CITE DU VATICAN, Jeudi 10 janvier 2002 (ZENIT.org) - Le pape Jean-Paul II dit un "non" très ferme à la "loi du talion" en Terre sainte, devant le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège réuni pour le traditionnel échange de voeux. Un discours et un diagnostic très attendu sur l´état du monde, donné ce matin, en la salle Regia du palais apostolique (cf. Ci-dessous, "Documents", pour le discours intégral en français). Le pape demande aux Nations en conflit de "donner la priorité absolue au dialogue et à la négociation"

La paix est ainsi le leitmotiv des interventions de Jean-Paul II et de ce mois de janvier 2002. Le pape se félicite tout particulièrement de la construction de l´Union européenne, tout en déplorant la "marginalisation" des religions en Europe comme à la fois "injuste" et une "erreur de perspective".

A propos de la situation en Terre sainte, le pape affirme: "Personne ne peut rester insensible à l’injustice dont le peuple palestinien est victime depuis plus de cinquante ans. Personne ne peut contester le droit du peuple israélien à vivre dans la sécurité. Mais personne ne peut oublier non plus les victimes innocentes qui, de part et d’autre, tombent tous les jours sous les coups et les tirs".

Et de lancer cet appel: "Les armes et les attentats sanglants ne seront jamais des instruments adéquats pour faire parvenir des messages politiques à des interlocuteurs. La logique de la loi du talion n’est pas non plus adaptée pour préparer les voies de la paix".

Jean-Paul II insiste sur le respect du droit et sur la nécessaire coopération internationale: "Comme je l’ai déjà déclaré maintes fois, seuls le respect de l’autre et de ses légitimes aspirations, l’application du droit international, l’évacuation des territoires occupés et un statut spécial internationalement garanti pour les parties les plus sacrées de Jérusalem, sont capables d’apporter un début de pacification dans cette partie du monde et de briser le cycle infernal de la haine et de la vengeance. Et je souhaite que la communauté internationale, avec des moyens pacifiques et appropriés, soit mise en condition de jouer son rôle irremplaçable, en étant acceptée par toutes les parties au conflit. Les uns contre les autres, les Israéliens et les Palestiniens ne gagneront pas la guerre. Les uns avec les autres, ils peuvent gagner la paix".

L´Union européenne
Le pape soulignait le caractère "positif" du processus de l´union de l´Europe, dont il souhaite "l´élargissement". "Parmi les motifs de satisfaction, on doit mentionner sans doute l’unification progressive de l’Europe, symbolisée récemment par l’adoption d’une monnaie unique de la part de douze pays. Il s’agit là d’une étape décisive dans la longue histoire de ce continent. Mais il est tout aussi important que l’élargissement de l’Union européenne continue à être une priorité. Je sais également qu’on s’interroge sur l’opportunité d’une Constitution de l’Union. À cet égard, il est fondamental que soient toujours mieux explicités les buts de cette construction européenne et les valeurs sur lesquelles elle doit reposer".

Le pape déplore que la "convention de Laeken" ne mentionne pas les religions, qui sont une donnée "historique" ineffaçable. "Non sans une certaine tristesse, j’ai pris acte du fait que, parmi les partenaires qui devront contribuer à la réflexion sur la «Convention» instituée lors du sommet de Laeken le mois dernier, les communautés de croyants n’ont pas été explicitement mentionnées".

Et de conclure: "La marginalisation des religions, qui ont contribué et contribuent encore à la culture et à l’humanisme dont l’Europe est légitimement fière, me paraît être à la fois une injustice et une erreur de perspective. Reconnaître un fait historique indéniable ne signifie pas du tout méconnaître l’exigence moderne d’une juste laïcité des États, et donc de l’Europe!"

Avancées significatives sur le chemin de la pacification
Jean-Paul II saluait en même temps comme des "avancées significatives sur le chemin de la pacification entre les hommes et les peuples": "la nouvelle tant attendue de l’amorce d’un dialogue direct entre les responsables des deux communautés de l’île de Chypre"; le "parlement légitime au Kosovo"; le fait que "les délégations de la République populaire de Chine et de la République de Chine siègent au sein de l’Organisation mondiale du Commerce" depuis novembre 2001; les "conversations en cours entre les parties au conflit qui déchire depuis tant d’années le Sri Lanka".

Recherche de l’origine des actions terroristes
Le pape affirmait la légitimité de la lutte contre le terrorisme en expliquant: "Face à l’agression barbare et aux massacres se pose non seulement la question de la légitime défense, mais aussi celle des moyens les plus aptes à éradiquer le terrorisme, de la recherche des facteurs à l’origine de telles actions, des mesures à prendre pour engager un processus de «guérison» afin de vaincre la peur et d’éviter que le mal s’ajoute au mal, la violence à la violence. Ainsi convient-il d’encourager le nouveau gouvernement installé à Kaboul dans ses efforts en vue d’une effective pacification de tout l’Afghanistan. Je me dois enfin de mentionner les tensions qui opposent, encore une fois, l’Inde et le Pakistan, pour inviter instamment les responsables politiques de ces grandes nations à donner la priorité absolue au dialogue et à la négociation".

