CITE DU VATICAN, Vendredi 30 juillet 2004 (ZENIT.org) – « D’après des experts, la situation africaine est tragique mais pas désespérée », « l’Afrique est un continent où la paix pourrait devenir une réalité », estime Fides, au lendemain de l’appel de Jean-Paul II et du voyage de son envoyé spécial au Darfour, Mgr Paul Josef Cordes, président de Cor Unum.
L’agence internationale Fides, organe de la congrégation romaine pour l’Evangélisation des Peuples, publie une étude sur le trafic d’armes en Afrique, souligne la difficulté rencontrée pour le désarmement des anciens combattants » et avance des solutions (cf. ZF040727 et ZF040728).
« L’héritage de mort des conflits terminés »
Quand une guerre se termine, un des problèmes à affronter est le désarmement des anciens combattants. Malheureusement, malgré les efforts faits par les Nations-Unies et par d’autres organisations, en plusieurs occasions on n’est pas parvenu à obtenir un désarmement total. Un des exemples les plus récents est le programme de désarmement de démobilisation au Libéria. La guerre civile entre les combattants fidèles au Président déposé Charles Taylor, et les rebelles des LURD (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) et du MODEL (Mouvement pour la Démocratie au Libéria) s’est terminée au mois d’août 2003. Le pays se trouve face au problème du désarmement de plus de 85.000 combattants, dont 20.000 sont des enfants soldats (certains ont moins de 9 ans).
Après un faux départ au mois de décembre 2003 (voir l’agence Fides 9 décembre 2003), le programme de désarmement fait par l’Onu commence le 15 avril 2004.
En échange de la participation au programme de démobilisation, les combattants reçoivent 300 dollars (en deux tranches, 150 dollars aussitôt, et le reste trois mois plus tard après avoir participé au programme de réinsertion dans la société civile). Il faut noter que les anciens rebelles n’ont pas l’obligation de se présenter avec leur arme pour la remettre aux Casques Bleus de l’ONU. Une situation paradoxale s’est ainsi créée avec la Côte-d’Ivoire, pays voisin. Dans ce pays également, en effet, on a organisé un processus de récupération des armes des rebelles des « Forces neuves », qui contrôlent les régions du nord-ouest. Mais, en Côte-d’Ivoire, les anciens rebelles doivent remettre leurs armes, mais ils reçoivent en échange une somme plus forte, 900 dollars. Il s’est ainsi créé un trafic d’armes, du Libéria en Côte-d’Ivoire, comme l’a d’ailleurs dénoncé l’Eglise catholique du Libéria (cf. Agence Fides, 3 mai 2004). Les rebelles libériens cherchent en effet à gagner deux fois, en participant au programme de désarmement dans leur propre pays, et au programme en cours en Côte-d’Ivoire. Dans ce dernier cas, les Libériens se font passer pour des combattants ivoiriens, ou encore, ils vendent leurs armes aux rebelles de Côte-d’Ivoire, en échange d’un pourcentage sur les 900 dollars de paiement pour la remise de l’arme.
Le fait que les rebelles libériens peuvent participer au programme de démobilisation sans remettre leurs armes a des conséquences négatives au Libéria lui-même. Les rebelles, en outre tendent à remettre des armes vieilles et inutilisables, en cachant les armes plus récentes. Ainsi, sur 11.000 hommes armés enregistrés dans la première semaine du programme de démobilisation, seules 8.500 armes ont été récupérées. En tenant compte que les combattants peuvent posséder plus d’une arme, il s’agit d’un résultat plutôt décevant et préoccupant (cf.. Agence Fides, 10 juillet 2004). Et même là, le programme a obtenu de bons résultats, il y a des motifs de préoccupation. Au Congo-Brazzaville, par exemple, le programme organisé par IOM et UNDP et commencé au mois de juillet 2000, a permis de récupérer en moins d’un an 28% des 57.000 armes légères en circulation dans le pays.
