Voyage de Benoît XVI en Pologne : Discours aux différentes confessions chrétiennes

Print Friendly, PDF & Email

Texte intégral

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

ROME, Lundi 29 mai 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral du discours que le pape Benoît XVI a prononcé le jeudi 25 mai dans l’église luthérienne de la Très-Sainte-Trinité à Varsovie au cours de sa rencontre avec des représentants du Conseil œcuménique polonais et des autres religions.

Chers frères et sœurs dans le Christ,

« Grâce et paix vous soient données par “Il est, Il était et Il vient”, par les sept Esprits présents devant son trône, et par Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre » (Ap 1, 4-5). C’est avec les paroles du Livre de l’Apocalypse, avec lesquelles Jean salue les sept Eglises d’Asie, que je veux adresser mes salutations chaleureuses à tous ceux qui sont ici présents, et avant tout aux représentants des Eglises et des communautés ecclésiales associées au sein du Conseil œcuménique polonais. Je remercie l’Archevêque Jeremiasz de l’Eglise orthodoxe autocéphale pour le salut et pour les paroles d’union spirituelle qu’il vient de m’adresser. Je salue l’archevêque Alfons Nossol, Président du Conseil œcuménique de la Conférence épiscopale polonaise.

Nous sommes unis aujourd’hui par le désir de nous rencontrer, pour rendre, dans la prière commune, gloire et honneur à Notre Seigneur Jésus Christ: « Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père » (Ap 1, 5-6). Nous sommes reconnaissants à notre Seigneur, parce qu’il nous réunit, il nous accorde son Esprit et il nous permet — au-delà de ce qui nous sépare encore — d’invoquer « Abba, Père ». Nous sommes convaincus qu’il intercède Lui-même incessamment en notre faveur, en demandant pour nous: « Que leur unité soit parfaite ; ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17, 23). Avec vous, je rends grâce pour le don de cette rencontre de prière commune. J’y vois l’une des étapes en vue de réaliser la ferme intention que j’ai annoncée au début de mon pontificat, à savoir de considérer comme une priorité de mon ministère le retour à l’unité pleine et visible entre les chrétiens. Mon bien-aimé prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-Paul II, lorsqu’il visita cette église de la Très-Sainte-Trinité, en 1991, souligna que: « Pour autant que nous cherchions à atteindre l’unité, elle n’en reste pas moins un don de l’Esprit Saint. Nous serons disposés à recevoir ce don dans la mesure où nous lui aurons ouvert nos esprits et nos cœurs par la vie chrétienne, et surtout par la prière » (cf. L’Osservatore Romano en Langue Française n.31 du 6 août 1991). En effet, il ne nous sera pas possible de « faire » l’unité avec nos seules forces. Ainsi que je l’ai rappelé lors de la rencontre œcuménique de l’année dernière à Cologne: « Nous pouvons seulement l’obtenir comme un don de l’Esprit Saint ». C’est pour cette raison que nos aspirations œcuméniques doivent être pénétrées par la prière, par le pardon réciproque et par la sainteté de la vie de chacun de nous. Je voudrais souligner combien j’apprécie qu’ici, en Pologne, le Conseil œcuménique polonais et l’Eglise catholique romaine lancent de nombreuses initiatives dans ce domaine.

« Voici qu’il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l’ont transpercé » (Ap 1, 7). Les paroles de l’Apocalypse nous rappellent que nous sommes tous en chemin vers la rencontre définitive avec le Christ, lorsqu’il dévoilera devant nous le sens de l’histoire humaine, dont le centre est la croix de son sacrifice salvifique. En tant que communauté de disciples, nous sommes orientés vers cette rencontre avec l’espérance et la confiance que ce sera pour nous le jour du salut, le jour de l’accomplissement de tout ce à quoi nous aspirons, grâce à notre disponibilité à nous laisser guider par la charité réciproque que suscite en nous son Esprit. Nous édifions cette confiance non sur nos propres mérites, mais sur la prière à travers laquelle le Christ révèle le sens de sa venue sur terre et de sa mort rédemptrice: « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant même la création du monde », (Jn 17, 24). En chemin vers la rencontre avec le Christ qui « vient avec les nuées », nous annonçons sa mort par notre vie, nous proclamons sa résurrection, dans l’attente de sa venue. Nous sentons le poids de la responsabilité que tout cela comporte; le message du Christ, en effet, doit atteindre chaque homme sur la terre, grâce à l’engagement de ceux qui croient en Lui et qui sont appelés à témoigner qu’il est vraiment envoyé par le Père(cf. Jn 17, 23). Il faut donc qu’en annonçant l’Evangile, nous soyons mus par l’aspiration à cultiver des relations réciproques de charité sincère, afin qu’à la lumière de celles-ci, tous sachent que le Père a envoyé son Fils et qu’il aime l’Eglise et chacun de nous, comme Lui-même a aimé (cf. Jn 17, 23). La tâche des disciples du Christ, la tâche de chacun de nous est donc celle de tendre vers une telle unité, afin de devenir, en tant que chrétiens, le signe visible de son message salvifique, adressé à tout être humain.