Les religions et le pardon
A propos de la "la place et l’usage de la religion", le pape déclare solennellement: "Je veux redire ici, devant toute la communauté internationale, que tuer au nom de Dieu est un blasphème et une perversion de la religion, et je veux répéter ce matin ce que j’écrivais dans mon Message du 1er janvier: «C’est une profanation de la religion que de se proclamer terroriste au nom de Dieu, d’user de violence sur les hommes au nom de Dieu. La violence terroriste est contraire à la foi en Dieu Créateur de l’homme, en Dieu qui prend soin de l’homme et qui l’aime» (n. 7)".

Le pape insiste sur le "pardon" qu´il a voulu placer au coeur de ce message, " convaincu que «le service que les religions peuvent rendre à la cause de la paix et contre le terrorisme consiste justement dans la pédagogie du pardon, car l’homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend qu’il y a une Vérité plus grande que lui, et qu’en l’accueillant il peut se dépasser lui-même» (n.13)".

Union africaine
Le pape rappelle le sort "des peuples entiers abandonnés à leur triste sort", en particulier les pandémies et les conflits en Afrique, saluant la naissance d´une "Union africaine". "Récemment, lors d’un débat au sein de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, on faisait remarquer que dix-sept conflits étaient en cours sur le continent africain! Dans une telle situation, la naissance d’une «Union africaine» est en soi une bonne nouvelle. Cette Organisation devrait aider à l’élaboration de principes communs qui unissent tous les États membres, en vue de relever des défis majeurs tels que la prévention des conflits, l’éducation et la lutte contre la pauvreté".

Amérique latine
En Amérique latine, le pape déplore "la persistance d’inégalités sociales, le trafic de drogues, des phénomènes de corruption et de violence armée peuvent mettre en péril les bases de la démocratie et jeter le discrédit sur la classe politique". Il cite "la difficile situation en Argentine" et "les désordres publics, qui ont douloureusement touché des vies humaines". "La recherche du bien authentique des personnes et des peuples doit toujours inspirer l’action politique et économique des instances nationales et internationales".

Le pape lance un appel à l´espérance pour ce continent et l´Argentine. "La situation présente n’est pas irréversible et qu’elle peut être surmontée avec l’apport de tous". Et il invite à "laisser de côté les intérêts privés ou partisans et de promouvoir, par tous les moyens légitimes, l’intérêt de la nation, en revenant aux valeurs morales, ainsi que le dialogue ouvert et franc, et le renoncement au superflu en faveur de ceux qui connaissent toutes sortes de besoins. Dans cet esprit, on doit se souvenir que l’action politique est avant tout un noble, austère et généreux service de la communauté".

Aussi le pape attire-t-il l´attention des diplomates sur huit défis à affronter dans cet esprit:
- "défense de la sacralité de la vie humaine en toutes circonstances, en particulier face aux manipulations génétiques;
- "promotion de la famille, cellule fondamentale de la société;
- "élimination de la pauvreté, grâce à des efforts soutenus en vue du développement, de la réduction de la dette et de l’ouverture du commerce international;
- "respect des droits de l’homme dans toutes les situations, avec une attention pour les catégories de personnes les plus vulnérables: enfants, femmes et réfugiés;
- "désarment, réduction des ventes d’armes aux pays pauvres et consolidation de la paix après la fin des conflits;
- "lutte contre les grandes maladies et accès des plus démunis aux soins et aux médicaments de base;
- "sauvegarde de l’environnement et prévention des catastrophes naturelles;
- "application rigoureuse du droit et des conventions internationales".

Le discours du pape commençait par une invitation à l´espérance: "La lumière de Noël donne sens à tous les efforts humains déployés pour que notre terre soit plus fraternelle et plus solidaire, pour qu’il fasse bon y vivre et que l’indifférence, l’injustice et la haine n’aient jamais le dernier mot".

Il s´achevait sur ces phrases évoquant la prochaine réunion d´Assise: "Les ténèbres ne peuvent être chassées que par la lumière. La haine ne peut être vaincue que par l’amour. Mon souhait le plus fervent, celui que je confie à Dieu dans la prière et qui, je crois, habitera tous les participants à la prochaine rencontre d’Assise, c’est que nous portions tous dans nos mains désarmées la lumière d’un amour que rien ne décourage. Veuille Dieu qu’il en soit ainsi pour le bonheur de tous!"