CITE DU VATICAN, Mardi 16 septembre 2003 (ZENIT.org) – Un évêque « clandestin » appelle ses pairs dans l’épiscopat à la réconciliation des deux parties de l’Eglise catholique de Chine, indique « Eglises d’Asie », l’agence des Missions étrangères de Paris (eglasie.mepasie.org).
Dans une « Lettre à mes amis » datée du mois de juillet dernier, Mgr Joseph Han Zhihai, évêque « clandestin » de Lanzhou, diocèse catholique situé dans la province du Gansu, a exprimé en termes très clairs son désir de voir les deux parties de l’Eglise catholique en Chine, sa partie « clandestine » et sa partie « officielle », enfin unies. Le jeune évêque, âgé de 39 ans, a écrit qu’il estimait qu’il était temps pour les catholiques chinois de répondre aux efforts du pape Jean-Paul II qui depuis vingt ans appelle à l’unité de l’Eglise de Chine. Il a demandé à ses pairs dans l’épiscopat de « libérer les catholiques chinois de l’ambiguïté créée par la situation de division » qui est celle de l’Eglise de Chine aujourd’hui. La lettre de Mgr Han, qui a été envoyée à un certain nombre d’évêques « clandestins » et « officiels », a été rendue publique lors d’un colloque organisé à l’université de Louvain, en Belgique, du 1er au 4 septembre dernier. Mgr Han n’était pas présent à ce colloque qui rassemblait une centaine de participants, « partenaires de la mission en Chine », venus principalement d’Europe et d’Asie.
Mgr Han écrit dans sa lettre que l’Eglise en Chine souffre d’être divisée comme elle l’est depuis presque cinquante ans. Il rappelle que les catholiques qui ont accepté le contrôle du régime communiste sur leurs activités ont pu organiser au grand jour le culte catholique tandis que les autres ont préféré la communion avec le pape et sont entrés dans la clandestinité. Pour les clandestins, le harcèlement, voire la persécution, des autorités a été constant, jusqu’à ce jour. Soulignant que la principale cause de division a toujours été la question de la nomination des évêques pour laquelle ni le Saint-Siège, ni Pékin n’acceptent d’ingérence de la part de l’autre, il remarque que la situation des uns et des autres n’est désormais plus tenable parce qu’elle est devenue ambiguë. Cette ambiguïté est née du fait que la plupart des évêques « officiels », approuvés donc par les autorités chinoises, ont été légitimés et reconnus en tant que tels par le Saint Père. Ils se trouvent donc en communion avec l’Eglise universelle. « Ensemble avec les évêques non officiels, les évêques légitimes forment de loin la grande majorité des évêques chinois », écrit Mgr Han.
Fort de ces changements récents qui remontent à « ces dernières années », Mgr Han se dit encouragé par le fait que « la grande majorité de nos évêques, des prêtres et des catholiques sont unis dans la même foi et unis avec le pape ». D’un autre côté, l’évêque de Lanzhou « estime qu’il est très dommageable pour notre Eglise de demeurer divisée en communautés ‘officielles’ et ‘non officielles’ ». Pour remédier à cette situation, Mgr Han écrit : « En tant qu’évêque, pasteur du diocèse de Lanzhou, je ressens l’obligation de lancer cet appel à mes frères dans l’épiscopat : libérons les catholiques chinois de la situation ambiguë née de la division ! »
Concrètement, Mgr Han considère que l’eucharistie est le lieu commun où la division de l’Eglise pourra être surmontée. Dès lors qu’un évêque ou un prêtre a déclaré clairement son unité avec le pape et l’Eglise universelle, l’unité doit être réalisée car « c’est l’eucharistie qui nourrit l’unité ». Citant la position ambiguë de l’Association patriotique des catholiques de Chine à propos de la communion avec le Saint-Siège, Mgr Han estime que cette dernière est la raison majeure pour laquelle les évêques clandestins prennent peu d’initiatives en faveur de la réconciliation. Ceci dit, il appelle le clergé des deux parties de l’Eglise à poser des gestes concrets d’unité. Il cite à ce propos les canaux informels de communication que certains membres du clergé ont établi dans son diocèse entre les deux communautés. Il met en avant le fait que, dans le diocèse voisin de Tianshui, des prêtres issus des deux communautés célèbrent désormais ensemble l’eucharistie. « Notre unité dans la foi ne diminuera en aucune façon notre amour pour notre pays. Au contraire, elle renforcera notre capacité à coopérer ensemble pour bâtir et moderniser notre pays », affirme-t-il encore.
Selon les observateurs, cette lettre, présentée au colloque de Louvain par le P. Jeroom Heyndrickx, directeur de la Fondation Verbiest, constitue un élément nouveau intéressant dans la mesure où un évêque chinois prend l’initiative d’appeler à l’unité à un moment où le dossier des relations sino-vaticanes paraît être dans une impasse. Le cardinal Danneels, archevêque de Bruxelles, intervenant pour conclure le colloque, s’est dit « véritablement impressionné » par la lettre de Mgr Han ; il a estimé que l’appel à l’unité de l’évêque chinois dépassait le cadre de la seule Eglise de Chine et pouvait être entendu par l’Eglise universelle.
Pour certains spécialistes de l’Eglise de Chine, la lettre de Mgr Han, ainsi mise en avant lors du colloque européen en Belgique, pourrait valoir des ennuis à son auteur en donnant l’impression que cet évêque a été manipulé par des étrangers. D’un autre côté, l’initiative de l’évêque de Lanzhou peut être interprétée comme favorisant les manœuvres du gouvernement chinois qui cherche à rallier tous les clandestins. A ce titre, elle n’entraînera pas de réactions négatives, mais elle pourrait par contre susciter l’opposition de catholiques clandestins de Chine. D’un côté comme de l’autre, cette lettre peut en fait jouer un rôle médiateur dans la mesure où elle est accompagnée de beaucoup de discrétion.
Mgr Han a été ordonné prêtre en 1994 et a reçu l’ordination épiscopale en janvier 2003 des mains de Mgr Paul Xie Tingzhe, évêque du diocèse de Xinjiang (1). Mgr Han est le successeur de Mgr Philip Yang Libai, ordonné évêque de Lanzhou dans la clandestinité en 1981 et décédé en 1998 (2).
(1) La qualité d’évêque de Mgr Paul Xie Tingzhe n’est pas reconnue par le gouvernement chinois qui ne le connaît que comme prêtre « officiel » du diocèse de Xinjiang.
(2) Voir EDA 144, 149, 261