir mis le papier sur lequel était écrite la prière qu’il venait de prononcer. C’est pourquoi le mot « Mur » est écrit avec une majuscule. Le livre veut présenter les enjeux, et les défis, des retrouvailles entre l’Église et le peuple juif en ce changement de millénaire. Cette photo en est un beau symbole.

Zenit : Pourquoi avoir écrit ce livre ?

P. M. Remaud : Parce que l’éditeur me l’a demandé ! Les éditions Bayard souhaitaient faire paraître un petit livre destiné à un grand public non averti, pour expliquer en termes simples la « révolution copernicienne » qui s’est opérée depuis un demi siècle dans les relations entre l’Église et Israël. Il n’a pas été facile de le faire en cent pages…

Zenit : Vous aviez déjà publié des ouvrages sur la question. Ce dernier livre en fait-il la synthèse ?

P. M. Remaud : Pas vraiment. Évidemment, j’ai dû reprendre des choses déjà écrites, en particulier pour ce qui concerne les origines, le Nouveau Testament et les premiers siècles chrétiens, puisque c’est là que les problèmes se sont posés et que les positions réciproques se sont fixées, pour ne pas dire figées. Il est impossible de comprendre le présent si on ne connaît pas ce passé, qui est ignoré de la plupart des chrétiens. Mais j’ai voulu surtout m’attacher au présent : les évolutions depuis le dernier concile.

Zenit : Comment les résumez-vous ?

P. M. Remaud : D’une manière contrastée. D’une part, il est évident que des pas de géants ont été accomplis depuis Vatican II. Imagine-t-on Pie XII, cinquante ans plus tôt, venant se recueillir devant le mur que l’on appelait alors « mur des lamentations » ? J’ai insisté, autant que la taille du livre le permettait, sur l’apport décisif de Jean-Paul II, qui n’a cessé de répéter pendant vingt-six ans que la relation au peuple d’Israël vivant appartient à la nature même de l’Église, et qu’elle est d’un tout autre ordre que son rapport aux autres religions. Notre relation avec Israël est une relation de famille. En même temps, il faut bien reconnaître qu’il y a dans le monde catholique de fortes résistances au mouvement inauguré par Jean XXIII et le concile, et parfois même des régressions.

Zenit : Comment l’expliquez-vous ?

P. M. Remaud : Essentiellement par deux causes. Il y a d’abord la pesanteur des habitudes. On ne change pas facilement une manière de penser, de parler et de prêcher enracinée depuis des siècles. Il faut bien reconnaître que le judaïsme est souvent présenté dans l’enseignement chrétien, aujourd’hui encore, comme une référence négative permettant de définir par contraste l’idéal évangélique. Comme un spécialiste le disait naguère avec humour, « l’opposition traditionnelle entre le judaïsme et le christianisme offre manifestement une prise idéale aux facilités oratoires ».
En second lieu, ce qui concerne le judaïsme est souvent recouvert, dans l’opinion catholique, par l’image que les moyens de communication donnent de l’État d’Israël et de sa politique. Ces deux difficultés se confortent naturellement l’une l’autre. Lorsque par exemple la prédication vient de stigmatiser les « scribes et pharisiens hypocrites », puis que la prière universelle enchaîne sur « les victimes de la violence en Palestine », l’amalgame se fait de lui-même.

Zenit : Mais le chrétien ne doit-il pas être solidaire des opprimés ?

P. M. Remaud : Je me garderai bien de dire le contraire, et je pense que la solidarité avec Israël, qui devrait être celle de tout chrétien, ne doit pas l’amener à remplacer une partialité par une autre. Mais il y a ici des nœuds à défaire. D’abord, en développant le sens critique des chrétiens par rapport à une information qui n’a que trop tendance à simplifier à l’excès une réalité complexe. Et surtout, en montrant la véritable nature de la solidarité qui unit l’Église à Israël, et qui est d’un tout autre ordre que celle du choix d’un camp contre un autre. L’élection d’Israël, Jean-Paul II l’a rappelé avec force et à maintes reprises, est irréversible. Elle est le signe vivant et permanent de la fidélité de Dieu. Il ne s’agit pas de justifier inconditionnellement toutes les initiatives israéliennes, mais de comprendre que cette fidélité de Dieu est pour tous, juifs et non juifs, source de salut. L’humanité n’est pas sauvée par les grands idéaux ni les grandes abstractions (générosité, solidarité, etc.), mais par un engagement de Dieu dans l’histoire humaine — engagement dont l’élection d’Israël est le signe permanent.

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ZENIT Staff

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