Les armes en circulation vont ainsi alimenter des circuits illégaux qui fournissent la délinquance et les guérillas des pays voisins. L’héritage de mort que représentent ces armes continue ainsi à être une source de déstabilisation pour des régions entières de l’Afrique. L’arme préférée du banditisme africain n’est pas le revolver mais la kalachnikov (AK47), recyclée par les anciens rebelles. Les braconniers qui sévissent dans le Parc national Kafue en Zambie septentrionale, par exemple, utilisent des kalachnikov importées dans le pays par des réfugiés angolais. Dans le nord du Cameroun, plus de la moitié des bandits de grand chemin sont des anciens rebelles provenant de République Centrafricaine, du Tchad, et du Nigeria.
A cause de la diffusion importante d’armes légères dans le continent, 18% des homicides et des suicides avec des armes à feu, enregistrés en un an dans le monde entier, se sont produits en Afrique. Sur le continent, les armes de guerre servent dans 35% des homicides, dans 13% des vols, et dans 2% des viols. Le pays le plus touché par la violence armée est l’Afrique du Sud, où, chaque année, il y a 30 homicides avec armes à feu par 100.000 habitants, donnée qui met ce pays à la deuxième place au plan mondial, après la Colombie.
« Un désarmement possible »
D’après des experts, toutefois, la situation africaine est tragique mais pas désespérée. Les estimations sur le nombre d’armes légères en circulation en Afrique sub-saharienne ont été revues récemment à la baisse: d’une estimation initiale de 10 millions d’armes, on est passé à 30 millions (5% de toutes les armes légères en circulation dans le monde). Il s’agit d’un chiffre important mais qui ne rend pas impossible la réalisation de programmes de désarmement. Il faut souligner toutefois que 80% des ces armes sont aux mains de civils, contribuant ainsi à l’instabilité de plusieurs régions de l’Afrique.
D’autre part, cette donnée est préoccupante parce qu’elle signifie que même avec un nombre relativement réduit d’armes, un nombre réduit de rebelles est en mesure de compromettre la vie de pays entiers.
Cette situation peut se rencontrer en Afrique Occidentale, où les guerres civiles au Libéria et en Sierra Leone ont mis à terre l’Etat et détruit le tissu économique et social des deux pays. On estime que dans les années 1990, au sommet de la violence dans la région, le total des insurgés était de 47.000 hommes, avec de 60.000 à 80.000 armes. En tenant compte des armes achetées pour remplacer les armes détruites, perdues ou volées, on peut dire que, en 10 ans, la région n’a pas absorbé plus de 250.000 armes.
La présence des armes dans la région a entraîné des courants illégaux dirigés aussi vers des pays considérés comme étant relativement stables, comme le Ghana où, d’après des données officielles, il y a plus de 40.000 armes à feu hors du contrôle de l’Etat. Au Nigeria, pays traversé par des tensions ethniques et religieuses qui débouchent souvent en violences, il y aurait au moins un million d’armes détenues illégalement.
Il faut tenir compte du fait que, lorsque l’on est en présence d’intérêts économiques et stratégiques comme le contrôle de ressources comme le pétrole, il n’y a pas de problèmes pour les rebelles locaux pour trouver des armes. C’est le cas des trois guerres civiles qui ont secoué le Congo-Brazzaville en 1993, 1997 et 1998-1999. Les différentes milices qui se sont combattues ont reçu un flot constant d’armes. Sur les 74.000 armes légères distribuées aux forces combattantes congolaises, 24.500 provenaient des arsenaux des forces de sécurité, et que 49.500 ont été importées.
Parmi les pays qui ont vendu des armes aux différentes milices, il y a Israël, l’Afrique du Sud, la Chine, la République Démocratique du Congo, le Gabon et le Zimbabwe.
Le Congo-Brazzaville a la triste primauté d’être le premier pays dans lequel un groupe qui n’est officiel, la milice Cobra, est entrée en possession des roquettes meurtrières russes RPO-A Shmel. Il s’agit de roquettes employées par les forces soviétiques en Afghanistan et par les forces russes en Tchétchénie, qu utilisent un mélange air-combustible pour créer une explosion qui brûle l’oxygène dans la zone autour de la cible. Il se produit alors une décompression forte et soudaine qui rase au sol tous les bâtiments avoisinants et écrase les poumons dans la cage thoracique.
Les circuits criminels internationaux sont capables fournir en armes les arsenaux de la guérilla, et donc du terrorisme, d’instruments perfectionnés de mort.
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