France : 86 000 personnes, dont 16 000 enfants, vivent sans domicile!

Print Friendly, PDF & Email

Les évêques dénoncent le « cancer social » du « mal logement »

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

CITE DU VATICAN, Lundi 23 décembre 2002 (ZENIT.org) – « Habiter l’humanité, répondre à l’urgence du logement » : à l’occasion de Noël, où l’Evangile rappelle les conditions dérisoires dans lesquelles est né le Sauveur (Luc 2,7), la commission sociale des évêques catholiques de France et le Secours catholique français publient cette déclaration où ils dénoncent, en France, le « cancer social » du « mal logement ».

Deux mille ans après, 86 000 personnes, dont 16 000 enfants, vivent en France, sans domicile! “La rue, les abris de fortune restent des conditions de vie infra-humaines”, déplore la déclaration qui ajoute: “Au nom même du droit des plus pauvres à vivre dignement, nous dénonçons de tels égoïsmes collectifs”. Car, disent-ils: “Le droit au logement, inscrit dans la loi de notre pays, n’est pas appliqué”.

Les évêques ne se contentent pas de dénoncer, ils invitent les personnes de bonne volonté à poser des actes pour contribuer à remédier à cette situation.

Rappelons que la commission sociale des évêques de France a publié en 1995 le document : « Un logement pour tous », co-édition Bayard-Centurion.

HABITER L’HUMANITE
REPONDRE A L’URGENCE DU LOGEMENT

« Marie mit au monde son fils premier né… elle le coucha dans une mangeoire car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Luc 2,7)

Plus de place pour eux ?

Cette situation vécue, il y a 2000 ans, est encore trop tristement d’actualité en France aujourd’hui. Selon une enquête récente, 86 000 personnes, dont 16 000 enfants, vivent sans domicile : la rue, les abris de fortune restent des conditions de vie infra-humaines. Des familles vivent trop souvent dans des immeubles vétustes et insalubres.

Le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées estime, dans son dernier rapport publié en décembre, à plus de 3 millions de personnes le nombre de mal logés. Plus de 2 millions vivent dans des logements ne disposant pas du minimum de confort. 610 000 ménages vivent en état de surpeuplement accentué. 708 000 ménages habitent en situation de précarité.

Cette situation s’est aggravée depuis quelques années du fait de l’encombrement des centres d’hébergement et de la prise en compte très insuffisante des personnes demandeurs d’asile alors que 70 000 personnes sont en attente de statut et que l’Etat ne prévoit d’atteindre la capacité d’hébergement pour 17 000 places qu’en 2005 !

La résurgence de bidonvilles, disparus à la fin des années soixante est le signe tangible qu’il est urgent de stopper l’engrenage de l’exclusion. Le « Non Logement » et le « Mal Logement » sont des maladies profondes et particulièrement graves de notre société : c’est un cancer social qu’il faut éradiquer au nom même du respect et de la dignité de la personne humaine. Il y a urgence.

L’insuffisance ou l’incertitude des ressources

Pour accéder à un logement décent, les personnes doivent franchir des obstacles quasi insurmontables, parmi lesquels l’insuffisance ou l’incertitude des ressources sont les plus graves.

En effet, comment accéder à un logement quand la personne travaille en emploi précaire ? Quand elle ne dispose que d’un contrat à durée déterminée ou intérimaire ? Quand elle ne bénéficie que de prestations sociales ou du R M I, ou que son très faible salaire est proche du seuil de pauvreté ? Comment un jeune ayant un emploi stable peut-il trouver un logement sans la caution d’un adulte ou d’un parent ?

Comment accéder à un logement lorsque le loyer est au-delà du supportable, quand les garanties exigées sont déraisonnables ?

Se loger devient un luxe. Les plus pauvres et les plus modestes sont écartés de toute solution digne et humaine. Des appartements par centaines de milliers sont libres de toute occupation. Il y a urgence à changer de logique. Ces pratiques doivent cesser. Chacun et chacune doit pouvoir se loger correctement.

Comment des personnes migrantes peuvent-elles se loger lorsque le refus dissimule un racisme profondément ancré chez certains bailleurs ou propriétaires ?

La question du logement est révélatrice de la difficulté de notre société à vivre la solidarité et la fraternité. L’exclusion par le logement montre la grande fragilité de notre société et met en péril la cohésion sociale.

Des territoires entiers sont sinistrés, des populations reléguées. Le droit au logement, inscrit dans la loi de notre pays, n’est pas appliqué.

Certes l’Etat, des bailleurs sociaux, des collectivités, des financeurs publics et privés, depuis plusieurs années, recherchent des solutions adaptées et nouvelles. Des programmes et des plans nationaux et départementaux sont élaborés. Des tentatives de mise en œuvre sont développées, souvent avec difficulté. Nous ne pouvons que les encourager. La construction de logements sociaux, leur intégration diffuse au sein même des centres-villes et la capacité d’y accéder avec des très modestes revenus sont les seules solutions à une sortie durable de l’exclusion. Il faut donc apporter des solutions courageuses, en y mettant les moyens appropriés et audacieux, en particulier sur le plan budgétaire.

Oser vivre ensemble

La concentration des populations fragiles, souvent oubliées à la périphérie des villes, a développé un sentiment de rejet, de mépris des uns, et de peur, de repli sur soi des autres. Pourtant, dans ces quartiers, les liens sociaux sont parfois de grande qualité humaine et manifestent des solidarités exemplaires.

Le protectionnisme communal qui rejette la construction de logements sociaux, l’ouverture de centres d’hébergement ou de centres d’accueil pour demandeurs d’asile, et la création d’aires de stationnement pour gens du voyage, n’est souvent que le reflet d’égoïsmes locaux ou d’inquiétude profondément ancrés dans la population. On voit des municipalités contraintes de renoncer à des projets locatifs sociaux, sous la pression de leurs concitoyens, alors que rien ne justifie un tel refus. Au nom même du droit des plus pauvres à vivre dignement, nous dénonçons de tels égoïsmes collectifs.

Agir dans l’espérance

Les responsables politiques ont à prendre des décisions urgentes et courageuses, pour rendre effectif le droit au logement.

Pour ce faire, ils doivent impliquer tous les acteurs concernés : l’Etat, les collectivités locales, les financeurs, les bailleurs sociaux, et les associations. De plus, chaque personne dans son engagement politique, social ou associatif, a sa part de responsabilité propre.

Aussi invitons-nous chaque chrétien et chaque personne de Bonne Volonté :

-à dépasser ses peurs, ses préjugés, pour rencontrer en vérité les personnes sans logement ou mal logées ;

-à combattre toute forme de discrimination, tant dans son esprit que dans ses actes ;

-à accueillir les personnes et populations les plus fragiles dans sa rue, son quartier, son immeuble, sa ville, son village.

Seule une conversion du regard et du cœur, une évolution des attitudes et des comportements de chacun conduiront à cet engagement collectif en faveur du logement pour tous.

Cette conversion est soutenue par la conviction de la valeur de chaque personne humaine. Cette personne est rencontrée par Dieu. C’est le sens de Noël : « Dieu avec nous ». Nous pouvons donc espérer contre toute espérance.

Le 19 décembre 2002

Mgr Olivier de BERRANGER
Président de la Commission sociale

M. Joël THORAVAL
Président du Secours Catholique

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel