Les vocations aujourd’hui, moins nombreuses, mais solides, déclare le card. Lustiger

CITE DU VATICAN, Dimanche 29 février 2004 (ZENIT.org) – Les vocations sont aujourd’hui moins nombreuses mais de qualité ; elles viennent du monde du travail et de l’université : ce sont des personnes ayant renoncé à une carrière et à l’argent pour le service de l’Evangile. C’est ce que déclare le cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, dans un entretien avec le quotidien catholique italien L’Avvenire. Il y dit son « espérance » dans les nouvelles générations. Le cardinal Lustiger est archevêque de Paris depuis 1981. Nous traduisons de l’Italien.

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L’Avvenire: Eminence, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la loi sur les symboles religieux. Quel est aujourd’hui le rapport entre l’Eglise et l’Etat en France?

Card. Lustiger: Cette loi n’est qu’un épisode dans les relations entre l’Eglise catholique et l’Etat. Des relations qui ont connu ces dernières années un grand progrès. Des rencontres régulières au plus haut niveau permettent d’affronter clairement les questions qui touchent le statut de l’Eglise en France.

L’Avvenire: Mais avec l’approbation de cette loi, ne risque-t-on pas un pas en arrière?

Card. Lustiger: En voulant affronter les excès de l’islamisme, cette loi risque en réalité de limiter la liberté de toutes les religions. C’est pourquoi les évêques ont exprimé leur opposition. Le Parlement a voulu limiter de la façon la plus précise possible l’objet de la normative. Mais son application sera très difficile. Il reste que le débat qui a occupé l’opinion publique française depuis des mois a rallumé des critiques violentes et injustes contre toutes les religions, en particulier contre le catholicisme.

L’Avvenire: Donc, dans un certain sens, le débat est conceptuellement celui qui oppose « laïcistes » et catholiques sur les racines chrétiennes de l’Europe?

Card. Lustiger: Oui, cette tendance n’est pas sans rapport avec l’absence de référence explicite aux racines chrétiennes de l’Europe dans la Charte constitutionnelle de l’Union européenne.

L’Avvenire: Et pourtant, d’aucuns affirment que la loi est un frein à l’expansion du fondamentalisme musulman en France.

Card. Lustiger: Le vrai problème est l’entrée de populations d’origine arabo-musulmane dans la société française. Ce qui requiert du temps et des instruments: formation, travail, conditions de vie. Les mouvements radicaux islamistes cherchent à gagner les jeunes des familles immigrées. Dans l’intention du législateur, cette loi vise à s’opposer à ces courants politico-religieux fondamentalistes. Mais je le répète: le risque est que pour faire face aux excès de l’islamisme, la loi limite la liberté de toutes les religions.

L’Avvenire: Mais au-delà des débats, quels sont les problèmes les plus urgents de l’Eglise en France aujourd’hui?

Card. Lustiger: Fondamentalement, ce sont les mêmes dans toute l’Europe occidentale: crise du sens de la vie, désagrégation des mœurs et des familles, perte de la vitalité humaine. C’est ce que démontre par exemple la dénatalité. Les anciennes formes de sociétés ont été bouleversées en quelques années par la concentration de la population dans les grandes villes. L’espérance vient des nouvelles générations. C’est d’elles que surgissent déjà les apôtres de cette société, en rupture avec la précédente.

L’Avvenire: Dans ses discours aux évêques de France en visite ad limina, le pape a beaucoup insisté sur la crise des vocations, en définissant comme « alarmante » la situation des diocèses mais en invitant aussi à ne pas se décourager.

Card. Lustiger: La « crise des vocations » que le pape a relevée avec raison remonte à il y a plus d’un demi siècle. Elle correspond à la disparition de la France rurale, dont venaient une grande partie des vocations. Je voudrais souligner ce point: l’Eglise en France commence seulement maintenant à mesurer ces bouleversements. Nous vivons désormais une période très difficile, à partir du moment où, comme c’était prévisible, le nombre de prêtres est dix fois moins important qu’il y a cinquante ans. Dans les nouvelles générations, les vocations viennent de l’université et du monde du travail. Elles sont moins nombreuses, mais c’est sur elles et sur les laïcs que s’appuie la mission de faire exister un nouveau type de prêtres: des hommes qui, pour suivre le Christ, ont renoncé à l’argent, à la profession, et au mariage et se donnent entièrement à l’annonce de l’Evangile.

L’Avvenire: Le thème des vocations appelle celui des jeunes, également abordé par le Saint-Père avec des accents préoccupants. La vague de la Journée Mondiale de la Jeunesse de Paris est déjà passée?

Card. Lustiger: Les effets profonds et durables de la JMJ commencent seulement maintenant à se faire sentir. Elles ont réveillé la pastorale des jeunes dans toute la France. Et grâce à elles, apparaît cette nouvelle génération à laquelle je me référais à l’instant. Sans aucun doute, la JMJ de 1997 et le Jubilé de l’an 2000 marquent une nouvelle phase de l’histoire de l’Eglise en France: celle de la Nouvelle évangélisation. Les voyages répétés du pape en France ont suscité un réveil et ce changement.

L’Avvenire: La réorganisation des paroisses et les « services pastoraux communs » seront une aide?

Card. Lustiger: Ces réorganisations ne sont que des palliatifs. Ce n’est pas de là qu’un changement pourra venir, mais de la force spirituelle des apôtres, des prêtres et des laïcs.

L’Avvenire: Comment l’Eglise de France et l’Eglise italienne peuvent-elles s’aider mutuellement?

Card. Lustiger: Si la France est un peu en avance pour certains aspects négatifs, que l’Italie apprenne la leçon. Si l’Italie est un peu en avance sur la bonne voie, que la France n’hésite pas à l’imiter. Et naturellement on espère que ce ne soit pas le contraire qui se passe.

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ZENIT Staff

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