Qu’est-ce qui a fait de Mère Teresa une femme aussi spéciale ? (2ème partie)

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Entretien avec le père Brian Kolodiejchuk, Missionnaire de la Charité

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ROME, vendredi 17 octobre 2003 (ZENIT.org) – Mère Teresa respectait les autres religions mais n’a jamais fait de compromis avec sa propre foi.

Ce n’est là qu’une facette de l’un des personnages les plus extraordinaires du 20e siècle. Pour mieux comprendre Mère Teresa, Zenit a interrogé le père Brian Kolodiejchuk, l’un des premiers membres de la branche masculine des Missionnaires de la Charité, le postulateur de la cause de béatification de Mère Teresa. La béatification aura lieu dimanche prochain 19 octobre.

Voici la deuxième partie de cet entretien, publié en trois parties.

Q : Pour confirmer la nouvelle de la béatification de Mère Teresa, Sœur Nirmala, la supérieure générale des Missionnaires de la Charité, et vous-même, reconnaissez dans un rapport que « son témoignage et son message sont profondément appréciés par toutes les religions, ceci étant le signe que Dieu aime encore le monde aujourd’hui ». Dans quelle mesure la personne de Mère Teresa contribue-t-elle à l’unité et au dialogue interreligieux ?

Père Kolodiejchuk : Mère Teresa était au service de tous, quelles que soient leur caste, leur croyance, leur race ou leur nationalité. De cette manière elle rendait témoignage à la vérité qu’elle proclamait elle-même : « Toute personne est enfant de Dieu, fait pour aimer et être aimé ».

Elle insistait sur le fait que nous sommes tous enfants du même « Père aimant » et espérait que tous parviendraient un jour à reconnaître cette vérité.

Il est en même temps important de souligner que Mère Teresa avait beaucoup de respect pour toutes les religions et avait de nombreux amis appartenant à d’autres religions. Mais elle n’a jamais fait de compromis avec sa propre foi. Son authenticité et sa transparence à cet égard étaient très appréciés. Si elle respectait la religion des autres, cela impliquait que les autres aussi respecteraient la sienne, et effectivement, les gens respectaient ses convictions religieuses.

Elle allait partout en tant que « missionnaire », en tant que religieuse catholique, en tant que messager de l’Evangile et elle était acceptée et respectée en tant que tel. Sa présence était une proclamation de sa foi et un témoignage du vrai visage de l’Eglise, une amie du plus petit et du dernier, comme l’était son Maître et Seigneur.

Depuis sa mort, des gens de toutes les croyances viennent prier sur sa tombe, attirés par sa vie et son message. En Inde également, des gens de différentes origines religieuses se rassemblent pour honorer sa vie et son œuvre. Mère Teresa continue d’être un facteur d’unité.

Q : Lorsqu’elle a embrassé la vie religieuse, Agnes Gonxha Bojaxhiu, future fondatrice des Missionnaires de la Charité, a choisi un nom, en se plaçant sous la protection de sainte Thérèse de Lisieux, patronne des missions. Qu’est-ce que Mère Teresa a laissé en héritage aux missionnaires du 21e siècle ?

Père Kolodiejchuk : Même si Mère Teresa a vécu ce que l’on appelle traditionnellement une vie religieuse « active », c’est la prière qui avait la première place dans sa vocation.

La relation de Mère Teresa avec Dieu était à la base de toute son activité et ceci faisait d’elle une vraie contemplative. Son exemple nous rappelle une fois encore que toute activité missionnaire doit commencer et finir dans la prière. La prière et le sacrifice étaient ses premiers instruments missionnaires, comme ils l’étaient pour sa patronne, sainte Thérèse de Lisieux.

On est toujours tenté de réduire la mission à un service social. Mais pour Mère Teresa, un missionnaire doit être « un porteur de l’amour de Dieu ». Ce mandat était le seul but de toute son activité apostolique.

Elle s’efforçait de révéler l’amour de Dieu dans les situations concrètes de la vie quotidienne. Nourrir les affamés, revêtir les personnes nues, s’occuper des malades, ou entreprendre tout autre apostolat, c’était sa manière de canaliser l’amour de Dieu vers la personne.

Mère Teresa cherchait la face du Christ dans la prière et l’apostolat et elle est ainsi devenue une vraie contemplative au cœur du monde. Elle partait de la prière, spécialement de l’Eucharistie pour aller vers les pauvres et des pauvres elle revenait à la prière.

« Je ne suis pas appelée au succès mais à la fidélité » répétait-elle souvent. C’était sa manière d’affirmer que la fidélité à la mission qui lui avait été confiée passait avant les résultats ou la popularité dont elle jouissait.

Sa mission auprès des pauvres n’était pas une question de prestige mais de service. Il s’agissait pour elle de prendre la dernière place parmi ses frères et sœurs. Elle était consumée par un désir : celui de transmettre l’amour de Dieu aux pauvres et aux nécessiteux.