Permettez-moi de rappeler encore une fois la rencontre œcuménique qui a eu lieu dans cette église avec votre grand concitoyen Jean-Paul II et son intervention, dans laquelle il traça de la manière suivante la vision des efforts visant à la pleine unité des chrétiens: « Le défi qui se présente consiste à surmonter peu à peu les obstacles (…) et grandir ensemble dans cette unité du Christ qui est unique, cette unité dont il a doté l’Eglise depuis le début. L’importance de la tâche interdit toute précipitation ou impatience, mais le devoir de répondre à la volonté du Christ exige que nous restions fermes sur la voie qui mène à la paix et à l’unité de tous les chrétiens. Nous savons bien que ce n’est pas nous qui guérirons les blessures de la division et qui rétablirons l’unité; nous sommes de simples instruments que Dieu pourra utiliser. L’unité entre les chrétiens sera un don de Dieu, à son moment de grâce. Nous attendons humblement ce jour, grandissant dans l’amour, dans le pardon et dans la confiance réciproques» (cf. ORLF n.31 du 6 août 1991).

Depuis cette rencontre, beaucoup de choses ont changé. Dieu nous a permis de faire de nombreux pas vers la compréhension réciproque et le rapprochement. Permettez-moi de rappeler à votre attention certains événements œcuméniques, qui à cette époque eurent lieu dans le monde: la publication de l’Encyclique Ut unum sint; les concordances christologiques avec les Eglises préchalcédoniennes: la signature à Augsbourg de la « Déclaration commune sur la doctrine de la justification »; la rencontre à l’occasion du Grand Jubilé de l’an 2000 et la commémoration œcuménique des témoins de la foi du XXe siècle; la reprise du dialogue entre catholiques et orthodoxes au niveau mondial, les funérailles de Jean-Paul II avec la participation de la quasi-totalité des Eglises et Communautés ecclésiales. J’ai appris qu’ici aussi, en Pologne, cette aspiration fraternelle à l’unité peut se réjouir de succès concrets. Je voudrais mentionner à cette occasion: la signature en l’An 2000, qui a également eu lieu dans ce temple, de la part de l’Eglise catholique romaine et des Eglises associées au sein du Conseil œcuménique polonais, de la déclaration de la reconnaissance réciproque de la validité du baptême; l’institution de la Commission pour les Relations entre la Conférence épiscopale polonaise et le Conseil œcuménique polonais, à laquelle appartiennent les évêques catholiques et les chefs d’autres Eglises; l’institution des commissions bilatérales pour le dialogue théologique entre cat
holiques et orthodoxes, luthériens, membres de l’Eglise nationale polonaise, mariavites et adventistes; la publication de la traduction œcuménique du Nouveau Testament et du Livre des Psaumes; l’initiative intitulée « Œuvre de Noël d’aide aux Enfants », au sein de laquelle collaborent les organisations caritatives des Eglises: catholique, orthodoxe et évangélique.

