CITE DU VATICAN, Mardi 30 janvier 2002 (ZENIT.org) – « Only you », « Vous seul, vous pouviez faire que cela arrive », disait le rabbin Israël Singer à Assise, le 24 janvier dernier, en improvisant au début de son témoignage pour la paix cet hommage à l´initiative de Jean-Paul II d´inviter les religions à unir leurs efforts pour la paix dans le monde, en priant pour cela.
Nous publions ci-dessous une traduction de ce témoignage prononcé en anglais. Nous adoptons pour cette traduction le même principe que pour les textes précédents, c´est-à-dire que nous ne nous autorisons aucune coupure. Le rabbin Singer, des Etats-Unis, est président du « Gouverning board » du Congrès juif mondial ».
Témoignage du rabbin Singer
« L´histoire nous a montré que tandis que les responsables religieux ont toujours parlé de paix, et tandis que les prédicateurs ont prononcé d´innombrables homélies sur la paix, c´est-à-dire leur but ultime, la réalité est qu´en pratique, les religions ont servi à fomenter des guerres horribles et sanglantes. Les nombreuses guerres qui ont eu lieu en Europe et en Asie, entre les plus grandes religions, les batailles combattues au cours de l´histoire entre différentes sectes à l´intérieur d´une même religion, sont bien connues des étudiants en histoire et en religion. Jusqu´à aujourd´hui, des hommes continuent de se battre en Irlande du Nord, de se combattre au Cashmire et au Pakistan, et de se tuer au Moyen-Orient.
Et bien sûr, nous sommes tous trop familiarisés avec la façon dont, le 11 septembre de l´an dernier, des hommes fous qui prétendaient agir au nom de la religion ont encastré trois avions dans les deux tours du World Trade Centre et dans le Pentagone, tuant des milliers de personnes en quelques minutes seulement, provoquant ainsi le premier conflit militaire du XXIe siècle.
En tant que Juifs, nous soulignons que nos traditions religieuses ne prévoient pas de rôle central pour le concept de guerre religieuse. Mais nous ne voulons pas être insensés étant donné qu´à diverses époques, dans notre passé terriblement sanglant et tragique, nous nous sommes défendus et avons combattu contre des ennemis quand la nécessité s´imposait. Et lorsque nous avons combattu, nous avons scruté nos Ecritures non comme une justification de la guerre, mais comme la base religieuse de nos actions. La Bible est pleine d´injonctions de Dieu aux Juifs de batailler contre leurs ennemis lorsque c´est nécessaire. Il y a dans notre tradition le concept de « lo´ tehayyun kol neshamah », de guerres contre des groupes spécifiques qui doivent être combattus vigoureusement et sans merci. Ce thème a un fort écho dans l´impératif religieux continuel « mah eni meheh et zakar ´amalek » le commandement de combattre une guerre finale contre le mal ultime qui est représenté par Amalek, une guerre dans laquelle on ne fait pas de prisonniers et où tous doivent être tués.
Et pourtant, le combat militaire n´est pas le coeur du Judaïsme. La Bible juive, la Loi orale, le Talmud, les Midrash et les Ecrits rabbiniques soulignent tous l´importance que la paix soit entre nous, soit avec nos voisins. Nous, Juifs, nous sommes engagés dans une idéologie, dans une religion, et dans une philosophie centrée sur les concepts de paix, de bonté et de fraternité communs aux autres religions du monde, spécialement le christianisme qui a adopté et a adapté de très nombreuses idées juives. Nos Ecritures juives, ainsi que le Nouveau Testament chrétien, enseignent à ne pas avoir de rancoeur contre qui nous a frappés et à chercher toujours le chemin de la réconciliation et de l´amour fraternel. Même lorsque nous sommes invités à faire la guerre contre nos ennemis, Dieu nous demande d´offrir en premier lieu la possibilité d´une reddition pacifique, et seulement lorsque l´offre est refusée, il nous est permis d´utiliser les armes contre eux. En outre, les Prophètes ont de façon répétée placé devant nos yeux cette vision de la fin des jours où les épées sont transformées en charrues et où toutes les Nations vivent en paix.
C´est ainsi que la guerre n´appartient pas à notre culture, ce n´est pas notre travail, ce n´est pas notre mission, ce n´est pas notre tâche en tant que Juifs. Et, en définitive, ce n´est pas l´affaire des autres religions du monde. Le discours sur la paix tenu au nom de la religion ne doit pas être abandonné puisqu´il se fonde sur la réalité de tous nos idéaux religieux et c´est la fin ultime à laquelle nous aspirons tous. Nous devons rejeter les déformations des enseignements religieux qui ont été utilisés par le passé et ne pas diffuser l´idée que la violence contre des membres d´autres religions ou d´autres sectes religieuses sont d´origine religieuse.
Nous devons nous souvenir qu´aucune religion ne nous commande de tuer de façon indiscriminée et que ceux qui ont enseigné le contraire l´ont fait en détournant et en déformant les religions au nom desquelles ils parlaient. Le pape Jean-Paul II a corrigé les abus qui ont été utilisés historiquement pour justifier la violence commise contre des non-chrétiens.
Ce n´est que par un dialogue sérieux et un engagement sincère des responsables des plus grandes religions à se consacrer physiquement – et pas simplement par des déclarations – à la paix, par des sacrifices pour la paix, que nous pourrons commencer à changer la condition humaine actuelle. Le pape Jean-Paul II a joué un rôle personnel de ce type par ses efforts de réconciliation avec le Judaïsme et il a changé l´histoire entre Chrétiens et Juifs. Cela peut être sans aucun doute pour chacun de nous un modèle à suivre, la route des pèlerins qui cherchent la paix ».
« Le Midrash dit à propos de la prière: les bénédictions ne suffisent pas, à moins qu´elles ne contiennent le mot PAIX » (Bamidbar Raba) (commentaire sur l´Exode, ndlr).