Pour conclure, je dirais qu’il faut toujours garder à l’esprit l’origine surnaturelle et le but de toute mission, même lorsque l’on réalise une activité temporelle. En cela Mère Teresa reste un exemple. Tout ce qu’elle a fait, elle l’a fait pour communiquer l’amour de Dieu aux personnes qu’elle servait. Pour cela il faut que la prière ait la première place dans la vie missionnaire. En définitive, seule la sainteté de vie ne peut donner complètement le message de l’amour de Dieu.

Q : Le rôle de Mère Teresa en tant que fondatrice s’étend aux frères et sœurs actifs et contemplatifs, aux prêtres et aux laïcs consacrés. Elle a également encouragé des collaborateurs à participer au service des plus pauvres parmi les pauvres. Ne courait-elle pas le risque de réduire le travail des Missionnaires de la Charité à un simple service social, même s’il donnait de très bons résultats ?

Père Kolodiejchuk : Mère Teresa disait souvent que nous n’étions pas des assistants sociaux même si nous faisions du travail social ; et elle ajoutait : « Nous le faisons pour quelqu’un ». Ce qu’elle voulait dire, c’est qu’en définitive, c’est à Jésus que son humble service était adressé. A la base de cette déclaration se trouvait ce qu’elle appelait : « l’Evangile sur cinq doigts », car elle comptait sur ses doigts les paroles de Matthieu 25,40 « you did it to me » (C’est à moi que vous l’avez fait).

Quel que soit le service qu’elle était en train d’accomplir, elle gardait cette vérité dans son cœur. C’est avec Jésus qu’elle se trouvait lorsqu’elle était en prière, c’est Jésus qu’elle touchait à travers les pauvres, c’est Jésus qu’elle rencontrait dans chaque personne avec laquelle elle entrait en contact. Encore une fois, elle était vraiment devenue une « contemplative au cœur du monde », qui perçoit, reconnaît, sert Dieu en présence de chaque personne rencontrée et dans chaque événement.

Mère Teresa ne s’est jamais perdue dans les résultats, même s’ils étaient considérables. Ce qui importait pour elle c’était la personne devant elle, au moment présent, la personne qui avait besoin de son amour et de son attention – maintenant.

Elle était profondément convaincue que tout ce qu’elle parvenait à accomplir était « l’œuvre de Dieu » et que Dieu utilisait sa « petitesse pour montrer Sa grandeur ». Et quand elle parlait de résultats, c’était seulement pour mettre en évidence les merveilles que « Dieu fait ». Elle a réussi à donner une dimension contemplative à son travail et c’est cela qui a permis que ce travail ne soit pas un simple service social, aussi louable soit il.

Q : Certains critiquent le fait que Mère Teresa se soit occupée des personnes marginalisées mais sans viser à travers son œuvre à changer les structures sociales. Comment expliquez-vous cette attitude de Mère Teresa ?

Père Kolodiejchuk : To
ute la vie de Mère Teresa visait à répondre à l’appel de Dieu qu’elle avait reçu en 1946.

A partir du 10 septembre 1946 elle a eu des rencontres mystiques avec le Christ qui ont abouti à la fondation des Missionnaires de la Charité. Ces fortes expériences étaient la véritable raison et la motivation du service aux pauvres. Elle en était très consciente.

Sa première préoccupation était donc de suivre l’appel qu’elle avait reçu du Christ, qui n’incluait pas un appel à changer les structures sociales. Sa mission était de transmettre l’amour de Dieu aux plus pauvres parmi les pauvres à travers son humble service.

Elle était appelée à entrer dans le monde de la pauvreté et à apporter la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu aux pauvres, non pas à résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux, du monde. Elle était parfaitement consciente de cela et n’aurait fait de compromis avec ce principe pour aucune raison au monde. Une fois elle a dit : « Si j’entre dans les affaires politiques, je n’aurai pas le temps d’aimer », et cela aurait sûrement été vrai dans son cas.

La raison pour laquelle Mère Teresa ne s’est pas engagée directement dans un travail de changement social, était donc qu’elle suivait sa propre vocation. Elle avait une mission à remplir auprès d’un groupe de personnes particulier, et elle était engagée dans un domaine particulier de service aux pauvres.

Elle savait qu’elle ne pouvait pas tout faire mais s’efforçait de faire de son mieux là où elle était appelée. Elle disait souvent : « Tu ne peux pas faire ce que je peux faire, je ne peux pas faire ce que tu peux faire, mais ensemble nous pouvons faire ‘quelque chose de beau pour Dieu’ ».

Pendant que d’autres travaillent de façon légitime à changer les structures sociales, elle mettait toute son attention à offrir une aide efficace et immédiate aux plus pauvres parmi les pauvres, à ceux qui étaient le plus dans le besoin. Il est nécessaire d’offrir aux gens une canne pour pêcher mais quelqu’un doit se préoccuper de leur donner un poisson pour qu’ils aient la force de tenir la canne.

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ZENIT Staff

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