Nous notons de nombreux progrès dans le domaine de l’œcuménisme mais nous attendons cependant toujours quelque chose de plus. Permettez-moi d’attirer aujourd’hui l’attention de manière peut-être un peu plus précise sur deux questions. La première touche au service caritatif des Eglises. Nombreux sont nos frères qui attendent de nous le don de l’amour, de la confiance, du témoignage, d’une aide spirituelle et matérielle concrète. J’ai fait référence à ce problème dans ma première Encyclique Deus caritas est. J’ai observé dans celle-ci que: « L’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, est avant tout une tâche pour chaque fidèle, mais il est aussi une tâche pour la communauté ecclésiale entière, et cela à tous les niveaux: de la communauté locale à l’Eglise particulière, jusqu’à l’Eglise universelle dans son ensemble. L’Eglise aussi, en tant que communauté, doit pratiquer l’amour » (n. 20). Nous ne pouvons pas oublier l’idée essentielle qui dès le commencement constitua le fondement solide de l’unité des disciples: « A l’intérieur de la communauté des croyants il ne doit pas exister une forme de pauvreté telle que soient refusés à certains les biens nécessaires à une vie digne » (ibid.). Cette idée est toujours actuelle, bien qu’au cours des siècles, les formes de l’aide fraternelle aient évolué; accepter les défis caritatifs contemporains dépend dans une large mesure de notre collaboration réciproque. Je me réjouis que ce problème trouve un large écho dans le monde sous la forme de nombreuses initiatives oecuméniques. Je note avec satisfaction que dans la communauté de l’Eglise catholique et dans les autres Eglises et communautés ecclésiales se sont diffusées diverses nouvelles formes d’activités caritatives et que d’autres plus anciennes sont réapparues avec un élan nouveau. Ce sont des formes qui unissent souvent l’évangélisation et les œuvres de charité (cf. ibid., n. 30b). Il semble que, malgré toutes les différences qu’il faudra surmonter dans le cadre du dialogue interconfessionnel, il est légitime de confier l’engagement caritatif à la communauté œcuménique des disciples du Christ dans la recherche de la pleine unité. Nous pouvons tous trouver une place dans la collaboration au service des personnes dans le besoin, en tirant profit de ce réseau de relations réciproques, fruit du dialogue entre nous et de l’action commune. Dans l’esprit du commandement évangélique, nous devons assumer cette sollicitude attentive à l’égard de nos frères qui se trouvent dans le besoin, quels qu’ils soient. A ce sujet, j’ai écrit dans mon Encyclique que: « En vue d’un développement harmonieux du monde », il est « nécessaire pour les chrétiens d’unir leur voix et leur engagement “pour le respect des droits et des besoins de tous, spécialement des pauvres, des humiliés et de ceux qui sont sans défense” » (n. 30b). A tous ceux qui participent à notre rencontre, je souhaite aujourd’hui que la pratique de la charité fraternelle nous rapproche toujours davantage et rende plus crédible notre témoignage en faveur du Christ devant le monde.

La seconde question à laquelle je souhaite faire référence, concerne la vie conjugale et la vie familiale. Nous savons que parmi les communautés chrétiennes, appelées à témoigner de l’amour, la famille occupe une place particulière. Dans le monde d’aujourd’hui, dans lequel se multiplient les relations internationales et interculturelles, de plus en plus souvent, des jeunes provenant de traditions différentes, de religions différentes, de confessions chrétiennes différentes décident de fonder une famille. Souvent, pour les jeunes eux-mêmes et pour les personnes qui leur sont chères, il s’agit d’une décision difficile qui comporte divers dangers touchant à la persévérance de la foi et à la construction future de la structure familiale, ainsi qu’à la création d’un climat d’unité de la famille et de conditions opportunes pour la croissance spirituelle des enfants. Toutefois, précisément grâce à la diffusion sur une plus grande échelle du dialogue œcuménique, la décision peut donner naissance à la formation d’un laboratoire pratique d’unité. Pour cela, la bienveillance mutuelle, la compréhension et la maturité dans la foi des deux parties, ainsi que des communautés dont ils proviennent sont nécessaires. Je souhaite exprimer ma satisfaction pour la Commission bilatérale du Conseil pour les Questions sur l’Œcuménisme de la Conférence épiscopale polonaise et du Conseil œcuménique polonais qui ont entamé la préparation d’un document où est présentée la doctrine chrétienne commune sur le mariage et sur la famille et sont établis les principes, acceptables par tous, pour contracter des mariages interconfessionnels, en indiquant un programme commun de sollicitude pastorale pour de tels mariages. Je souhaite à tous que sur cette question délicate grandissent la confiance réciproque entre les Eglises ainsi qu’une collaboration qui respecte pleinement les droits et la responsabilité des conjoints pour la formation dans la foi de la propre famille et pour l’éducation des enfants.

« Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17, 26). Frères et sœurs, en plaçant toute notre confiance dans le Christ, qui nous fait connaître son nom, nous cheminons chaque jour vers la plénitude de la réconciliation fraternelle. Que sa prière fasse en sorte que la communauté de ses disciples sur la terre, dans son ministère et dans son unité visible, devienne toujours davantage une communauté d’amour où se reflète l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

© Texte original Libreria editrice vaticana
Traduction réalisée par Zenit

ZF06052910

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel